Miliana : Récit d'une coutume à Chabbat Chekalim/ Proposé par Aziz OUDJIDA
Surnommée "la Reine du Zaccar", elle est une ancienne cité romaine. (Le mont Zaccar est, avec 1550 mètres d'altitude, le point culminant de la Dahra en Algérie. Il est situé au nord de Miliana, qui est bâtie sur ses flancs). Petite ville de montagne, Miliana est située sur un plateau. Elle domine la vallée du Chélif dont la route serpentée mène à Affreville. Par temps clair, on peut observer la mer aux environ de Cherchell. A 740 m d'altitude, elle jouit d'un climat agréable, ce qui lui valait d'être un lieu de tourisme.
Sur une population de 18000 h on comptait 1500 non-musulmans dont 500 Juifs. Cela explique qu'à Miliana il n'y avait qu'une synagogue. Vaste et très claire par ses fenêtres qui donnaient sur trois rues, la vie culturelle y était active, et les prières célébrées matin et soir. Les jours de Chabbat et de fête, les fidèles s'y rendaient très nombreux.
Au cours de ce siècle, la communauté a été dirigée par les présidents Albert Sénanedj, Emile Moatti, Abraham Benyounès, et David Moatti. Ils ont été secondés par les Gabaïm Baruch Bedjaï, Salomon Ancaoua, David Lellouche, Jules Médioni, Emilien Abbou et Moïse Bedjaï.
Les offices et le Talmud Tora étaient assurés par les rabbins Aaron Benhamou, Joseph Bensaïd(qui "agrémentait la prière par des airs spéciaux et harmonieux"), Joseph Abisseror et Daniel Benzaki. N'oublions pas le Grand-Rabbin Isaac Marc Choucroun qui a écrit "Introduction à la Bible" durant son séjour à Miliana. Il a pris la charge de l'enseignement de la jeunesse et a donné un renouveau aux manifestations religieuses.
Avec les élèves du Talmud Tora, on fêtait Tou Bichvat, Pourim et Bircat Haïlanot. A la fin de Pessah, une fête était organisée par les Sociétés La Bienfaisance et Mohar Habetoulot qui remportait toujours un grand succès.
Voici un minhag (coutume) typiquement milianais : Avant Pourim, au lendemain du Chabbat Chekalim, les nouveaux mariés de l'année se rendaient en visite dans les familles. Ils leur remettaient des bougies et recevaient en échange quelque argent "zékher lemahatsit hachékel" (il faut comprendre que cet argent qui revenait à la tsedaka leur était attribué d'office pour les aider à s'installer).Ces bougies étaient ensuite allumées le soir de Lagh Baomer au cours de la fête organisée pour la circonstance.
Notons aussi ce Minhag qui existait dans les autres communautés : les bénédictions des douze Tribus, la Chira et les Dix Commandements étaient traduits en araméen et en judéo-arabe verset par verset (cf le Krobats) par les élèves du Talmud Tora.
Une tradition qui rappelle mon enfance: dès l'annonce d'une naissance dans une famille, le rabbin réunissait les élèves du Talmud Tora après la sortie de l'école. Tous ensemble, ils rendaient visite à la famille et accrochaient au lit du bébé et de la maman des écrits "porte bonheur" (Chemot Segoula) qui, prétendait-on, les mettaient "à l'abri du mauvais oeil". A la fin, chaque enfant recevait de la main de l’heureux papa une petite pièce, à sa grande joie.
L'indépendance de l'Algérie et les événements qui l'ont précédée ont mis fin à cette longue histoire. Les Milianais se sont pour la plupart installés en France et peu sont venus en Israël. On ne peut que déplorer cette absence. Ils auraient mis leurs enfants à l'abri de l'assimilation, et, pour bon nombre, de l'abandon du judaïsme. Les verrons-nous ici un jour prochain? Inch Allah!
Moïse Bedjaï
N.B. Merci à M. Sydney Benyounès pour ses précisions.
- Source de l'information
- Le Livre de nos Coutumes, selon Ribach, Rachbats, Rachbach et R. Yehouda
- Ayache de Simon Darmon
Commentaires
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- 1. Bedjai Le 02/07/2025
Je me souviens de ta voix harmonieuse de chantre de la Synagogue de la rue Valée, mon cher cousin Moïse Bedjaï, toi qui faits un arrêt sur "image mémoriale" de la communauté juive de Miliana dont les Présidents ont été mon grand-père maternel David Moatti et son frère Emile Moatti (décédé en 1932).
Cf. mes écrits:
Genéalogie descendante de BIDJAÏ (BEDJAÏ) Jacob :Régence turque d’Alger, circa 1758-182. (?)/ALGERIE (XVIIIe-XXe) Alger, Jérusalem, Miliana, Affreville, Tiaret, Burdeau/ France, USA,ISRAËL (XXe-XXIe), Edition Mélampédie, Lille, 2015
Deux francs-maçons juifs de Milianah au XIXe siècle en Algérie française : Judas Moatti, Alger ( 23 mars 1828-Alger, 11 juin 1891) : les Frères du Zaccar, 1849-1858 [et] l'Union du Cheliff, 1879-1882 : & Léon Moatti ( Alger, 29 décembre 1831-Alger, avant le 5 février 1908) : les Frères du Zaccar, 1852-1858. Édition Mélampédie, Lille, 2016
Alger : Opération Torch (7-8 novembre 1942). Hommage à deux jeunes Juifs du Groupe Geo Gras : Gilbert Jacob Bedjaï & Raoul Cohen Addad. Edition Mélampédie, Lille, 2018
Pierre Moatti, Aurige du Mystère (Miliana- Cherchell), Algérie 1914-1944. Anthologie : Présentation de Marc Bedjaï. Edition Mélampédie, Lille,2014
Marc Bedjaï & Sylvie Trochon, Pierre Moatti, Correspondance : Un poète dans la tourmente : Solitude, Maladie, Antisémitisme à Miliana Marc (Algérie),1937-1944 Edition Mélampédie, Douai, 2024
Miliana et ses Peintres. Les peintres natifs : Marcello-Fabri & Augustin Ferrando. Les Peintres de passage : Edouard Moyse (1860-186 :, Henri Louis Auguste Clamens (1932) & Louis Henri Adolphe Fernes. Suivi des Peintres algériens de Miliana. Collection Histoire de la peinture en Algérie n°3, Editions Mélampédie, Douai, 2024, 39 p + 5 HT
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