Images                    

Le Coin de Mustapha CHERIF

  • L’Homme médian est la voie

    ___________Suggestion de lecture___________

    Une contribution du Professeur Mustapha CHERIF, parue le 05 Novembre 2014, intitulée: "l'Homme médian est la voie", sur: www.oumma.com

    La Umma se veut ouverte à toutes les autres dimensions et à toutes les communautés religieuses et culturelles, pour viser la communauté globale : l’humanité tout entière.

    Pagecoran

  • 8 Mars bonne fête

    Images jpgn
     
    Le Prophète et les femmes
     
    Toute sa vie, le Prophète a défendu et respecté les femmes. Lors de son discours d’Adieu au pèlerinage, véritable testament, il a appelé à prendre soin des femmes, compagnes de l’homme.
     
    Un jour, sur le chemin du retour de la montagne de Ouhoud, il se mit à pleurer et ses compagnons lui demandèrent :  «Qu'est-ce qui te fait pleurer ya Rassoul'Allah ? »Il répondit : « Mes frères me manquent ! » On lui dit alors : « Ne sommes-nous pas tes frères ? » Il dit : « Non ! Vous êtes mes compagnons ! Mes frères sont des gens qui viendront après moi, croiront en moi alors qu'ils ne m'ont pas vu ! »
     
    Nous sommes ses humbles frères et sœurs, on doit le suivre, se souvenir de lui, et tenir compte de ses recommandations.
    Malade, il rassembla ses épouses et leur dit : « M'autorisez-vous à me faire soigner chez Aïcha ? » Signe de ses bonnes manières et son noble comportement envers ses épouses.
     
    Une fois à la mosquée, il fit trois recommandations :
    « Ô gens! Par Dieu. Je ne crains pas la pauvreté pour vous ! Mais, je crains pour vous les mondanités de la vie d'ici-bas ! Je crains que vous vous la disputiez comme ceux qui vous ont précédés, et qu'elle vous fasse périr comme elle les a fait périr !
     Ô gens ! Je vous recommande de prendre soin de vos femmes ! Je vous recommande de prendre soin de vos femmes !
     Ô gens ! Je vous en conjure pour la prière ! Ne l'abandonnez pas ! »
     
    Sentant l’heure venue du rappel à Dieu, son Seigneur, le Prophète regagna sa chambre et demanda qu'on le laisse seul avec Aïcha, qui vint à côté de lui, et il posa sa tête sur la poitrine de sa femme.
    Quelle scène magnifique ! Le Prophète mourut dans les bras de sa femme.
    Il ne mourut pas l'épée à la main en martyr, ni en lisant le Coran, et Dieu sait que cette mort est belle, ni en priant, et Dieu sait que cette mort est belle !
    Il mourut dans les bras de sa femme ! Tout un symbole !
     
    Un signe pour la femme musulmane et un message auquel nous devons être attentifs !
    En souvenir de la voie du Prophète, les femmes, qui sont la moitié de l’humanité, ont le droit au respect. Les croyantes vertueuses et les croyants vertueux savent que l’égalité est donnée par Dieu, en même temps que le masculin n’est pas le féminin et qu’il faut ensemble forger l’harmonie, la paix et la miséricorde dans les cœurs, le respect mutuel,c'est une épreuve à surmonter avec sagesse. 
     
    Ni modèle du libéralisme sauvage, de l’athéisme dogmatique, de la perte du sens spirituel, ni celui du rigorisme, de l’archaïsme et de la misogynie. Mais voie du juste milieu, de l’équilibre et de la complémentaire. Le Coran s’adresse à l’homme et à la femme sans distinction. Humanité partagée : « Vous êtes le vêtement l’un de l’autre »précise le Coran.

  • Face à la pandémie

    ______________________

    MC

    Face à la pandémie

    La survie de l’humanité

    Entretien avec Mustapha Cherif

     

    Question : Professeur, en tant que philosophe que vous inspire la pandémie mondiale ?

    Mustapha Cherif : L’avenir de l’humanité est en jeu. Il est trop tôt pour cerner toutes les significations. Ce sera systémique, même si personne n’en détient les secrets et les conséquences. C’est une nouvelle catastrophe, de par le village global incohérent dans lequel les peuples sont embarqués. Ce qui est certain est le vouloir vivre. Tout un chacun découvre que la vie est un miracle, un don inestimable, qu’il faut préserver. Cela veut dire qu’on ne peut pas se comporter de n’importe quelle manière. Par exemple, on ne peut pas consommer une nourriture impropre, ni pratiquer des actes contre nature, polluer et abandonner des populations dans l’insalubrité et la précarité, au point de susciter des virus et des maladies mortels. La vie a ses règles. Les valeureux médecins qui font preuve aujourd’hui d’un engagement remarquable, partout dans le monde, le savent. Sur le fond, l’oubli de la mort, de la fragilité humaine et du sens à leur donner se pose. Dans cette épreuve, les êtres humains sont confrontés à leur finitude. Les politiques des systèmes hégémoniques, néocoloniaux et spéculatifs, portent atteinte à la santé, à l’écologie et au vivre ensemble. Dans le contexte néo-libéral, des systèmes de santé publique ont subis des mesures d’austérité drastiques, dont les populations paient aujourd’hui un lourd tribut. Les pays soucieux de justice sociale ripostent mieux à la pandémie qui a surpris le monde entier. L’Algérie, nourrit de la culture de la résistance, prend des décisions adaptées, en sachant que c’est une responsabilité collective. A travers les cinq continents, les guides spirituels, les philosophes, les psychologues, et autres vocations bénéfiques rappellent qu’il faut honorer la vie et s’occuper de l’essentiel. Les croyants rappellent que le Maitre des mondes est miséricorde et qu’il faut garder l’espérance. Les militants appellent à la mobilisation contre les injustices et l’oppression. L’histoire est en marche, vers un monde incertain dont on ignore les contours. Reste à être vigilants et disciplinés, se méfier du populisme, de l’alarmisme et des fake-news.

    QO : Dans le monde actuel qu’est ce qui fonctionne, ou pas, au point de subir une catastrophe ?

    MC : Il n’y a pas de hasard. En effet, il faut discerner. Le monde dominant est à la fois attractif et répulsif. Parmi ses données positives, ce qui fonctionne est la créativité, la recherche scientifique et l’esprit d’entreprenariat. Il semble émancipateur, mais n’a pas su forger une civilisation fraternelle et protectrice. Sur le plan politique, il est antidémocratique. Sur le plan économique, il est inégalitaire. Sur le plan culturel, il est aliénant. Il remet en cause les bases de la civilisation humaine en place depuis des millénaires. Il produit du malaise. La désignification du monde déshumanise. En réaction aveugle, l’autoritarisme, le fanatisme, l’égoïsme et la xénophobie prolifèrent. Des détresses psychiques sont visibles, le suicide a atteint des taux inquiétants. Le chômage et la déliaison sociale sont ses plaies. Le techno-capitalisme est dans l’impasse. Violent, il ignore l’éthique, flatte les bas instincts et repose sur la marchandisation de la vie, l’idée nihiliste qu’il est interdit d’interdire et la logique de la loi du plus fort. La pandémie est la goutte qui fait déborder le vase. L’humanité, interpellée, a besoin d’un ordre juste et qui ait du sens. La question est celle de l’alternative raisonnable. Il est légitime de façonner la modernité selon nos propres buts et contexte historique.

    QO : Concrètement comment se dessine l’avenir géopolitique ?

    MC : Sur la base de nouveaux rapports de force, les pays du Sud auront raison de remettre en cause l’iniquité de l’ordre dominant. C’est le début de la fin de l’architecture imposée après la deuxième guerre mondiale. La crise profonde du néolibéralisme, qui exploite les peuples et la planète à bas coûts financiers et de désastres pour la santé physique et moral de l’humanité. Pour le XXIème siècle, ce système mise sur le numérique et l’intelligence artificielle, un monde virtuel déshumanisé. C’est autour de la table des négociations que les grandes puissances et le monde entier doivent s’atteler pour coopérer et solidairement combattre le virus et à terme instaurer un nouvel ordre mondial juste. Il s’agit de la survie de l’humanité.

    QO : Quelle est l’alternative ? Est -il possible de changer le monde, de revenir à des normes anciennes ou de réinventer d’autres ?

    MC : L’espoir est permis, les gens ne sont pas dupes. Ils veulent le progrès, mais refusent qu’on leur vole leur vie. Il ne s’agit pas d’utopie, ou de retour vers un passé précapitaliste, ou de nostalgie d’un âge d’or quel qu'il soit. Il est légitime de dénoncer la logique prédatrice et la falsification de l’histoire, de rechercher un nouvel humanisme, de préférer le bien commun et de conjuguer économie de marché et règles éthiques, fondées sur la justice sociale et l’équilibre entre les biens collectifs stratégiques, services publics à préserver, et les biens particuliers. Les peuples veulent un monde où la dignité n’est pas bafouée, où les besoins essentiels soient garantis, marqué par une juste répartition. Il y a des penseurs critiques et divers au sujet des failles. Sont un héritage éclairant pour assumer nos responsabilités, les œuvres de penseurs comme Rousseau, Spinoza, Marx, Grasmci, Freud, Lacan, René Guenon, Emmanuel Mounier, Derrida, Berque, Samir Amin, Omar Aktouf, Edgar Morin, J-L Nancy, et sur un autre versant Ibn Khaldoun, Abu Hamed Ghazali, Ibn Rochd, ibn Arabi et l’émir Abdelkader. Sans nier la pensée traditionnelle, produire une nouvelle culture politique, un nouveau droit international et une gouvernance mondiale est urgent. La question est de concilier justice et liberté, éthique et efficacité, mondialité et spécificité. L’avenir de l’humanité est ouvert.

    QO : Vous pointez une fin de civilisation, comment l’avenir se présente-il ?

    MC : Nous vivons un bouleversement. L’humanité sera capable de surmonter cette épreuve, d’inventer une nouvelle civilisation universelle à condition qu’elle soit solidaire et favorise l’alliance du mondial et du local. Les sociétés techniquement développées ne renonceront pas facilement à leur mode de vie consumériste et inéquitable et la lutte entre les grandes puissances risque de redoubler de férocité, mais les peuples refusent la guerre et l’hégémonie d’une conception du monde périlleuse. Pour forger une société de la connaissance, patriote, compétente et vertueuse, il y a lieu de repenser le système éducatif. L’UNESCO, en particulier, doit être fortement soutenue. Pour bâtir un ordre mondial juste, aboutir à une véritable solidarité et affronter ensemble les grandes crises, il y a lieu de repenser l’interdépendance et l’organisation mondiale de production, notamment des médicaments. Dans le contexte de l’éveil des consciences et d’un monde connecté, tout sera possible si l’on est solidaire, en veillant à notre souveraineté individuelle et collective. La crise n’est pas seulement sanitaire et économique, mais existentielle. Sans l’éclairage du sens de la vie, les autres dimensions resteront insuffisantes. Le confinement auquel des milliards d’humains sont soumis est une épreuve qu’il faut respecter. Ce n’est rien par rapport à la perte de sens, de l’éthique et de justice sociale que l’humanité subit depuis trois siècles. Il faut débattre, respecter le droit à la différence et mettre fin à la politique des deux poids et deux mesures. L’éthique musulmane de la médianité est vivace. Elle enseigne que l’avenir est imprévisible, rien n’est donné d’avance et qu’il est de notre devoir de faire l’effort, de lutter, afin que le vrai, le beau et le juste adviennent. Confiance en la volonté divine, sens de la responsabilité dans le partage et priorité à la science, sont l’alchimie pour relever le défi.

    *Mustapha CHERIF est philosophe, lauréat du prix UNESCO du dialogue interculturel.

  • Qu’appelle -t-on être musulman ?

