La Langue Française : victime d’un procès injuste
- Par algermiliana
- Le 04/07/2025
- Dans Sous le figuier/ Noria
- 3 commentaires
Un vent d’amertume souffle sur notre pays. Un vent qui voudrait effacer des mémoires et des institutions une langue : « le français ». Certains la désignent comme le dernier vestige d’un passé colonial. Ils veulent la bannir des écoles, des rues, des esprits, comme on efface une faute. Mais à ceux-là, je dis : une langue n’est pas un empire. Elle ne colonise pas. Elle ne commande pas. Elle ne tue pas.
Une langue est un souffle. Elle naît dans la bouche des poètes, dans les cris de révolte, dans les lettres d’amour. Elle est une passerelle, pas une frontière. Le français, en Algérie, n’est pas un symbole d’oppression, mais un outil hérité, souvent douloureusement, mais aussi puissamment transformé. Il est devenu un butin, une richesse, une voix parmi d’autres.
Faut-il renier Kateb Yacine, qui voyait dans le français une conquête culturelle ? Oublier Assia Djebar, cette femme algérienne qui écrivait en français pour dire nos silences ?
Rejeter ces écrivains, penseurs, journalistes, enseignants, qui n’ont pas choisi cette langue par soumission, mais par exigence de clarté et d’expression ?
Ce ne sont pas les langues qui font l’histoire. Ce sont les hommes. Une langue n’a pas de sang sur les mains. Elle peut être utilisée pour opprimer, oui, mais aussi pour libérer, transmettre, créer. Couper une langue de nos vies, c’est renoncer à une part de notre identité. C’est nous appauvrir volontairement.
Le français fait désormais partie de notre paysage. Il cohabite avec l’arabe, le tamazight, le dialecte populaire. Il n’efface pas, il ajoute. Il n’impose plus, il propose. Et l’Algérie, dans sa diversité, a toujours été une terre de langues et de métissages.
Alors non, le français n’est pas un traître. Il est un témoin.
L’abandonner par vengeance, ce serait céder à l’amnésie. Le maîtriser, le transmettre, c’est affirmer notre liberté. Celle de penser, de choisir, d’écrire. Et d’exister en toute souveraineté.
Commentaires
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- 1. Aziz OUDJIDA Le 08/07/2025
I came across this quote from Mr. Mouloud Benzadi, an Algerian British author which, in my view, gives some of the best benefits of learning languages.
“When you learn a language, you don’t just learn to speak and write a new language. You also learn to be open-minded, liberal, tolerant, kind and considerate towards all mankind.”
I am personally reluctant to read a book if it is not in its original version, not a translated one, which sometimes distorts or twists the original meanings.
And again, in my line of business, countless times, when attending international technical conferences, worldwide, most if not all of the proceedings are in English, even in France, Russia, China and of course the US and the UK etc…., where I was personally attending. One needs to remember that languages are a means of communication, better understanding and comprehension between people of different parts of the planet.
And I totally endorse Ludwig Wittgenstein when he said that “The limits of my language mean the limits of my world.” -
- 2. Miliani2Keur Le 05/07/2025
Un puissant coup de gueule de notre hôtesse Noria !
Évidemment, comment renier l'héritage immense des Brel, Brassens, Saint-Exupéry, L.-F. Céline, Pierre Rossi ou même Emmanuel Todd, qui, en janvier 2024, avait prédit et détaillé "la défaite de l'Occident" ? Pareil pour notre algérianité : qui a fait mieux que les Dib, Boujedra, Assia Djebar que tu cites, ou l'immense Kateb Yacine ?
La langue étant un être unique, il est d'ailleurs très facile de vérifier que le français est à 70 % un héritier de l'arabe. Il faut être parfaitement conscient que la langue contemporaine n'est même plus ni l'anglais ni le chinois, mais la langue tactile et visuelle : nous avons le doigt sur le clavier ! Ne communiquons-nous pas en partie par des emojis, des icônes ou des mèmes, comme le faisaient nos très sages aînés égyptiens antiques ? Leur superbe stylistique gravée n'a pourtant pas résisté à la modernité implacable de l'alphabet phénicien – parenthèse qui, elle-même, se referme sans appel... Aidons-la ! Le village global, nous y retournons furieusement, bon gré mal gré.
Plus qu'un butin de guerre, nos aînés manipulaient le pistolet-mitrailleur linguistique avant de décider la lutte, fatalement laissée là par le colon. Ceci achève d'expliquer Kateb Yacine. Faut-il aussi rappeler qu'une langue est un cheval de Troie ? Je suis, quant à moi, très content – dans ma paranoïa instinctive – que mes enfants soient parfaitement immunisés contre le travestissement décomplexé d'un Bernard-Henri Lévy (vendu comme "philosophe"), d'un Michel Onfray (ignaro-structuré fraudeur) ou d'un Kamel Daoud, colonisé intégré pour avoir re-célébré le meurtre de "l'Arabe".
La langue française, disons-le, est un mourant avancé... Linguistiquement incohérente (c'est peut-être à cela que nous devons notre musculation neuronale de colonisés ?), nous lui devons des funérailles correctes – et surtout une parfaite organisation de sa succession !
Pour ma génération, Noria, je suis parfaitement heureux d'avoir été exposé à l'anglais grâce aux Beatles, à "Walter and Connie", aux manuels scolaires. J'ai baigné dans les Mille et Une Nuits en arabe, mais surtout dans l'image, comme nous tous. Heureusement, la langue française meurt d'une mort très naturelle en Algérie. Organisons sa fin sanitaire par un remplacement intelligent. -
- 3. belfedhal abderrahmane Le 26/06/2025
Ce ne sont pas les langues qui font l’histoire. Ce sont les hommes. Une langue n’a pas de sang sur les mains. Elle peut être utilisée pour opprimer, oui, mais aussi pour libérer, transmettre, créer…..Noria.
