La fin tragique de Aziza BEY/ Par Farid GHILI
Ceci est l’histoire déchirante et méconnue de AZIZA BEY, plus connue sous le nom de AZIZA BENT DEY ou encore AZIZA BENT EL BEY.
Beaucoup de choses ont été écrites sur l’origine du Palais de la basse Casbah d’Alger, communément appelé DAR AZIZA *. On a longtemps suivi la seule piste tracée par Henri Klein, inspirant que cette maison avait été construite au XVIe S par un DEY, pour sa fille AZIZA, qui deviendra l’épouse d’un BEY de Constantine. Cette thèse qui n’était appuyée par aucun nom des souverains en question, deviendra, néanmoins une légende algéroise, enjolivée de merveilleux par l’imagination populaire.
Mais hélas, cette belle légende masque une tragique réalité historique. C’est grâce à un manuscrit** d’un contemporain de RADJEB, Bey de Constantine, que nous sommes en mesure de livrer un authentique témoignage*** à propos de l’histoire dramatique de AZIZA BEY**** On apprend dans ce document que AZIZA, femme à la beauté splendide, fille du Caïd Ahmed Ben Ramdane et sœur de Chelebi Ben Ali Bitchine, avait d’abord épousé en premières noces, Mohammed BEN FERHAT, Bey de Constantine. Après le décès de ce dernier, conformément à un usage répandu, son frère RADJEB, qui a succédé en tant que Bey à son défunt frère, la pris pour épouse. Très épris d’elle, il l’emmena à Alger où le mariage fut célébré, après la période obligatoire de retraite de continence (’iida), en grandes pompes. Pour elle, il fit construire un palais qui allait, par la suite, devenir la résidence secondaire des beys de Constantine quand ils se rendaient à Alger pour verser le denouche tri annuel.
Le moment fatidique où devait s'accomplir le drame sanglant qui rompit, d'une manière si inattendue, une union jusque là sans nuages arriva. C'était un dimanche, le 29 du mois de Djoumad el ouwel, de l'année 1079 de l’hégire (4 novembre 1668). RADJEB BEY, de plus en plus rongé par cette jalousie, tournée maintenant en haine inapaisable, décida enfin de mettre à exécution son perfide projet.
Il proposa à sa douce épouse de visiter le « Moulin à Poudre » qu'il venait récemment de faire construire au Hamma (environs de Constantine). Il ne l’accompagna pas, mais la fit suivre de ses dames de compagnie, des esclaves de sa maison, de Safia, une autre épouse du Bey et de sa belle fille Fatma Bent Ferhat. Après avoir visité le nouvel établissement, elles allèrent ensemble au magnifique jardin dit « Haad el Ancel », où elles devaient passer la nuit. Ne se doutant nullement du sort funeste qui l’attendait, le reste de la journée fut consacré aux divertissements et aux plaisirs, et quand la nuit étendit son voile sur les mortels et que le ciel se parsema d'étoiles, elle se retira avec sa suite sous la tente qu'on lui avait dressée. Le silence succéda aux joies bruyantes de la journée. Rien ne vint l'interrompre jusqu'au moment où brilla l'étoile du matin. AZIZA, qui était encore plongée dans les langueurs d'un sommeil, rendu plus profond par les fatigues de la veille, était désormais, une proie facile, prise dans un piège, dont nul ne pouvait la tirer.
Triste et pénible fin pour malheureuse femme. Les funérailles de l’infortunée sultane eurent lieu le lendemain. Éploré ou feignant d’éprouver une immense douleur, RADJEB BEY, éleva à sa mémoire, un tombeau dont l’emplacement n’a, à ce jour, été identifié. *Il existe également un Palais dans la commune de Beni Thamou (Blida) nommé DAR AZIZA BENT DEY. Sa construction remonterait au 18 éme siècle. Certaines sources historiques, affirment qu'il a été construit par le Dey Hussein pour sa fille " Aziza" qui y venait en villégiature en été.Occupé par des indus occupants, sa restauration est problématique.
Rapporté par Eugène Vayssettes dans: Histoire de Constantine sous la domination Turque de 1517 à 1837.*** Je ne peux m'empêcher, toutefois de relever certains faits qui contrarient cette thèse. Construire un aussi beau Palais dans l'enceinte de la Djenina, siège du pacha (l'Agha Ali, en l'occurrence, avant l'avenement des DEY), qui comme on le sait, ne tolérerait pas qu'un subordonné fasse étalage de sa magnificence ou l'éclipse dans sa propre maison, par ses réalisations. Pourquoi n'a t-il pas construit ce palais à Constantine, sachant qu'il allait résider dans cette ville avec Aziza Bey, sa nouvelle épouse? Le mystère de Dar AZIZA et AZIZA Bey demeure donc, encore entier.
Certains chroniqueurs européens trompés, sans doute, par son nom l’ont élevé au rang de Bey. Or, les principes de la Régence, de ne jamais confier à une femme un beylicat sont bien établis. Au demeurant aucun document ne vient appuyer l'assertion des chroniqueurs, visiblement mal informés.
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