    ________________________

    MC

    A la veille du mois béni de Ramadhan et en plein confinement, méditons sur ce que nous sommes, du moins ce que nous devons être. Dans un monde déspiritualisé, désenchanté et désorienté, se demander «Qu’appelle-t-on être musulman ? » est une question qui interpelle.

    Surtout à l’heure où l’écart entre ce qui est écrit et ce qui est fait est important. Il est temps de redonner la priorité au savoir et faire reculer l’ignorance pour vivre en paix.

    Le Coran est clair : le musulman est celui qui croit sincèrement au Créateur Unique des mondes et des âmes, Celui à qui rien ne ressemble, l’Infini, qui a avertit pour la dernière fois l’humanité à travers son Livre descendu sur le Sceau des envoyés, le Prophète (sws). C’est aussi la croyance au jugement dernier, à l’au-delà, aux anges, aux paradis et à l’enfer. Cette attitude de la foi doit se traduire à travers des rites et des bonnes actions.

    Cinq normes religieuses, dénommées les « piliers de l’islam » par la Sunna prophétique, permettent de saisir la figure de l’être musulman, qui doit s’imposer une saine discipline de vie spirituelle par le bel-agir, en donnant l’exemple et sans chercher à imposer son point de vue aux autres : «Seriez-vous hommes à ordonner de faire le bien, tout en oubliant de le faire vous-mêmes, alors que vous récitez le Livre ? N’êtes-vous donc pas raisonnables ? » (2 : 44)

    La foi

    Le Coran vise à éduquer au comportement spirituel, humain, à la vie plénière, afin de faciliter le vivre paisible entre les humains et préparer à l’au-delà du monde. Ce n’est pas une foi qui se contente de consoler, ou qui tourne le dos au monde terrestre. Sur la base de la foi réfléchie, il s’agit de former un être humain responsable, pacifique, instruit, créatif et vertueux, pour une Cité vertueuse. Le Coran vise à la fois l’autonomie de l’individu et l’être commun.

    Le Prophète (sws) a dit : « Je suis venu parfaire l’éducation des Humains » (1). La foi est définie par le Coran comme une réponse à l’Appel du Créateur des mondes : «Ô vous qui croyez ! Répondez à Dieu et au messager lorsqu’Il vous appelle à ce qui vous donne la vraie vie, et sachez que Dieu s’interpose entre l’homme et son coeur et ce que vers Lui que vous serez rassembler ». (8 : 24). Devenir musulman c’est répondre à l’Appel coranique pour vivre raisonnablement.

    Il s’agit dans le même mouvement de découvrir notre origine, notre humanité, de pratiquer la sagesse, les bonnes actions, et de s’abstenir d’actes immoraux : « Ceux qui ont cru et n’ont point troublé la pureté de leur foi par quelque iniquité ceux-là ont la sécurité et ce sont eux les bien-guidés » (6 : 82).

    Chacun est libre. Être incroyant, athée, est défini comme une forme d’aveuglement, c’est nier l’origine de la vie et sa finalité : « Et quiconque se détourne de Mon Rappel mènera une vie pleine de gêne et le jour de la Résurrection Nous l’amènerons aveugle au rassemblement. “Ô mon Seigneur, dira-t-il, pourquoi m’as-Tu amené aveugle alors qu’auparavant je voyais ?” Dieu lui dira : “De même que nos Signes t’étaient venus et que tu les as oubliés ainsi aujourd’hui tu es oublié » (20: 124-126).

    La Révélation présente l’humain doté de la capacité de croire et du défaut de mécroire, de se détourner : « Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée et lui a inspiré son immoralité de même que sa piété. A réussi qui la purifie. Est perdu celui qui la corrompt » (91: 7-10) Le mot îmân, signifiant « foi » en arabe, est de la même racine que le mot amân, qui signifie la tranquillité du coeur, la sérénité, la paix, et que le mot al-amâna qui signifie le dépôt, la responsabilité.

    Al-îmân est la foi confiante et réfléchie, ce n’est pas une croyance surnaturelle, incertaine, hésitante, irrationnelle ou superstitieuse. Elle est liée au savoir, au bon sens, et se veut le contraire de la dénégation de l’évidence. Mais chacun est libre. La foi n’est pas une simple croyance, c’est faire preuve librement de confiance en paix, signification du mot islâm : s’en remettre en confiance au Créateur.

    Avoir la foi, c’est en premier lieu accepter volontairement de s’en remettre en confiance au Créateur, Dieu Unique, l’Invisible, l’Absolu, et à la Loi comme guidance et guérison, houda et chiffa, qu’a reçue le Prophète, l’approuver sincèrement du fond de son coeur, d’où l’importance de l’intention. Celui qui témoigne de cette vérité, celui qui a cette qualité, est un croyant musulman, éclairé, non méfiant, ni contraint.

    Il est celui qui considère que l’exécution des préceptes est vitale, tout en pratiquant l’ijtihâd, l’effort d’interprétation. Les théologiens classiques de l’Islam, comme al-Ach‘arî et al- Ghazâlî disaient que l’origine de la foi signifie avoir foi aux ordres de Dieu, qui a confié la demeure de la Terre à l’homme, et pratiquer Ses commandements. Le concept de îmân signifie la foi réfléchie, car elle se veut ferme conviction, appuyée sur des preuves logiques, en la réalité, qui responsabilise l’homme.

    Les savants musulmans s’accordent à définir la foi comme l’acceptation réfléchie et sincère de la mission octroyée par Dieu en vue de L’adorer sous des formes multiples et concrètes. Un travail bien accompli, un sourire à autrui, une aide accordée à la plus faible des créatures, une pensée pieuse, une hygiène propre de vie, l’amour de la patrie, le respect de la nature, un savoir approfondi, le tout pour la Face de Dieu et le bien commun, font parties de la foi ; pas seulement les cinq piliers de la pratique religieuse.

    Islam, iman et ihsan

    Le sens de la foi, iman, ses qualités et ses principes, occupe le deuxième rang dans le degré des qualités du musulman. Une place située entre l’islâm et l’ihsân, c’est-à dire entre la remise en confiance, premier degré, et le bel-agir, troisième et plus haut degré, selon les propos célèbres de l’Archange Gabriel, Jibrîl, adressés au Prophète, dans un hadith rapporté par Muslim d’après ‘Umar Ibn al-Khattâb.

    Celui-ci relate : « Un jour que nous étions assis chez le messager de Dieu apparut à nous un homme aux habits d’une vive blancheur et aux cheveux d’une noirceur intense, sans trace visible de voyage. Personne parmi nous ne le connaissait. Il vint s’asseoir en face du Prophète et plaça ses genoux contre les siens, posant les pommes de ses mains sur les cuisses du Prophète. Puis il lui dit : “Ô Muhammad, informe moi au sujet d’al-islâm”.

    Le Prophète répondit : “L’islam, c’est témoigner paisiblement qu’il n’y a pas d’autre dieu que Dieu et que Muhammad est son messager, accomplir la prière, verser l’aumône purificatrice, jeûner le mois de Ramadhan, et effectuer le pèlerinage pour qui en a la possibilité.” L’homme lui dit : “Tu as dit vrai”. Nous fûmes étonnés de sa question et son assentiment.

    Il demanda au Prophète de lui parler d’al-îmân. “C’est, répondit le Prophète, croire en Dieu, à Ses Anges, Ses Livres, Ses messagers, au Jour Dernier et au destin qu’il soit favorable ou défavorable – Tu as dit vrai, répliqua l’homme. Parle-moi d’al-ihsân. – C’est adorer Dieu comme si tu Le voyais, et si tu ne Le vois pas, Lui Il te voit. – Parle-moi de l’Heure dernière. – Celui qui a été questionné n’en sait pas plus que celui qui l’a interrogé, répondit le Prophète.”

    L’homme parti, après un temps le Prophète se retourna vers moi, me disant : “Sais-tu Umar qui posait ces questions ?” Je lui répondis : “Dieu et Son prophète savent mieux !” Il dit alors : “C’était Gabriel qui est venu pour vous enseigner votre religion” » (2).

    La différence entre, d’un côté, l’acte de témoigner par la chahâda, l’attestation de foi, en s’en remettant à Dieu, niveau dit d’al-islâm, qui implique la pratique des piliers, et, de l’autre côté, la foi en tant que telle, al-îmân, est évidente. Dans ce hadith sont distingués les degrés essentiels de la Religion : la remise à Dieu par les actes cultuels ; la foi ; le bel-agir, conformément au verset coranique : « Les Bédouins on dit : “Nous avons foi”. Dis : “Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : ‘Nous nous sommes simplement soumis’, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Dieu et à son messager, Il ne vous fera rien perdre vos oeuvres. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux” » (49 : 14).

    Islam, iman et ihsan

    Islâm et îmân, la confiance en Dieu et la foi sont liées : «Nous en fîmes sortir alors ce qu’il y avait comme croyants. Mais Nous n’y trouvâmes qu’une seule maison de gens soumis » (51 : 35-36). Selon des hadiths du Prophète : « La foi comprend plus de soixante-dix branches » ; « La pudeur fait partie de la foi » ; « La propreté fait partie de la foi » ; « L’amour de la patrie fait partie de la foi ». Cela signifie que la foi comporte plusieurs niveaux de mérite, et que le degré varie chez les croyants. L’islam est un, mais les musulmans pluriels.

    Le Prophète peut vouloir désigner par le mot islâm les actions apparentes, et par le mot îmân la croyance intérieure. Cela ne signifie pas que les actions n’appartiennent pas à la foi ou que la croyance par le cœur n’appartient pas à l’islâm. Il s’agit d’une explication détaillée d’une réalité une et plurielle, de la religion en général. Pour preuve, les Paroles de Dieu : « La religion acceptée par Dieu, c’est al-islâm » (3 : 19); « J’agrée al-islâm comme religion pour vous » (5 : 3).

    Le Coran informe qu’al-islâm est la religion agréée et acceptée, si la foi est alliée à la sincérité, à la réflexion et aux actes justes. Le Prophète interprète al-islâm comme étant la conviction du coeur et la remise en confiance. Cela consiste à croire en Dieu, à Ses Anges, à Ses Livres révélés, à Ses Messagers. De même qu’il interpréta aussi al-îmân comme étant la pratique sincère, fondée sur les cinq piliers, estimant qu’elle représente un degré élevé. C’est la raison pour laquelle le Prophète disait : «Al-islâm se manifeste par la parole, et al-îmân est dans le coeur » (3).

    Le Prophète disait : « Le musulman (al-muslim) est celui qui ne porte pas atteinte à autrui avec sa langue et sa main ; et le croyant (al-mu’min) est celui auquel les gens font confiance à l’égard de leur sang et leurs biens » (4). Il a défini par là une dimension intérieure et extérieure : la sûreté du coeur qui garantit la sécurité du sang et des biens d’autrui ; et la qualité de l’îmân est supérieure par rapport à celle de l’attestation de la foi, déclaration verbale qui dote de la qualité de musulman.

    Les gens devraient être à l’abri avec celui qui croit, pratique paisiblement et raisonnablement, et en qui on a confiance : le musulman qui a la foi réfléchie, humble et ouverte. Les citoyens de confession musulmane partout dans le monde doivent donner l’exemple et contribuer au bien commun de la patrie et de l’humanité, afin d’accéder au degré supérieure de l’ihsan, l’excellence.

    Mustapha Cherif

    (1)- Ibn Hajar al-Asqalanî commentaire du Sahîh de Bukhârî, Fath al-Bârî, cite l’affirmation de Qurtubî selon lequel ce hadith mérite d’être nommé « la mère de la Sunna », au même titre que la sourate liminaire Al-Fâtiha est appelée « la mère du Livre ».
    – (2) Hadiths Rapportés par Muslim dans son Sahîh, Kitâb al-îmân, « Des branches de la foi », 1/63, n° 35. – Ibid.
    – (3) Rapporté par l’imam Ahmad dans son Musnad 3/134, n° 1208.
    – (4)Rapporté par l’imam Ahmad dans son Musnad, 2/379, n° 8918, et par Tirmidhî dans ses Sunan, Kitâb al-îmân, 5/17, n° 2627.

