Le Passage des Murmures/ Par Noria

Miliana Ce n’était ni une rue, ni une allée. Juste une faille discrète dans le tissu de Miliana, un mince couloir entre la place de l’Horloge et la sous-préfecture. Il n’avait pas de nom. Rien ne l’indiquait, rien ne le désignait. Il se contentait d’exister, à l’écart, presque invisible.

 On y passait machinalement, mais il avait ce quelque chose d’insaisissable qui le rendait essentiel. À l’abri du tumulte, il offrait une pause, une parenthèse. Ce n’était pas un lieu qu’on cherchait, mais un lieu qui vous accueillait. Sans bruit, sans effort.

 Ses murs rêches, burinés par les années, racontaient tout bas le passage du temps. La lumière s’y infiltrant timidement adoucissait les contours, comme si elle respectait le silence du lieu. Là, entre deux battements de la ville, on se retrouvait. On respirait. On s’arrêtait sans vraiment le décider.

 Il n’était besoin ni de bancs ni de longues conversations, juste quelques mots, un rire étouffé, un soupir, parfois un simple regard suffisaient. C’était un lieu de connivence, de tendresse tranquille. Une halte entre deux urgences, un souffle entre deux heures.

Rien de remarquable pourtant. Pas de façade à admirer, pas de panorama. Mais il avait cette chaleur discrète, cette présence douce qu’on n’oublie pas. Il ne se photographiait pas. Il s’éprouvait. Et il restait en soi comme un fragment de saison douce.

Aujourd’hui, il n’est plus. Un musée s’est dressé à sa place, hommage nécessaire, mémoire élargie. C’est ainsi.

Mais il m’arrive encore, en passant devant ces murs neufs, de croire entendre un rire ancien, de sentir flotter une odeur d’été. Comme si le lieu, au fond, n’avait jamais cessé d’exister. Comme s’il portait toujours, dans le silence de ses pierres transformées, l’écho de ce qu’il avait abrité. Certains lieux n’ont pas besoin de noms pour exister. Il suffit qu’ils aient été vécus. Celui-ci, modeste repli entre deux moments de vie, continue de m’accompagner. En silence. Comme autrefois.

 

Commentaires

  • belfedhal abderrahmane
    • 1. belfedhal abderrahmane Le 10/08/2025
    Ami(es) du noble site, enchanté de reprendre avec vous, la suite de la représentation d’Antoine sur la scène. Il demanda au chef d’orchestre de l’accompagner en exécutant l’une des œuvres les plus célèbres des temps nantis : le grand air de figaro du barbier de Séville. Le chef d’orchestre acquiesça d’un signe de tête. Tant mieux on allait bien rire. L’orchestre attaqua les premières mesures de l’œuvre immortelle. Rossini n’avait sans doute jamais imaginé pareil interprète. Muette de surprise, la salle écoutait la voix prenante, la voix puissante au timbre de ténor, s’élever sous les voutes ou elles enfilaient démesurément. Antoine chantait avec une remarquable justesse. Sa voix ample et souple aux vigoureuses intonations nuancées de sensibilité détaillait l’œuvre à merveille. S’accompagnant de gestes sobres et précis, il révélait une parfaite connaissance du grand art, un talent affiné. Lorsque la voix se tut enfin, il resta figé sur place, bras ouverts et le regard levé dans une attitude de prosternation. Presqu aussitôt, spontanément, d’un même élan, la foule crépita en applaudissements chaleureux. A la surprise avait fait place l’enthousiasme puis un sentiment unanime d’admiration. Antoine salua gravement l’assistance puis fuyant les mains tendues, il s’élança dans les coulisses et à partir de ce moment personne ne le revit plus jamais. Ayant révélé son secret, Antoine ne voulait plus que ceux qui venaient de l’applaudir le revoient dans la rue, trainant sa misère. De tels souvenirs ne s évoquent jamais deux fois. Oui, Antoine, l’homme déchu, l’idiot, avait connu d’autres foules, d’autres succès, lorsque quinze années plus tôt, à l’apogée de sa gloire et sous un nom prestigieux, il se produisait sur les plus grandes scènes lyriques du monde. Ami(es) du vaillant site, l’histoire d’Antoine prend fin. Cependant elle a été décrite dans sa forme la plus simple, la plus naturelle, la plus époustouflante, voire la plus applaudie. Celui qui trainait la misère avait peut-être, sans le vouloir, réussi à gagner l’assistance qui allait enfin découvrir un secret que les aléas de la vie avaient enfouis dans la nébuleuse des temps immuables. A bientôt.
  • noria
    Mes chers amis (ies)

    Je m’absente pour quelque temps. Le site sera donc en pause, mais vos commentaires continueront d’être lus et validés.
    En attendant mon retour, je vous garde tous dans ma pensée et vous remercie pour votre fidélité et votre amitié.

    À très bientôt.
  • Djamila
    • 3. Djamila Le 06/08/2025
    Les souvenirs restent, même quand les lieux disparaissent.
    Ces petits coins de rien du tout qui sont en fait tout, ça parle à tout le monde.
    Merci Noria

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