Le Passage des Murmures/ Par Noria
Ce n’était ni une rue, ni une allée. Juste une faille discrète dans le tissu de Miliana, un mince couloir entre la place de l’Horloge et la sous-préfecture. Il n’avait pas de nom. Rien ne l’indiquait, rien ne le désignait. Il se contentait d’exister, à l’écart, presque invisible.
On y passait machinalement, mais il avait ce quelque chose d’insaisissable qui le rendait essentiel. À l’abri du tumulte, il offrait une pause, une parenthèse. Ce n’était pas un lieu qu’on cherchait, mais un lieu qui vous accueillait. Sans bruit, sans effort.
Ses murs rêches, burinés par les années, racontaient tout bas le passage du temps. La lumière s’y infiltrant timidement adoucissait les contours, comme si elle respectait le silence du lieu. Là, entre deux battements de la ville, on se retrouvait. On respirait. On s’arrêtait sans vraiment le décider.
Il n’était besoin ni de bancs ni de longues conversations, juste quelques mots, un rire étouffé, un soupir, parfois un simple regard suffisaient. C’était un lieu de connivence, de tendresse tranquille. Une halte entre deux urgences, un souffle entre deux heures.
Rien de remarquable pourtant. Pas de façade à admirer, pas de panorama. Mais il avait cette chaleur discrète, cette présence douce qu’on n’oublie pas. Il ne se photographiait pas. Il s’éprouvait. Et il restait en soi comme un fragment de saison douce.
Aujourd’hui, il n’est plus. Un musée s’est dressé à sa place, hommage nécessaire, mémoire élargie. C’est ainsi.
Mais il m’arrive encore, en passant devant ces murs neufs, de croire entendre un rire ancien, de sentir flotter une odeur d’été. Comme si le lieu, au fond, n’avait jamais cessé d’exister. Comme s’il portait toujours, dans le silence de ses pierres transformées, l’écho de ce qu’il avait abrité. Certains lieux n’ont pas besoin de noms pour exister. Il suffit qu’ils aient été vécus. Celui-ci, modeste repli entre deux moments de vie, continue de m’accompagner. En silence. Comme autrefois.
Commentaires
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- 1. Djamila Le 06/08/2025
Les souvenirs restent, même quand les lieux disparaissent.
Ces petits coins de rien du tout qui sont en fait tout, ça parle à tout le monde.
Merci Noria
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