  • De la légitimité historique à la légitimité populaire

    ______________________________________

    Le peuple a besoin d’une réponse à sa revendication politique. Les intellectuels attachés au dialogue, au bien commun et à l’apaisement, ne peuvent que prendre acte afin que sa volonté soit respectée. Certes, tout acte politique majeur comporte une part d’utopie et reste toujours un saut vers l’inconnu. La politique n’est pas une science exacte et la réalité est complexe. Mais l’Algérie est mature. 

    Le peuple algérien a réhabilité l’initiative politique qui change le cours des événements. Une rupture historique concrète. Terre du juste milieu et du vivre ensemble, à la pointe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Algérie, est face à son destin. Ce n’est pas une crise parmi d’autres. La nation Algérienne affronte le risque, en espérant une solution à la hauteur de la mobilisation. Dans cette épreuve, les mots fierté, respect et détermination reviennent le plus dans l’expression populaire.

    Nourri de la culture de la dignité et des valeurs de Novembre, jaloux de sa souveraineté acquise au prix fort et de son attachement à la liberté et à la justice, le pays vit un moment inédit ! C’est la marque de l’algérianité. Depuis le 22 Février les manifestations réenchantent l’histoire nationale. Penser l’événement historique est vital.

    Pour le peuple c’est la volonté non seulement de refuser un cinquième mandat, mais de placer le citoyen au centre de la dynamique politique. Ce qui est visé c’est le parachèvement de l’indépendance, en s’exprimant comme source du pouvoir, en renforçant la cohésion nationale et en refondant l’État de droit.

    C’est un devenir rêvé, trente années après les premières réformes démocratiques inachevées, par-delà des ombres et des lumières. La jeunesse, que l’on croyait résignée et perdue, fait acte d’un sursaut de vitalité. C’est une demande de réformes politiques profondes, le passage de la légitimité historique à la légitimité populaire.

    Le peuple unanime a pris ses responsabilités, pour se repositionner dans le concert des nations modernes, conscient des acquis internes, comme le retour de la paix, et des menaces externes du néocolonianisme. Â partir du mot d’ordre : « Pas de cinquième mandat », il souhaite se réapproprier pacifiquement ses droits politiques.

    Il espère que les autorités sauront garantir la transparence et accompagner la phase « transitoire » consensuelle. C’est par la concertation et le débat, sur la base de principes éthiques, de normes juridiques et d’étapes que la divergence politique se réglera, avec au final l’acte électif. Un seul vainqueur : l’Algérie, une et plurielle.

    Il s’agit de tourner une page, rajeunir les élites, rationnaliser le mode de gouvernance et réinventer la démocratie toujours perfectible, rempart contre les dérives internes et les ingérences externes. Le choix stratégique d’agir pacifiquement, dépassant les clivages et déjouant les provocations, est fondateur d’une nouvelle ère. Sécurité et liberté, ainsi que critique et respect, peuvent se conjuguer, telle est la vision du peuple, qui ne veut sacrifier aucune de ces dimensions.

    Ce sursaut ne peut qu’être entendu par les autorités. Il fait vibrer ceux qui aiment l’Algérie. Personne n’a le monopole de l’amour de la patrie. La vox populi est en train d’écrire l’histoire. Contrairement à d’autres expériences régionales et autres, l’Algérie donne l’exemple en matière de changement pacifique, souverain et respectueux. Elle veut se diriger sans délai vers une cité politique plus juste, sans que l’idéologie biaisée ou la religion instrumentalisée y soient mêlées.

    C’est une responsabilité historique collective, dans un contexte mondial chaotique. Soucieuse de rapprochement entre les peuples, exportatrice de solidarité et de paix, l’Algérie ne manque ni de sages, ni de patriotes, ni de compétences, femmes et hommes, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. C’est sa richesse. Personne ne doit être exclu. Ce souffle citoyen pacifique nourrira la culture politique de notre temps, pour ne pas succomber à l’extrémisme populiste et au libéralisme sauvage corrupteur ! C’est la culture du bien commun, de la réconciliation nationale et de l’éveil des consciences, qui prend forme, sous les yeux du monde entier.

      La force de ce mouvement réside principalement dans l’unité du peuple, dans la voie disciplinée de la contestation pacifique, et, par-delà la colère contenue, dans le respect des symboles de la nation. Les autorités elles-mêmes saluent le caractère civique : silmiya et sont fiers de ce peuple. Cela se reflète dans la réaction professionnelle exemplaire des services de sécurité. Le lien fort entre le peuple et l’armée garantit la victoire de toute l’Algérie.

    Un socle qui permet une solution viable. Même si l’espoir se mêle à l’inquiétude et que rien n’est donné d’avance, cela portera ses fruits, dans l’ordre, le respect mutuel et la fraternité. Pour préserver l’Algérie, aucune surenchère ne doit entraver le dénouement. De la base au sommet, la sagesse l’emportera.

    Un nouveau rapport de confiance entre l’Etat et tous les enfants de l’Algérie, toutes générations confondues, est possible. Le peuple Algérien est conscient de la nature du défi historique, sachant que c’est une œuvre de longue haleine qui vient de s’enclencher. Il ne cesse de se surprendre, de relever les défis et d’étonner le monde. Cette ligne de conduite patriotique, où authenticité et progrès s’articulent, sera enseignée dans les écoles et les universités.

  • l'islamophobie et le vivre ensemble

    ___________________________________

    Contre l'islamophobie, valeurs républicaines et valeurs spirituelles convergent

    MC

    Il n’y a pas d’alternative au vivre-ensemble en paix et en justice. Le mois de Ramadan devrait être propice à l’éveil des consciences, à la réalisation spirituelle et au renforcement du vivre-ensemble. Le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie sont des fléaux qu’il faut dénoncer et combattre. Les discours islamophobes sont une grossière provocation. Ils attaquent l’islam du fait que l’éthique, la culture et la religion musulmanes résistent à la marche du temps, alors que d’autres succombent. Reste à faire la part des choses et à pratiquer l’autocritique.

    Pour ne pas prêter le flanc, il faut mettre fin aux aspects archaïques et dépassés d’une partie des constructions humaines en fiqh (jurisprudence) et des pratiques crispées. Se réformer et s’ouvrir est vital. Les dérives fondamentalistes et obscurantistes sont l’anti-islam. Comme l’exigent le Coran et le Sunna, la majorité des musulmans lit les textes et vit sa foi en fonction de la ligne du juste milieu, articulation entre le constant et l’évolutif, une question interne au monde musulman. Valeurs républicaines et valeurs spirituelles non seulement convergent, mais ont un socle commun. Liberté, égalité et fraternité sont aussi des références abrahamiques. Être citoyen et croyant, en toute harmonie, respectueux des lois est une réalité quotidienne. La foi est une affaire privée, l’État et les services publics sont soumis à la neutralité, non pas les citoyens.

  • Video sur le savoir et le vivre ensemble

     

    Plus que jamais dans le contexte actuel, nous avons besoin de nous rassembler, autour de fondements qui nous unissent. Mustapha Chérif penseur algérien, spécialiste du dialogue interculturel et inter-religieux nous livre sa conception du vivre ensemble ainsi que sa vision de la société algérienne et du monde contemporain, en se basant sur des références d'ici et d'ailleurs.

  • Mustapha CHERIF, la voix du juste milieu

    _________________________

    Mustapha Cherif, la voix du juste milieu

    ► Entretien réalisé par Rachid Ezziane

    Avec amabilité et un sens de l’écoute digne d’un philosophe que le professeur Mustapha Chérif nous a accordé un entretien pour nous parler de l’idée de la « wassatia » en Islam, idée qui lui est si chère en tant qu’intellectuel engagé pour la paix et le vivre-ensemble, aussi, pour expliquer, à l’Occident et au monde, que la voix, (et la voie) du juste milieu, principe fondamental de l’Islam, peut devenir, pour le bien-être des hommes, une conviction universelle.

    Ci-après, l’intégralité de l’entretien accordé à notre journal.

    Mustafa cherife interieur 1

  • La voie du juste milieu, pour sortir des extrémismes

    ______________________________________

    Entretien réalisé par Mokhtar Benzaki
    Mustapha Cherif, penseur algérien de réputation internationale, à la pointe du dialogue des civilisations, lauréat du prix Unesco pour le dialogue interculturel et du prix italien Ducci de la paix, est auteur d’une quinzaine d’ouvrages traduits dans plusieurs langues.

    Le Soir d’Algérie : Vous avez publié chez Casbah Éditions un ouvrage portant sur un sujet d’actualité : sortir des extrêmes. Comment expliquez-vous la montée des extrémismes et de l’intolérance dans le monde ? Notre pays peut-il résister et ouvrir la voie du renouveau ?

    Mustapha Cherif : La crise mondiale actuelle est celle d’une fin de civilisation. Elle affecte les fondements de l’humanité. Aucune société n’échappe aux extrémismes. Des tendances sectaires, xénophobes et dogmatiques perturbent la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Des forces malveillantes divisent pour régner. Expliquer l’extrémisme par la religion est un contre-sens, même si cette dernière, incomprise, peut devenir un frein. La variable culturelle n’est qu’un aspect. La mondialisation est ambivalente et s’impose comme «occidentalisation». Cela suscite des réactions. Dans le monde musulman, deux extrémismes sont visibles, ceux qui imitent un Orient figé et ceux qui singent un Occident arrogant. L’Algérie, terre du juste milieu, est capable de résilience. Sa formation historique est le résultat de mouvements complémentaires. S’y conjuguent l’islamité, l'amazighité, l’arabité, la méditerranéité, l'africanité, la citadinité, la ruralité... La résistance de nos ancêtres et aînés aux invasions, agressions et extrémismes a coûté à notre pays des millions de martyrs, tombés pour l'honneur, la liberté et la culture de la paix.
    La nation algérienne progresse chaque fois qu’elle met stratégiquement l’accent sur al wassatiya, la voie du juste milieu, qui est la recherche de la cité juste et de l’excellence, al ihsan.
    Dans le monde, la tentation extrémiste relève d'une vision néfaste qu'il faut désavouer. Sortir des extrêmes signifie aussi reconnaître les failles et réfuter le dénigrement de nos valeurs. Les matérialistes permissifs, d’un côté, et les rigoristes politico-religieux, de l’autre, déforment le juste milieu. Ils agissent en termes de fonds de commerce et d’infantilisme. Les uns portent atteinte à la raison et idolâtrent des postures fermées, les autres marginalisent la religion et idolâtrent toutes les formes de transgression, à commencer par les plus vulgaires et provocatrices.

    D’où viennent les extrémismes ?

    L’extrémisme est injustifiable. Cependant, la première cause de ce problème est géopolitique. Des puissances n’utilisent pas seulement leur soldatesque et leurs multinationales, elles fabriquent ou favorisent des sectes, des supplétifs, des ONG, pour s’ingérer, décrédibiliser, détruire toute résistance à l’hégémonie, contrôler les ressources et affaiblir les sociétés musulmanes perçues comme le dernier rempart à l’hégémonie planétaire. La deuxième cause est interne. L’ignorance, l’indigence et les lectures arbitraires de la religion ou de la modernité ont produit des courants simplistes, mortifères et polémistes. La troisième cause est économique et sociale. Les injustices secrètent du désespoir et du repli suicidaires.

    Quels sont les extrémismes ?