La langue française est un instrument que nous avons arraché à la domination pour nous en servir…Léopold Cedar Senghor.
La langue est un miroir : elle reflète ce que nous sommes sans jamais trahir ce que nous avons été… métaphore.
A toutes et à tous Essalem.
Le premier fragment du texte de notre chère amie relève d’une grande puissance émotionnelle et intellectuelle. Avant de procéder à une analyse objective de ce vent qui voudrait effacer des mémoires et des institutions, le français, il est utile des lors de commencer par quelques rappels fondamentaux sur ce qu’est une langue. Elle est avant tout un outil de communication, de transmission et de création. Elle sert à exprimer les pensées, les émotions, les savoirs et les rêves d’un peuple. Elle est le véhicule d’une culture, d’une mémoire collective, mais également un pont entre les peuples et les générations. Elle n’est pas un instrument de domination par essence, mais elle peut être utilisée, comme un vecteur de pouvoir, comme ce fut le cas durant les périodes coloniales. Toutefois, la langue elle-même ne porte pas la faute de l’histoire. Ce sont plutôt les usages qu’en font les hommes qui en définissent le poids politique ou émotionnel. Le français en Algérie ou dans d’autres pays francophones, a dépassé depuis longtemps sa dimension coloniale. Il est devenu une langue d’enseignement, de science, de littérature, d’ouverture sur le monde. Perdre de vue cette vision c’est parfois confondre l’histoire douloureuse d’un passé colonial avec le rôle que peut jouer cette langue. Une langue n’est pas un empire…Cette affirmation centrale du texte est aussi une mise au point à la fois philosophique et politique. Car la langue en tant que système de signes, ne conquiert rien. Ce qui nous amène à mettre en relief les bienfaits de toute langue étrangère maitrisée à savoir : Le développement de la pensée critique, l’accès au savoir mondial, permettant ainsi d’être un acteur du monde et pas seulement un spectateur. Pour conclure ce premier fragment du texte, notre chère amie nous rappelle sans équivoque que la langue n’est pas une arme, ce n’est pas non plus un poing fermé, mais une main tendue.
Le second passage du texte…Une langue est un souffle, elle nait dans la bouche des poètes, dans les cris de révolte, dans les lettres d’amour. Elle est une passerelle pas une frontière. Ce second passage rappelle avec justesse que la langue n’est pas une barrière, mais un lien vivant. Un souffle qui circule entre les êtres, les époques, les douleurs et les élans du cœur. Elle est tout sauf une arme, elle est chair, elle est émotion, c’est une pensée, c’est une mémoire.
Le troisième passage du texte… Ce ne sont pas les langues qui font l’histoire. Ce sont les hommes. Une langue n’a pas le sang sur les mains, elle peut être utilisée pour opprimer mais aussi pour libérer. Le français fait partie de notre paysage, il cohabite avec la langue arabe, avec le tamazight et les dialectes populaires. Il n’efface pas…Il ajoute.
Ce troisième passage touche un point fondamental : les langues ne sont ni coupables, ni innocentes. Ce sont les hommes qui les chargent de sens, d’ombre ou de lumières. Il ressort de ce dernier passage une conclusion de haute gamme. Le français en Algérie est aujourd hui le témoin d’un passé douloureux mais aussi témoin d’un passé composite, riche, pluriel et tourné vers l’avenir. En cohabitant avec l’arabe, langue de l’âme et de l’origine, avec le tamazight et le dialecte populaire, il n’efface pas… IL ajoute des voix à notre concert intérieur. Chaque langue que l’on parle est une fenêtre en plus, ouverte sur le monde. Les langues sont des alliées de l’esprit, jamais des ennemies de l’âme. Encore une fois le figuier se démarque dans la lignée de l’objectivisme…son fruit inégalé s’est affirmé en beauté en annonçant par la façon la plus rationnelle et convaincante que la langue n’est pas une frontière, c’est un souffle. Un souffle humain, un souffle tissé de mots, de douleurs, d’amour, de pensée et d’élan. Pour ce figuier, j’ajouterai une perle. Elle nous vient du saint coran qui annonce dans la sourate 30 verset 22 « Et parmi ses signes la création des cieux et de la terre, et la diversité de vos langues et de vos couleurs. Voilà bien là des signes pour ceux qui savent ». De ce verset de la sourate, Erroum, se dégagent des vérités éclatantes.
1/ La diversité n’est pas un obstacle, mais une richesse.
2/Un appel à la connaissance et à la reconnaissance.
3/ Un message de tolérance et de fraternité.
4/ Un fondement spirituel pour le dialogue interculturel et interreligieux.
Dans un monde ou les différences peuvent être sources de conflits, ce verset rappelle que l’unité ne signifie pas l’uniformité. L’acceptation de l’autre dans sa différence est une marque de maturité spirituelle. Au figuier enchanté, ajoutons une autre perle. Cette fois ci, elle nous vient du hadith ennabaoui echarif « On ne peut favoriser un arabe aux dépens d’un non arabe, ni un non arabe aux dépens d’un arabe, ni un homme de peau rouge aux dépens d’un homme de peau noire, ni un homme de peau noire aux dépens d’un homme de peau rouge a moins que cela ne soit par la piété .
Le verset coranique et le hadith d’une part, les horizons projetés par le figuier enchanté d’autre part, nous amènent à considérer la profondeur de la légende du colibri qui portait goutte après goutte de l’eau contre l’incendie. Quand les animaux se moquèrent de lui, il répondit : je fais ma part. De même chaque mot, chaque vers, chaque idée partagée est une goutte de mémoire, de paix et de dialogue.
Moharrem Moubarak. A bientôt.
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