    Deux extrêmes, deux contre-sens, deux nihilismes, s’alimentent. Les intégristes pseudo-religieux et les intégristes pseudos-modernes libertaires. Les premiers, réactionnaires, tentent de nous isoler par rapport à la marche du monde et à l’universel. La religion est parfois utilisée comme un masque, pour parvenir à des buts politiciens, mercantiles, voire criminels. L’Émir Abdelkader disait : «Le musulman est parfois une manifestation contre sa religion.» Les autres, aveuglés par leur ego, aliénés par l’esprit antireligieux, scientistes et simplistes, en mal de notoriété, cherchent à se faire valoir, et à nous couper de la question des finalités et des valeurs éthiques. Les droits de l’Homme sont utilisés parfois comme un masque, pour affaiblir le droit des peuples. La voie juste est celle qui réfute les deux extrêmes et articule l’ancien et le nouveau, l’unité et la pluralité, la foi et la raison. Aucune modernité ne peut se construire contre la Tradition, encore moins en l’absence de savoirs complémentaires. La démocratisation, la sécularisation, l’économie de marché et la techno-science, valeurs universelles, peuvent être façonnées selon nos propres contextes et fins. Il est temps de multiplier les réflexions et les actions constructives, afin de réinventer la ligne médiane. Voie attaquée par les extrêmes. La pensée politique s‘est appauvrie. Une partie des élites modernistes a contribué à l’essor des rigoristes. Par leur rationalisme étroit, leur mépris de la religion et le suivisme du modèle matérialiste néolibéral, ils ont créé un vide. Portés par les pulsions de l’exhibitionnisme et de la jouissance à tout prix, ils ont des difficultés à faire leur autocritique et à s’arracher aux pesanteurs de l’idéologie marchande et historiciste, considérée comme la seule voie pour accéder à la modernité, alors qu’il faut discerner entre les échecs et les réussites du monde dominant et cerner les lignes de fractures Nord-Sud.

    Les extrémistes sont-ils dominants ?

    Les extrêmes occupent les espaces médiatiques, mais ils ne sont pas dominants. Imiter un Orient sclérosé ou un Occident aliénant est voué à l’échec. Les discours qui dénigrent la spiritualité mohammadienne, la voie du juste milieu, sombrent dans la dépersonnalisation et la haine de soi. Ils doivent être réfutés par le débat d’idées. Tout en discernant entre ceux qui, de bonne intention, cherchent à rénover la pratique des musulmans et ceux qui versent dans le dénigrement.
    Des apprentis sorciers appellent à imiter aveuglément le monde dominant néolibéral, qui oppose les dimensions essentielles de l’existence et bascule dans l’athéisme dogmatique et l’économisme. Ils sombrent dans l’islamophobie et les violences verbales indignes. De manière paranoïaque et alarmiste, ils mettent l’accent sur «l’islamisation» de la société et appellent à rendre caducs des textes fondateurs, à réduire l’islam, au lieu d’éduquer le musulman. Ils vident de son sens la spiritualité pour la troquer contre le libéralisme sauvage. Dans Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon décrivait déjà les formes de l’aliénation, du complexe d’infériorité et de la haine de soi. Sous prétexte de sortir de l’intégrisme, ce courant appelle insidieusement à sortir du religieux. Avec condescendance est pratiqué l’amalgame. Ce que des penseurs, comme Edward Saïd, Jacques Derrida et Jacques Berque, pourtant tous non musulmans, dénoncent à juste titre.

    Que faire pour faire reculer les extrêmes ?

    Il faut discerner, éduquer et informer. Nous devons rompre avec les cadres de l’intellectuel excessif, formaté, qui vocifère, s’agite au sein de clôtures vouées à l’échec. Articuler le spécifique et l’universel est une tâche de toujours. Travail qui doit débuter par la déconstruction des extrêmes qui polluent le monde des idées. Nous avons besoin d’une nouvelle «Maison de la sagesse», de la médianité, pour échanger, sans brouillage polémiste, ni concession gratuite, où chacun, avec probité, présente ses arguments et prend en compte ceux des autres.
    Se tenir à distance des extrêmes et s’inscrire dans le contemporain fidèle à des racines est le début de la voie salutaire. Sous prétexte de combattre le fanatisme, des modernistes mettent l’accent sur les normes issues des seules lumières européennes, qui ont produit du progrès, mais aussi mené dans certains cas à la déshumanisation et à la prédation.
    Ces pamphlétaires prétendent que les musulmans n’ont d’autre solution que de suivre ce modèle. Pendant que les politico-religieux prétendent ne rien apprendre de la modernité européenne et que le retour du passé serait la solution pour régler les problèmes. Tous pensent que la civilisation musulmane est à part, incompatible avec la modernité. Pourtant, sans l’islam, il n’y aurait pas eu, dès le XVIIe siècle, de sciences et de philosophies modernes. Nul n’a le monopole de la rationalité. Méthode qui a été généralisée en Occident pour maîtriser le monde. Mais cela n’est pas suffisant ; l’instrumentalisation de la raison couplée au culte du veau d’or et à l’exclusion de l’éthique conduit à des impasses.

    D’où vient le retard actuel du monde musulman ?

    Le monde musulman n’est pas uniforme. Il y a des orients et des occidents. Les problèmes sont multiples et avant tout politiques, sociaux et économiques. Dans les sociétés musulmanes actuelles, la faiblesse réside surtout dans le politique et la rupture entre raison et foi. Depuis la destruction de Baghdad par les Mongols en 1258, puis la sortie de l’Andalousie en 1492 et plus encore depuis la révolution industrielle, la civilisation musulmane a décliné. Faute de priorité donnée à la science et à la juste répartition des richesses, la décadence économique et politique s’est installée.
    Les tentatives volontaristes et autoritaires de modernisation n’ont pas changé la situation. Malgré des avancées, le juste milieu et le développement durable, sauf exceptions, n’ont pas été atteints. Les espaces de socialisation qui forgent des citoyens aptes au vivre ensemble, la famille, la religion, l’école, l’entreprise et l’Etat sont en crise. La responsabilité est d’abord interne. Alors que l’islam n’est ni théocratique, ni totalitaire, et se veut paix, le radicalisme est devenu visible suite à plusieurs phénomènes : l’instrumentalisation de la religion par des régimes archaïques ; les intrigues et les manipulations de puissances qui divisent pour régner ; et les échecs des nationalismes autoritaires. L’idéologie obscurantiste a une histoire. Avec la duplicité de puissances occidentales et les pétrodollars, ce courant se répand, sous des prétextes comme la restauration de la stricte tradition. Les sociétés musulmanes sont fragilisées, soumises aux manipulations.
    Plus de 90% des victimes du terrorisme dans le monde sont des musulmans, un tiers des pays d’islam sont déstabilisés et la plupart apparaissent comme les derniers sous-développés politiques de la planète. Au vu du déclin politique et scientifique et de la profusion de sectes, des établissements de renom comme Al Azhar et des intellectuels de la tradition, ont des difficultés à freiner le dévoiement, résultat de la conjonction funeste de l’idéologie rigoriste et de la politique impériale de division et de domination de puissances. Faute de pouvoir agir du dehors sur l’islam, la stratégie des chevaux de Troie, par la création des extrêmes, de faux islams et des courants anti-islam, prévaut. C’est voué à l’échec, car l’immense majorité des musulmans, par bon sens, reste attachée à l’islam de toujours et est assoiffée de justice. Mais des dégâts sont causés.

    Quelles sont les solutions possibles pour sortir des extrêmes et de la dépendance ?

    Il y a lieu de mettre l’accent sur trois volets. Le premier, celui de la réforme politique, afin de traduire la volonté populaire, selon des règles conformes aux contextes historiques. Le deuxième est le volet éducatif, fondé sur la qualité, la cohérence des savoirs et la formation ouverte.
    Le troisième volet est l’économique, afin d’allier productivité et justice sociale, culture du mérite et éthique. C’est possible. Du dialogue et de la coopération entre le monde occidental et le monde musulman imbriqués et liés dépend en partie l’avenir de l’humanité.
    Les problèmes sont globaux, la solution ne peut être que mondiale. Par le passé, la civilisation commune était judéo-islamo-chrétienne. La diabolisation, l’invention de boucs émissaires et le choc des ignorances mènent à l’abîme. Nulle force au monde ne peut réduire au silence un habitant sur quatre de notre planète que sont les musulmans, de toutes nationalités, races et cultures. Les musulmans sont près de deux milliards, présents partout et pour toujours. L’immense majorité aspire à vivre en paix et en bonne intelligence. Tous les hommes et femmes de bonne volonté, de toutes cultures, philosophies et religions, ont pour devoir de travailler ensemble afin que les extrémismes ne perturbent pas la cohésion. Préconisé par la tradition prophétique, il est possible de reconstruire, par le tajdid et l’ijtihad, un corpus basé sur les valeurs fondamentales, en prenant en compte la modernité et les aspirations des peuples. Cela passe par l’alliance des institutions et des penseurs et l’alliance des civilisations. Il s’agit de corriger les dérives par le dialogue, la démocratisation et l’éducation, comprendre que la culture de l’islam est celle du juste milieu, du vivre ensemble, de la liberté réfléchie, de la reconnaissance du pluralisme. Elle n’exclut personne et responsabilise l’humain. La liberté de conscience est garantie : «nulle contrainte en religion» (2- 256).
    La dimension d’universalité, de fraternité, de respect de la dignité humaine, que le Prophète symbolise n’est comprise ni par les modernistes ni par les politico-religieux. La Tradition déformée et la contre-tradition représentent une diversion. Durant plus de mille ans, la forme d'existence de l’islam n’était pas l’extrémisme, mais la civilisation lucide, du juste milieu, du bel-agir et du savoir.

  • Parution

    ______________________________________

    Dd

     

     Chers amis

     Parution aux éditions Les Points sur les i  ce 21 Novembre 2016, d'un ouvrage collectif, que j'ai eu l'honneur de diriger, intitulé "Education et vivre ensemble".  

     Sujet d'actualité. Couverture ci jointe

     _____Bonne lecture______

  • Ils trahissent l’Islam

    _____________________________________

    Mustapha Cherif, philosophe, cofondateur du Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne,

    Il s’exprime aujourd’hui en tant que musulman, à la suite de l’assassinat du Père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray.

    Les musulmans commune saint etienne rouvray pris part hommage pere hamel donne eglise commune 0 730 486

    Les musulmans sont choqués par l’assassinat sauvage d’un vieux prêtre dans son église, artisan de l’amitié islamo-chrétienne. Nous disons avec force notre indignation et compassion, horrifiés lorsque des meurtres abominables sont commis au nom de la religion par des voyous, souvent délinquants et déséquilibrés, devenus assassins. Il est absurde de parler de guerre de religion.

    Du discernement

    Incultes, ignorants et pervers, ils ne sont pas nourris de culture religieuse. Vils, ils trahissent l’islam. Ils sont le produit des contradictions de notre époque et manipulés par des discours de haine. C’est le moment de discerner, de faire bloc, confiants, pour refuser les extrémismes.

    Depuis l’apparition de ce phénomène monstrueux, qu’est le terrorisme politico-religieux sectaire, fabriqué après la guerre froide, près de trois millions de musulmans ont été tués, 10 millions de citoyens musulmans déplacés, une dizaine de pays musulmans livrés à la destruction. En Occident, un tiers des victimes sont des citoyens de confession musulmane.

    Utilisée comme un masque, la religion est innocente. L’islam sacralise la vie humaine et anoblit les autres religions. Il ne peut être souillé. Les religions prônent la miséricorde, le respect fraternel et l’émulation, jamais le meurtre, l’agression et la sauvagerie. Incomprises, elles peuvent devenir un mal.

    L’instrumentalisation

    L’Émir Abdelkader l’Algérien, qui a inspiré Mandela, fondé le droit humanitaire moderne en fidélité aux préceptes du Prophète et sauvé des milliers de chrétiens à Damas en 1860, disait : « Le musulman est parfois une manifestation contre sa propre religion ». Le terreau idéologique obscurantiste qui instrumentalise des versets coupés de leur contexte et de leur sens profond est l’anti-islam. Il est une contrefaçon innommable.

    Quinze siècles d’histoire et l’économie du texte fondateur du troisième rameau monothéiste sont limpides. Rendre caduques les approches intégristes et arbitraires est urgent. Il nous faut donner à penser, renforcer l’interconnaissance et l’amitié. La haine et l’ignorance sont vouées à l’échec.

    Remobiliser

    Par-delà les dénonciations, que faire ? Tout a-t-il été dit sur la violence aveugle injustifiable et les remèdes à y apporter ? Les préjugés, les politiques de diversion et la surenchère démagogique de politiciens, de médias et d’intellectuels supplétifs qui accablent les musulmans, empêchent de s’attaquer aux causes multiples de ce malheur. Chacun doit pourtant assumer ses responsabilités : les institutions et associations musulmanes, les responsables des autres cultes, les institutions publiques et la société civile.

    Ce chantier nécessite de sortir des anathèmes, des amalgames et de la victimisation. Cinq domaines sont prioritaires : l’égalité des chances et le décloisonnement des quartiers défavorisés ; l’éducation au fait religieux et à l’interculturel ; repenser l’islam en Europe débarrassé de la dérive sectaire et redonner leur place aux valeurs de l’esprit ; la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie ; et la démocratisation des relations internationales.

    Il faut remobiliser autour des valeurs communes et faire confiance à la sagesse et résilience du peuple, dans l’union et l’espérance. Il n’y a pas d’alternative sage au vivre ensemble démocratique et à la paix. Les extrémistes de tous bords veulent diviser, nous sommes unis. Le vouloir vivre ensemble est plus fort.

    Des pays d’islam doivent prendre conscience que leur système politique est révolu et le monde entier doit se rendre à l’évidence que la marchandisation du monde et la loi du plus fort mènent à l’impasse. Nous vivons une fin de civilisation. Les tenants du système mondial trahissent l’humanisme universel et les terroristes trahissent l’islam. Ensemble l’on pourra faire face à ces défis.

    Mustapha Cherif, est auteur notamment de « Sortir des extrêmes » Éditions Les points sur Les I, et « l’Émir Abdelkader, apôtre de la fraternité », Odile Jacob.

  • L’émir Abdelkader, philosophe de l’empathie

    Article du Monde 10 Mars (daté du 11 Mars)

    L’émir Abdelkader, philosophe de l’empathie
    LIVRE DU JOUR
    philippe-jean catinchi

  • Entretien avec Mustapha Cherif

    Entretien avec Mustapha Cherif, auteur de "L'Emir Abdelkader, apôtre de la fraternité".
    L'Algérie considère l'Emir Abdelkader comme un héros de la résistance à la colonisation française. Il a lutté contre les armées de Napoléon III pendant 15 ans. Mais c'était aussi un savant, un poète, le défenseur ardent d'un islam moderne, l'initiateur du droit humanitaire qui protégea les chrétiens de Syrie ! Le philosophe et islamologue Mustapha Cherif, lauréat du prix UNESCO pour le dialogue des cultures, voit même en lui un apôtre de la fraternité ! Il nous en parle dans notre Grand Angle.

  • Réponse à Rémi Brague

    Re

    Paru sur Mediapart 18 février 2016

    Dans un article incendiaire, paru le 07/01/2016 dans le magazine La Vie, Rémi Brague dénigre et caricature violemment l'islam, avec des jugements de valeur et un parti pris idéologique. Mon droit de réponse n’a pas été publié. Je le fais ici, en développant point par point.Irresponsable.
     Premièrement, Brague affirme "Le Coran contient tout et le contraire de tout".  C'est un aveu d'impuissance et un aveuglement. Le Coran n'est pas un fourre tout. Il faut savoir lire et discerner. Sous le masque de l’expert du moyen-âge,ce polémiste ajoute à la confusion et aux préjugés. Il reprend les clichés islamophobes et alimente la machine à haïr et les fantasmes d’une partie de l’opinion.
     C'est une approche irrésponsable. Il ne cherche pas à comprendre de l'intérieur et fait dans le dénigrement blessant. Nul ne nie que la religion peut mener à la violence, à l’aliénation et au fanatisme. Mais de là  laisser croire que ces maux concernent uniquement l’islam et sont consubstantiels au Coran il y a un pas que ne franchissent pas les penseurs sérieux.
     Stigmatisant
    Deuxiemement, contrairement à ce qu'affirme Brague qui stigmatise, la majorité des musulmans par bon sens n'ignore pas le sens de l'islam, qui est inépuisable. Ce polémiste jette la suspicion sur tous les musulmans:« Il est difficile, faute d'enquête sérieuse, de savoir quelle proportion exacte des musulmans, et dans quels pays, sympathise avec les terroristes, les comprend, ou au contraire les rejette ».Le discours de Brague participe au processus de culpabilisation et de l’assignation identitaire des musulmans.
    Chacun des pays musulmans montre au contraire que l'immense majorité des  citoyens est vigilante. Ils combattent les fanatiques qui dénaturent leur religion. Hier les Algériens ont résisté avec force et actuellement les Tunisiens, les Égyptiens, les Syriens, etc. Fait significatif, 90%  des victimes sont des musulmans.
    Troisièmement, Brague, à propos de l’expansion de l’islam à ses débuts, se fait réducteur. Alors que la plupart des historiens, y compris le sévère Bernard Lewis et les éminents Louis Massignon, Jacques Berque et André Miquel, reconnaissent que l’islam a progressé rapidement sans violence majeure et parfois a paru libérateur aux populations.  
    Brague, avec simplisme, falsifie l’histoire et la théologie musulmanes : « l'islam a dû poser que les versets révélés plus tard abrogeaient les dispositions des versets plus anciens… Il abroge tous les versets « dialoguants » antérieurs ». Ni l’islam, ni la tradition musulmane ne rendent caduc tel ou tel verset. La théorie des versets abrogeants-abrogés n’est pas de cet ordre. Brague pêche en eau trouble, il utilise des arguments fallacieux des extrémistes fondamentalistes. 
     L’économie du Coran
    Quatriemement, il occulte le fait que pour l’islam sans le respect de la vie humaine et de la liberté d’autrui la foi n'est pas valide, la vie n'a pas de sens. Le Coran dit clairement: «Que celui qui veut, croit et celui qui veut, mécroit». Il rappelle en synthèse que: «Point de contrainte en religion.» (Coran II, 256...). C’est un verset capital, révélé à Médine et qui n’a jamais été abrogé, contrairement à l’allégation de Brague, qui de surcroît le traite « d’ambiguë ». 
     L'islam, de la même racine que le mot salam, paix,  vise à maitriser les pulsions de violence et d'idolâtrie, et non point à les nier, ou à les débrider. D’où le caractère stratégique des injonctions coraniques pour contenir la violence, se connaître et pratiquer la justice.Brague necite pas les nombreux versets du Coran qui fondent la sacralité de la vie humaine, plus sacrée encore que le temple saint qu'est la Kaaba.
    Il ne saisit pas l’économie du Coran. Le Texte est un Tout. Il y a lieu de le saisir dans sa ligne principale. De par le nombre dominant de versets pacifiques, la pratique du Prophète, définit comme Envoyé pour la miséricorde, et celle de la majorité des musulmans depuis 15 siècles, sa ligne principale est celle de la non-violence. Ce n’est pas un  hasard que les chapitres du Coran commencent par les termes Miséricorde et Miséricordieux. L’usage de la force est autorisé, mais à des conditions très strictes. 
    Il s’agit de la contre-violence, de la légitime défense en islam, et non pas de la violence aveugle, de la loi du plus fort ou de la vengeance. Le Coran proclame que la miséricorde est la vertu première, proche de la piété. Mais il est possible en dernier recours à un peuple de se défendre et de demander réparation à autrui quand il fait subir un dommage. Les esprits étroits, comme les obscurantistes, font une fixation sur l’exception. 
    La préférence est sans ambiguïté pour la paix, le pardon, la justice: «Vous qui croyez témoigner de l'équité, que la rancune contre un autre peuple ne vous vaille pas de tomber dans l'injustice. Soyez justes.» Si, à certaines conditions, le Coran n'exclut pas la légitime défense, cela concerne la collectivité en respectant une éthique universelle. Le pluriel est visé, pas le singulier. Le Coran ordonne: «Combattez sur le chemin de Dieu ceux qui vous combattent, sans pour autant commettre d'agression. Dieu déteste les agresseurs- transgresseurs.» (II, 190).  
    Sinon, le pot de terre se heurtera éternellement au pot de fer et l'agneau au loup. Se défendre selon la justice, ne pas se laisser prendre en otage par l’ego ou par l'autre, voilà comment répondre aux orientations du Coran. Ni angélisme, ni violence aveugle. L'épreuve consiste à surmonter la difficulté et à tout faire pour que la paix triomphe, « S’ils penchent pour la paix, fais de même» (8, 61)
    Le Coran responsabilise l'être humain: «qui aura fait un atome de bien le verra, qui aura fait un atome de mal le verra» (CIX, 7-8) pour construire le vivre ensemble. Le Coran ce sont 90% de versets sur le respect de la liberté humaine et 10% de limites, 90% d’appels à la miséricorde et 10% d’autorisations à la fermeté et à l’usage de la force légale.  
    Â qui profitent les crimes ?
    Cinquièmement, une question fondamentale, que les polémistes comme Brague ne posent pas: à qui profitent les crimes?  La réponse est claire: aux ennemis du vivre ensemble et de l’islam. Ce dernier est miséricorde, paix et dignité. Cela est vérifiable sur les plans théorique et historique, malgré aujourd’hui les violences injustifiables commises en son nom. 
    Brague crée le doute, alors qu’affirmer que l'islam n’a rien à voir avec la violence aveugle est la moindre des choses. Aucune religion ou communauté ne peut se dérober à la critique. Mais amalgamer l’islam et la violence est absurde. Heureusement que de nombreux auteurs occidentaux sérieux analysent les causes des dérives, des problèmes, des crises de notre temps et réfutent l’amalgame. Cela signifie qu’il n’y a pas d’islamophobie intrinsèque à la culture moderne. 
    Les islamophobes publient des opinions dignes des années trente, en tenant des propos fondés sur la manipulation des peurs, jadis propagande des fascistes. Par l’amalgame, le musulman, comme le juif hier, est présenté comme une menace. Cela signe l’ignorance, la désinformation et la provocation, comme diversion à l’ambition d’hégémonie totale. 
     Certes, le monde entier constate à quels extrémismes peut conduire la dérive fanatique de sectaires manipulés, qui usurpent  le nom de l'islam. Cependant il s'agit non pas de religion mais de pratiques mafieuses transfrontalières. Phénomènes injustifiables, qu’il faut combattre dans le cadre de l’État de droit, en s’attaquant aux multiples causes.
     Pour faire diversion et discréditer le droit à la légitime défense et la version spirituelle du sens de l’existence, des sectes qui usurpent le nom de l’islam, sont fabriquées. A contrario, réguler les tensions, dialoguer, patienter, pour assurer la cohésion du Moi et de la société est vital en islam. Ce qui explique que la patience active soit la vertu la plus louée par le Coran.
    La violence est partout
    Sixièmement, Brague ne parle pas des violences du monde dominant actuel. Il occulte les agressions brutales et le fait que la dictature du Marché considère le monde non comme lieu de valeurs hétérogènes, mais comme un globe terrestre qu’il faut niveler à tout prix, la puissance technoscientifique aidant. 
    Il ne parle pas non plus des textes violents des autres religions. Des passages dans l’ancien Testament et  du nouveau Testament peuvent aussi  choquer: «N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive.» (Mt, 10, 34-37) et «Quant à mes ennemis, ces gens qui ne voulaient pas que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi.» (Luc, 19, 26-27). Cela et les guerres de religions chrétiennes n’autorisent pas à traiter Jésus de violent.
    J’appelle au discernement. La contre-violence, telle que l'autorise l'islam à titre exceptionnel et dans des conditions strictes – car la fin ne justifie jamais les moyens – a pour but d'éviter que la violence destructive ne dégénère. L'idéologie, que Brague semble épouser, refuse le droit à la résistance. Elle a inventé l'idée perverse que toute sorte d'usage de la force, pour empêcher le règne des loups, est condamnable. 
    Cette approche, qui culpabilise, refuse la possibilité de se défendre dignement et loyalement pour continuer d'exister, alors qu’il est vital de se protéger pour empêcher les injustices et le nihilisme: « Si Dieu ne repoussait pas certains hommes en leur opposant d’autres hommes, des monastères seraient détruits, ainsi que des synagogues, des oratoires et des mosquées où le Nom de Dieu est beaucoup invoqué. » (22, 39)
    Le Coran appelle à la civilité: «Une seule parole de convenance ou de clémence vaut mieux qu'une aumône que suivrait la vexation. Dieu est Suffisant à soi, Longanime» (II, 263). Les actions de légitime défense sont l'exception. Elles ne se substituent pas à la résistance quotidienne pacifique, le bel-agir qui sont la règle, en termes de vigilance intériorisée pour le vivre ensemble et contre la remise en cause de la dignité humaine. La culture de la résistance  se couple à celle de la bonté.
    Les sages et les non-violents de l'histoire de l'humanité savaient que la contre- violence est préférable à l'indignité. L'islam est dans cette ligne. Il refuse la violence aveugle, le pur affrontement, la guerre indéfinie, perpétuelle et totale. 
     Septièmement, contrairement à ce qu’avance Brague, il est logique de contextualiser.  Il se perd en explications alambiquées et refuse aux musulmans d’interpréter et de contextualiser : «  Dieu est éternel et au-dessus du temps, et Il sait toutes choses. Il n'a pas de contexte. Une injonction claire vaut donc pour toujours. » Affirmation fausse.
     Il y a des causes précises pour nombre de versets. « Dieu » tient compte de la réalité concrète et historique et favorise l’évolution et le changement. La demande de contextualisation n'est pas une tactique, elle est d'un enjeu fondamental  pour les sociétés musulmanes.
     Huitièmement, Brague utilise des constructions humaines, des fables négatives et des textes douteux. Il falsifie les faits et l’histoire du Prophète. En contradiction avec les versets du Coran à propos de l'Envoyé, les témoignages et la vérité historique, qui démontrent la magnanimité et l'humanisme du Prophète, Brague, avec une violence inouïe, le traite  d'assassin : « il a fait assassiner des personnes de tout âge et sexe qui se moquaient de lui … égorger des centaines de prisonniers; torturer…». Près de deux milliards d’êtres humains, de toutes races, nationalités et cultures, et d’horizons divers auraient pour guide un assassin ! Brague délire.
    Jamais le Sceau des prophètes n’a porté la main sur quiconque, ni utilisé la moindre violence pour obtenir quelque chose. Sa mansuétude a donné une lumineuse civilisation et une tradition spirituelle universelle. Il n'y a aucun doute que le Coran et le Prophète interdisent les violences, l’injustice, les barbaries, l'atteinte aux non-belligérants, aux civils, la torture. L’islam, ce méconnu, n’aime pas la guerre, mais la paix, comme il est clairement écrit: « Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Dieu l’éteint. Et ils s’efforcent de semer le désordre sur la terre, alors que Dieu n’aime pas les semeurs de désordre. »(5: 64).
     L'adversaire, dans la perspective mohammadienne doit relever du combat loyal, il n'est pas un non-humain ou un ennemi pour toujours. Le vivre ensemble et la concorde en sont l’horizon indépassable. L’extrémisme est l’anti-islam. La propagande islamophobe, pyromanie, est vouée à l’échec.    

  • La crise du monde moderne

    Re

    La crise du monde moderne, l’islam et les intellectuels fourvoyés

    Des chercheurs tentent de répondre à la crise du monde moderne, en multipliant les concepts : « postmodernité »,  « transmodernité », « deuxième modernité», «hyper-modernité ».  Nous vivons une fin de civilisation. Pour pouvoir identifier et relever les défis complexes de notre temps, il faut dialoguer. Une nouvelle modernité est le défi pour les intellectuels d’Orient et d’Occident.

    Qu’appelle t-on modernité ? Telle qu’elle existe, elle est ambivalente. Elle produit du progrès, de l’efficience, de l’émancipation, mais favorise des iniquités, des déséquilibres et des violences. La modernité depuis trois siècles se fonde principalement sur trois critères : la raison instrumentale, pratiquée comme technoscience, le capitalisme mis en œuvre comme libéralisme et la sécularisation, areligieuse, voire antireligieuse.

    Le choc des civilisations, une diversion

     Alors que les civilisations sont liées et que le dialogue est la voie pour faire lien et relever les défis, il y a un quart de siècle, Francis Fukuyama dans « La fin de l’histoire » décrivait cyniquement l’islam comme un « grain de sable » qui empêche l’hégémonie du libéralisme marchand et Samuel Huntington parlait de « Choc des civilisations ».  Pourquoi cet acharnement ?

    L’islam représente la version du monde qui résiste à la sortie de la religion de la vie et à la marchandisation du monde ; même si des régimes «islamiques» s’engouffrent dans le libéralisme sauvage et que des dérives dramatiques, fabriquées et amplifiées, le fondamentalisme violent, prolifèrent. Comme l’a dénoncé L’Émir Abdelkader l’Algérien : «Le musulman est parfois une manifestation contre sa religion. » Les pays musulmans doivent se remettre en cause et assumer leurs responsabilités pour reprendre une place digne dans le monde. 

     Les principes bien compris de l’islam peuvent contribuer à faire face aux défis et non à susciter le désordre et l’obscurantisme. A juste titre, Jacques Derrida écrit : « L’islamisme n’est pas l’islam, ne jamais l’oublier » et Jacques Berque « L’islamisme est contre l’islam ». Le dénigrement de l’islam est une diversion et un fonds de commerce. C’est une islamophobie ancienne, un orientalisme débridé, comme l’a démontré Edward Saïd.  L’islam a orienté vers le vrai, dialogué avec les civilisations de l’antiquité, produit une civilisation universelle et contribué à la renaissance européenne. Notre temps actuel obscur ne peut occulter mille ans de luminosité et de scientificité.

     Alors que nous avons besoin les uns des autres pour rouvrir l’horizon, préserver les acquis, corriger les dérives et rechercher une civilisation universelle, l’islamophobie, diversion aux impasses de notre temps, bat son plein. De nombreux pouvoirs détournent le mécontentement de leurs populations contre d’autres. Diviser pour régner est une vielle recette.  La fabrique de l’ennemi interne ou externe, le bouc-émissaire, a toujours fait des ravages.

     Aujourd’hui, au cœur de la crise permanente et du non règlement de la question palestinienne symbole du recul du droit et des murs érigés, la politique islamophobe en est le prolongement. Des intellectuels, sans certification en matière de théologie musulmane, prétendent parler en islamologues. Ils tentent de faire croire que le Coran et le Prophète sont antimodernes.

     Combattre le fanatisme, critiquer la religion en elle-même et passer au crible la tradition pour chercher à comprendre, ou réformer, est légitime. Cependant, sciemment, les islamophobes ne discernent pas entre les sources fondatrices et les lectures arbitraires, entre la révélation et les constructions humaines.

     Le Coran appelle à penser et à s’opposer à son instrumentalisation : « Ne réfléchissez-vous donc pas? » (6-122.) Cela implique de ne pas l’aborder comme une archive morte, ni de voir en lui, de façon choquante, contre toute vérité historique et scripturaire, une essence du fanatisme. Ni Descartes, ni Voltaire, ni Marx n’ont  cultivé cet amalgame, tout en sachant que la religion peut devenir une borne.

     Lire le Coran à la lumière de l’évolution, énoncer et renouer avec la pensée libre est vital. D’autant que l’instrumentalisation arbitraire de versets, qui appellent à l’effort, à l’usage de la force et à la légitime défense, induit des contre-sens et des comportements déviants. Cela a pour conséquence des tragédies.

    Des adresses au monde entier, par des savants musulmans, existent pour contrebalancer la  propagande des fondamentalistes et celle des islamophobes. Mais leur visibilité est faible.La propagande islamophobe, expression d’un vide de la pensée et d’une stratégie de diversion, cache les impasses politiques, les situations critiques, les dysfonctionnement du vivre ensemble national et mondial, qui suscitent l’exacerbation des extrêmes et des folies de tous bords.

     Rien ne peut justifier l’extrémisme. La religion est un masque. Pourtant, une frange d’intellectuels nie le caractère nouveau du phénomène transnational et hybride de l’extrémisme violent et la complexité des causes. Elle prétend que le fanatisme est dans l’essence de la religion. Elle accable les musulmans et exonère l’hégémonie des puissants des souffrances, humiliations, discriminations. La stigmatisation des musulmans est flagrante. 

     C’est du délire que d’affirmer que l’extrémisme est un islam contre un autre islam, une guerre de l’islam avec lui-même, un conflit entre deux lectures du Coran. Par-delà la pluralité des écoles théologiques et l’inépuisabilité du sens, notamment de par la spécificité et la richesse de la langue arabe, une lecture attentive du texte et quinze siècles d’histoire prouvent que la ligne du Coran est celle de la mesure, du juste milieu, de la contre-violence.

     La confusion absurde entre islam et extrémisme occulte les causes géopolitiques, mafieuses, socio-économiques, psychiques, l’ignorance, le «malaise dans la civilisation » dont parlait déjà Freud. Comment imaginer que la propagande qui met l’accent sur le culturalisme soit encore crédible ?D’autant qu’existe des travaux sérieux, de penseurs qui analysent du dedans les causes du désordre et les impasses de l’histoire des Occidentaux, dominants depuis trois siècles, en tant qu'elle nous a tous conduits à une situation préoccupante.

     La critique des politiques, des forces économiques occidentales et de l’état de l’Orient, occupe une place importante dans les textes, si peu dans les médias. Des intellectuels conséquents s’interrogent sur les causes des malheurs de notre temps, récusent les attaques islamophobes et les approches culturalistes. Le souligner c’est en tenir compte et redonner espoir.

     Le Coran, livre ouvert par excellence, qui exige le respect du pluralisme, a été source d’une civilisation fraternelle. Il est une guidance, pour ceux qui ne sont ni sourds, ni aveugles. Il responsabilise. Inépuisable, il finalise l’histoire du salut, éveille et vise l’existence. Bien reçu, il permet de sortir de toutes les formes d’idolâtries, d’illusions, et de maîtriser les pulsions négatives. Nul n’est immunisé contre l’égoïsme, les troubles psychiques, et les déviances. La lucidité n’est pas donnée d’avance, mais l’islam, par les repères qu’il donne et les liens qu’il crée, permet de prévenir, de guérir, de se dépasser.

     Il ouvre aussi la possibilité de percevoir l’unité de l’humanité, au-delà de la multiplicité, ainsi que l’accord universel par-delà les divergences. Il appelle à distinguer, à discerner et à articuler la foi et la raison, le permanent et l’évolutif, l’un et le multiple. Ce n’est pas un hasard que le premier mot révélé soit « Lis » !  Pour le Coran, le cosmos et l’homme sont aussi des livres.

     Notre civilisation commune est judéo-islamo-chrétienne et gréco-arabe. Nul n'est monolithique, ni n’a le monopole de la vérité. En islam il y a une pensée de l’être capable de forger des êtres équilibrés, de la modernité et de l’authenticité, d’honorer la vie, de surmonter l’épreuve de l’existence,  apte à la sécularisation, qui ne soit ni deshumanisation, ni désignification.

     Les intellectuels fourvoyés perpétuent les préjugés. Ils ne discernent pas entre les sources fondatrices de l’islam et les lectures arbitraires, entre la révélation et les constructions humaines. Dans un monde en crise permanente, qui accuse à tort la religion d’être fondée sur le sacrificiel, l’idéologie fondamentaliste piège ses adeptes. Ce n’est point un retour aux sources.

     Par l’amalgame, les islamophobes diabolisent l’islam. Ils perturbent le rapprochement entre les peuples et cherchent à empêcher que les êtres épris de paix, de justice et de sens tissent des liens et énoncent un autre projet pour le monde. Ils n’endiguent pas le désordre et les sectes. Ils ne résistent pas aux extrémismes. Ils les propagent. La diversion ne peut occulter le fait que du dialogue entre l’Occident et l’Islam, imbriqués, entremêlés, dépend l’avenir.

     Trois défis

     Les trois dimensions de la modernité, la technoscience, la démocratie et la sécularité sont des valeurs universelles qui peuvent êtres adaptées à une autre discipline de vie, en vue d’aboutir à une société véritablement humaine. Le temps n’est plus d’imiter un modèle hégémonique qui donne priorité à l’économisme. Il faut réinventer une civilisation de l’homme total. Le progrès sera plénier, ou ne sera pas.

     La difficulté du savoir moderne à favoriser un monde juste et équilibré, est flagrante, au moment où la mondialisation se présente comme un monopole qui impose ses divisions, ses prédicats, ses concepts et ses catégories, et au moment où l’Orient a des difficultés à bien résister, faute de pensée politique nouvelle et de créativité suffisante, malgré des atouts.

     La révolution scientifique, la sécularité et la démocratie sont bénéfiques. Ils peuvent êtres refaçonnées selon les fins de chaque peuple. Chacun peut s’affirmer tels qu’il se sent et se veut. Or, l’essence de la modernité occidentale, de la mondialisation, suscite trois contradictions :

     1.    La tension entre science et conscience. Le concept d’infinité de la recherche est problématique. Il est légitime de chercher à poser des limites éthiques au déchaînement de toutes les exploitations. Il ne faut pas avoir peur de la science, nul ne peut arrêter le progrès scientifique, mais pour quelles finalités ?  Plus que jamais, s’offre la maxime «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme». 

    2.    La tension entre individu et le vivre-ensemble. Le monde est moderne parce qu’il a atteint un niveau élevé dans sa recherche d’un individu autodéterminé. L’individu au centre, montre au reste du monde la voie de l’émancipation. Pourtant l’enjeu n’est pas seulement l’autonomie de l’individu mais aussi le commun, le vivre ensemble.

      3.La tension entre la raison et le sensible. Il y a une disjonction entre la logique et le sens. Les trois caractéristiques – l’infinité de la recherche, l’individualisme et la raison coupée du sens– posent problème pour les peuples qui recherchent la cohérence et l’être, pas seulement l’avoir. Des problèmes de fond.

     Sur le plan du sens de la vie, le problème est d’ordre éthique. Qui adhère à une grille de lecture faisant place à une pensée de l’être, aux valeurs de l’esprit, au sens religieux, voit marginaliser le sens éthique et spirituel de la vie. Aujourd’hui, la réalité, ce n’est pas simplement la sécularisation, mouvement libérateur, mais son corollaire, la désignification éthique du monde et le refus qu’une Norme supérieure puisse éclairer la vie humaine. L’invention d’une « religion civile », en la figure de la « République » et le mythe du progrès n’ont pas répondu à toutes les attentes.

     Sur le plan politique, le problème réside dans le fait que la démocratie en vigueur est plus que perfectible et les relations internationales ne sont pas démocratiques. Des puissants cherchent à asseoir leur totale domination. Le  corps social est réduit à un corps productif, soumis aux intérêts des détenteurs de capitaux et spéculateurs. Le pouvoir des monopoles économiques et la course au consumérisme sont valorisés. Cette dépolitisation de la vie et sa marchandisation remet en cause la possibilité de faire l’histoire, d’être un peuple responsable, capable de décider, de résister au nom de la liberté, d’avoir ses raisons et d’avoir raison, de donner réalité à un projet de société choisi après débat.

      En dépit de la généralisation des progrès de la science, de la légitimité des institutions, de la prédominance des droits de l’homme, de la libre entreprise, des normes juridiques, la possibilité d’exister en tant que peuples et citoyens responsables, participant à la recherche collective et publique du juste, du beau et du vrai, est hypothéquée. L’avenir dépend moins de la décision de chaque citoyen que de systèmes hégémoniques.

     Le désordre du monde moderne est aveuglant. On va dans une mauvaise direction. Le système dominant demande une mobilisation totale, même si cela ne se présente plus sous sa forme brutale de naguère. Il s’agit pour lui de modeler tous les systèmes – scientifiques, éducatifs, culturels, sociaux – sur les besoins de leurs entreprises. Produire de la richesse est légitime, reste à respecter des normes éthiques et écologiques.

     Le processus infini d’accroissement de la production a franchi la limite au-delà de laquelle il ne lui est plus possible de dissimuler le besoin de totalité qui lui est inhérent. Mondialisation, totalisation, clôture: le monde est engagé dans ce processus. L’individu jouit de bienfaits, mais ne sait plus comment fonder la validité de ses actes et de ses projets. Les revendications écologiques et sociales vont au-delà des problèmes immédiats, un désir d’existence veut être entendue.

     Sur le plan du savoir et de la connaissance, le troisième problème est la remise en cause de la possibilité de penser et de penser autrement. Le cloisonnement et la technicité l’emportent sur la transversalité, la diversité et le partage. La mondialisation vise à maîtriser toutes les choses de la vie par l’exploitation des résultats des sciences exactes, appréhendées comme les seules qui soient pertinentes pour la logique du développement. Malgré le travail des sciences humaines et sociales, la modernité privilégie les sciences exactes et leurs applications, soumises à la logique du marché. Pourtant la philosophie, la culture, les arts, les valeurs de l’esprit et la théologie sont aussi au cœur de la civilisation humaine.

     Il est vital de donner la priorité aux savoirs ouverts, de réexaminer les incohérences, pour décider librement des objectifs de la recherche et réinventer d’autres formes  à donner à l’existence. Ne rien céder quant à l’attachement au dialogue entre les mondes et à l’interdisciplinarité. Mettre fin à tous les dogmatismes et réhabiliter l’interculturel, l’interreligieux, l’éducation et les sciences, au centre des préoccupations. Réinventer une modernité alliée à l’authenticité. Un nouvel humanisme, universel, qui fonde le respect du droit à la différence et reste attentif à ce qui dépasse infiniment l’homme.

  • Sans les citoyens de confession musulmane, la ...

    Sans les citoyens de confession musulmane, la France ne serait plus la France

    8773624 13871918  Un an après les premiers attentats qui ont bouleversé la société française, que faut-il retenir de ces funestes événements et de leurs conséquences ? Quels messages promouvoir et que préconiser pour construire une société meilleure ? Le point sur Saphirnews avec Mustapha Cherif, philosophe et islamologue, professeur des universités, lauréat du prix Unesco du dialogue des cultures, auteur de quinze ouvrages, dont « Sortir des extrêmes », (Point sur les i, 2015), et « L’Émir Abdelkader apôtre de la fraternité » (Odile Jacob, 2016).

  • Sauvons le vivre-ensemble

     

    Sauvons le vivre-ensemble

     L a montée du populisme, l’intolérance, la crise du monde moderne et la mondialisation de l’insécurité sont dramatiques. La responsabilité est partagée. Nous devons nous interroger sur notre part de responsabilité. Le recul de la démocratie et la propagande infondée du choc des civilisations sont flagrants. Pourtant les citoyens du monde, de toutes convictions, aspirent à la paix et à la modernité. Malgré les discours xénophobes et ceux fanatiques qui cherchent à susciter des fractures, la majorité des citoyens n’est pas dupe. Mais le bon sens est perturbé. Le doute s’installe au sujet du vivre ensemble à cause de l’idéologie mortifère, pseudo-religieuse et totalitaire qui se réclame de l’islam. Les sombres vingt-cinq dernières années, depuis la guerre d’Afghanistan en 1989 qui a produit des mercenaires fanatisés, l’espoir déçu après les accords d’Oslo en 1993 de la question palestinienne, l’invasion de l’Irak en 2003 et la déstabilisation de pays arabes depuis 2011, ont des conséquences désastreuses. Mais elles ne devraient pas faire oublier mille ans de civilisation arabo-musulmane, judéo-islamo-chrétienne et gréco arabe, et la convivialité aujourd’hui entre les citoyens de confession musulmane et le reste de la société en Europe. Malgré des difficultés, il reste un avenir commun, si nous dépassons le stade de la défiance. Une partie de l’opinion, troublée par les violences commises au nom de l’islam, le condamne, ce qui est injuste ; d’autres s’interrogent, ce qui est compréhensible. Jeter le soupçon sur l’ensemble de la communauté musulmane à cause de mauvais adeptes marginaux est irrationnel. Le troisième monothéisme, pris comme bouc émissaire, apparaît comme réfractaire à la modernité, à la sécularisation et à la démocratie. Pourtant un islam républicain est possible. Il ne s’agit pas de répondre à des injonctions cyniques qui culpabilisent les musulmans en leur demandant sans cesse de condamner des actes barbares commis par des délinquants devenus criminels, mais de délégitimer les références religieuses des violences fondamentalistes et de parler haut et fort pour expliquer que le fanatisme est injustifiable. Tout le monde pressent que la religion est innocente, utilisée comme un masque par les extrémistes, mais en même temps, de par la cruauté des mises en scène, l’histoire des guerres de religion et les préjugés vis-à-vis de l’islam méconnu, dans un monde hypersécularisé les confusions opèrent des ravages. Les intégristes radicaux sont les premiers responsables des amalgames infamants. Cependant, l’invention d’un nouvel ennemi, depuis la chute du mur de Berlin, par des centres de décision, et les ruses pour faire diversion à l’ambition d’hégémonie et empêcher la manifestation de la vérité dans tous les domaines érigent des murs. Il est urgent d’empêcher que l’horizon se ferme. Le « djihadisme », terme venimeux, qui n’existe pas dans le Coran, n’est pas une religion, mais une imposture produite par des échecs politiques et une idéologie extrémiste. Cette dérive montre que l’époque favorise les sectes politiciennes, comme pour discréditer la version spirituelle du sens du monde et les résistances à l’oppression. Les sectes qui se réclament des religions ou d’idéologies séculières prolifèrent, de par la marginalisation du sens de l’existence, la dictature du libéralisme sauvage et le recul de la démocratie. Politico-mafieuses, elles n’ont rien de religieux. De par les manipulations, les enjeux géopolitiques au Moyen-Orient et les méthodes macabres, les sectes usurpatrices du nom de l’islam occupent le devant de la scène, mais sont vouées à l’échec. Pour les vaincre, il faut mettre fin aux discriminations internes et aux ingérences externes, marquées par la politique funeste des deux poids et deux mesures. Et en Orient se réformer, liquider les lectures archaïques des textes fondateurs et bâtir une société éclairée du juste milieu. Le devenir est commun. Arrêtons les contresens qui affirment que l’islam a à voir avec le fondamentalisme, parce que ce dernier serait soi-disant prégnant. Qu’appelle- t-on «islam » est la question. Si c’est la jurisprudence produite par des hommes, oui l’on est responsable, l’on peut faire le lien et exiger de tarir le terreau idéologique. Mais si par « islam » on entend le Coran et la pratique du Prophète, la réponse est non. L’inquisition n’est pas dans l’Évangile, le terrorisme n’est pas dans le Coran. La responsabilité est celle des hommes. Sauvons le vivre-ensemble.

  • Déclaration du professeur Mustapha Cherif


    Radio chaine 1 Alger 28 Juin 2015

    G actualites images 53 big"Il n'y a pas de guerre de civilisation, mais un choc des ignorances ! C'est une diversion par rapport aux vrais problèmes politiques et aux impasses dans lesquels le monde dominant se trouve. La religion est innocente. Elle est utilisée comme un masque. Elle est instrumentalisée et mêlée malgré elle à une guerre politique et économique. La tactique mortifère utilise des chevaux de Troie, des faux islams, des sectes, des égarés psychopathes, des mercenaires fanatisés, pour déstabiliser des pays musulmans, travestir la réalité et dominer le monde. Le fondamentalisme obscurantiste, fabriqué au Moyen-Orient avec l’appui de puissances étrangères, est l’anti-islam. La haine est vouée à l'échec. Comme nous l'enseigne le Prophète, gardons le cap sur la fraternité humaine et la pratique vigilante du vrai et du juste. Rien ne doit nous détourner de notre vocation à témoigner pour que la paix et la justice triomphent."

  • "Éducation et vivre ensemble" /Mustapha CHERIF

     Comme promis ci-dessous la vidéo de la conférence que j'ai prononcé  sur "Education et vivre ensemble". le jeudi 23 Avril 2015 suite à l'invitation de l'Espace Européen des Cultures Arabo-Musulmanes.

    Lieu : Maison de la Région d'Alsace à Strasbourg.

  • Il n'y a pas de guerre de religions‏

    Nous sommes en plein délire, confusion et dialogue de sourds. Malgré des discours sensés, l’incompréhension au sujet de l’islam persiste. Les citoyens de confession musulmane ont besoin d’une voix collective, d’intellectuels islamologues, croyants et pratiquants, crédibles, qui s’élève pour parler fort au-dessus de tous les contre-sens.

    1423339

  • Islam : des masques tombent

    7549758 11650354

    Dans un contexte mondial tragique, les surenchères islamophobes battent leur plein. Le délire atteint des sommets d'indécence. Des masques ...

  • Les extrémismes sont voués à l’échec

    7515014 11590675

    Ci dessous, une interview accordée aux « Cahiers de l’islam »

                       ______Bonne lecture______

  • Colloque « La Paix en Palestine »

    Mon intervention au colloque « La Paix en Palestine »

    « S'ils penchent pour la paix, fais de même en te confiant à Dieu, car Il est l'Audient et l'Omniscient. » (Coran 8.61)

     Je remercie la dynamique et chaleureuse équipe actuelle du GAIC et le réseau  Chrétiens de la Méditerranée  d’avoir bien voulu m’inviter. En ces temps sombres, où le monde prend une mauvaise direction, plus que jamais il nous faut continuer à dialoguer et témoigner pour la paix, l’amitié, la justice.  En sept points succincts, humblement, au vu de tant de drames, de complexité et d’incompréhensions, je vais essayer de vous faire part de ma réflexion.

       1 -Hommes et femmes de foi, c’est sous le signe du vivre ensemble, de l’amitié et de la fraternité  abrahamique et humaine qu’il y a lieu de s’inscrire. Sinon nous serons en porte faux avec nos références spirituelles fondatrices communes : « Nous croyons en Dieu, en ce qui nous a été révélé par Abraham, Ismaïl et Jacob et les patriarches, en ce qui nous a été donné par Moïse et par Jésus, et ce que les prophètes ont reçu de leur Seigneur. Nous ne faisons pas de distinctions entre eux.»(Coran:2-136) Sauvez nos religions des instrumentalisations politiques, de l’usurpation du nom et des injustices est un devoir. 

       2- Défendre la cause de la paix en Palestine est un devoir éthique, humaniste, citoyen, et non point un reflexe communautariste. C’est parce que la cause palestinienne est juste et symptomatique des iniquités de notre temps, que nous avons à exprimer notre solidarité. Ce n’est pas un problème judéo-arabe, ou islamo-hébraïque. Durant des siècles, Juifs et Musulmans ont vécu ensemble, notamment depuis la sortie de l’Andalousie jusqu'à la deuxième guerre mondiale, nos frères juifs ont trouvés refuge en terre d’islam. Comme les chrétiens d’Orient, ils sont une partie de nous mêmes.

       3- Ce qui se joue en Palestine n’est pas un simple drame local, c’est un des problèmes politiques majeurs de notre temps, où nos trois religions, y sont mêlées malgré elles. Il y a d’autres drames et conflits de par le monde, mais les spécificités, dont Jérusalem est le symbole, et les conséquences du différend israélo-palestinien, notamment sécuritaires,  sont d’une dimension planétaire. C’est une question centrale qui influe sur l’avenir du monde, a pris en otage le rapprochement entre les peuples et nourrie des extrémismes. La terminologie n’est pas innocente, faisons attention aux mots que nous employons, évitons tous les amalgames.

       4- En citoyens du monde et croyants abrahamiques, attachés à la civilisation humaine et à la primauté du droit sur la loi du plus fort, nous ne pouvons pas ignorer qu’il n’y a pas de Paix sans Justice. Nous avons besoin les uns des autres pour contribuer à une solution juste, globale et définitive. Avoir au plus haut point le respect de l'autre est la marque des justes. L'acte de foi devrait annuler toute possibilité d’iniquité. Dialoguer c’est d’abord écouter l’autre et sortir des points d’aveuglements.

       5- Une parole commune pour la paix est non seulement possible, mais est une exigence éthique. Dieu, dans nos livres sacrés, précise qu’Il n’aime pas ceux qui disent et n’agissent pas. Le meilleur des croyants est celui qui est le plus utile à l’humanité, sait se réconcilier et oeuvre pour la concorde. Notre devenir est commun. En Palestine, il ne peut y avoir qu’une paix réelle pour tous, ou pour personne. L’apartheid, le blocus, l’enfermement,  imposés aux palestiniens, sont mortifère pour la paix.

       6- Dieu ne changera pas l’état d’un peuple tant qu’il ne change pas lui même. Ce conflit, au fond,  n’est pas entre ennemis, mais entre «frères », entre« faux-frères ». Il implique pour tous de faire l’examen de conscience, de pratiquer l’autocritique et de dialoguer, afin d’accéder à une vraie fraternité. Ce but, la vraie fraternité, passe par la fin de l’occupation, le droit du peuple palestinien à disposer de lui même et la paix entre les deux peuples.

       7- Cela signifie qu’on ne saurait y parvenir en simplifiant les problèmes, mais en les approfondissant. De même, le but ne doit jamais justifier les moyens de la résistance, tout en sachant, comme disaient Ghandi ou Mandela, que c’est le colonisateur, qui détermine les conditions de la lutte. Le peuple palestinien opprimé, privé de ses droits élémentaires, n’a le choix que de résister, généralement pacifiquement. La désinformation occulte cette réalité. La violence aveugle, inadmissible, injustifiable, est le produit de la répression aveugle, de l’humiliation et des discriminations.

    Conclusion

    La question palestinienne est politique, cependant le dialogue entre les sages, les justes, permet d’alerter les consciences, de jeter des ponts, de sortir de l’aveuglement, de mettre fin au pessimisme, au désespoir et de sensibiliser sur le fait que les religions sont innocentes face à toutes les violences. Il y a des justes et des extrémistes dans toutes les communautés. Tous les justes, par delà leur religion et leur culture, doivent œuvrer ensemble pour instaurer l’équité et faire prévaloir le droit.

    Critiquer les réactions de l’extrémisme fondamentaliste ce n’est point être islamophobe ; critiquer le sionisme extrémiste et refuser la colonisation ce n’est pas être antisémite ; critiquer la politique des deux poids et deux mesures des grandes puissances, ce n’est pas être anti-occidental. Aucun amalgame, aucune stigmatisation, ne doivent être tolérés. Rien ne doit servir de prétexte pour retarder la paix réelle, la libération du peuple palestinien et la sécurité pour les deux peuples.  Soutenir la juste cause palestinienne et la logique de la paix ce n’est pas faire de la charité, mais contribuer au bien commun et tarir une des sources des problèmes de notre temps.

    Ce qui se joue dans cette région influe sur la paix et la sécurité dans le monde. Ne laissons personne les mettre indéfiniment en péril. Comment accepter qu’une soixantaine de résolutions du Conseil de sécurité sur cette question depuis plus de 60 ans soient restées lettres mortes ? Cependant, aujourd’hui la communauté internationale, qui un temps a comme abandonné le peuple palestinien opprimé, reconnaît qu’il n’y a pas d’alternative à la solution diplomatique et politique pour deux États, dans le respect du droit international et dans le cadre de l’ONU. Sans le Tiers, la communauté internationale, il est clair que le conflit perdurera au détriment de la sécurité internationale.

    Deux États côte à côte, coexistant en bonne intelligence et fraternité, ce n’est point une utopie, ni un rêve impossible. La haine est vouée à l’échec. Les palestiniens ont ouvert grande la porte de la négociation, du dialogue et des concessions depuis au moins 1993. Les pays arabes acceptent le dialogue depuis le sommet de Madrid en 1991 et proposent depuis 2002 la paix et la reconnaissance de l’État d’Israël en échange négocié des territoires occupés en 1967.

    Dans ce sens, le pape François lors de son voyage en terre sainte en Mai dernier a prononcé des paroles que nous partageons : « Nous devons accepter tout ce qui concours à l’exercice de la paix et à la coexistence respectueuse entre juifs, chrétiens et musulmans». La communauté internationale, malgré des entraves dues à la politique du fait accompli,  sait que tôt ou tard le peuple palestinien sera indépendant, il est donc temps  d’user de la force du droit pour mettre fin aux souffrances.

    Nul ne peut arrêter le cours de l’histoire et la volonté des peuples. Pour nous autres croyants, humanistes, reste à inventer et conforter toutes les mesures de confiance possibles, s’adresser à l’autre, le reconnaitre, le respecter dans son altérité, sa dignité et sa mémoire.  Se mettre en état de paix intérieure, dépasser toutes les rancunes, être juste, est le début de la paix politique réelle pour tous. Le Deutéronome (15 : 7- 11) ne dit t-il pas : « tu n'endurciras point ton cœur » ? Et le Coran ajoute « Soyez justes, la justice est proche de la piété » (Coran 5:8)

    Croyants, citoyens du monde, démocrates, nous avons à témoigner, à continuer à dire ce que nous croyons être juste, surtout si parviennent de Jérusalem, Al Qods, des mauvaises nouvelles. Le témoignage propre aux croyants de la Transcendance est parole juste persévérante, en notre âme et conscience, sous le regard de Dieu. En témoignant nous serons, peut être, si Dieu veut, de ceux qui s’entendront dire «j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi. » (Évangile St Matthieu 25, 31-46)

    Témoignons avec lucidité, compassion et dignité, afin que justice soit rendue et que la fraternité reprenne ses droits.  Ne dit-on pas que le judaïsme est ancré dans l'espérance, le christianisme dans la charité et l'Islam dans la foi ? Réunissons ces qualités en chacun de nous et ne cessons pas de témoigner. Il y a des témoignages, des paroles et des prières qui sont des actes. Comme Abraham nous l’a apprit, puisque nous savons que « Tout passe sauf la Face de Dieu »  éveillant ensemble les consciences à la fraternité, à la justice, à la paix :  

    « Demandez, j’exaucerai vos prières» (Le Coran, 40. 60)

    « Demandez, et vous recevrez » (Évangile selon Matthieu, 7: 7-8)

    « J’ai crié maintes fois au Seigneur ma complainte, Il ne m’a pas repoussé, mais toujours exaucé »  (Bible, Psaume de David)