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Le Sanglier du Zaccar/ Par Jan/ Maître Poète

Miliana, petite ville d’Algérie : 720 m d'altitude. Nid d'aigle entouré de remparts, utilisé en tous temps : Phéniciens, Romains, Arabes, Turcs, Français, car facilement défendable ; de plus un bien meilleur climat que la plaine du Chélif dominée par la ville côté est.

A l’opposé, côté ouest commence le massif du Zaccar dont les monts culminent aux alentours de 1500m. Et sur le premier mont qui domine la ville, était perché le marabout de Sidi Abdelkader où les femmes musulmanes montaient le vendredi en pèlerinage. Cela les aérait et surtout les changeait de leurs vies de recluses au gynécée. C'était une longue procession de silhouettes blanches, en haïks et voilées ne laissant apercevoir que les yeux, qui jacassaient le long du sentier serpentant tout au long, pour éviter une montée trop brutale.

Cet été là, un Vendredi matin, je montais moi-même avec Youki-chien, pour chasser les perdrix rouges qui foisonnaient sur ces sommets. Afin d’éviter la procession habituelle ces jours-là, j'avais obliqué et coupé en direct dans un talweg très pentu. Sec l’été, après avoir laissé s’écouler en vrai torrent l’eau de la fonte des neiges à la sortie de l'hiver.

Un fond plat, étroit, lissé par les eaux, et de chaque côté un grand talus de pierres et terre rougeâtre : ce massif est empli de minerai de fer. Tout autour, une forêt de chênes lièges qui s'arrêtait aux alentours des 1200m. Elle faisait place alors à des touffes et buissons assez clairs. C'est là qu'on commençait à entendre les « zac – zac » des mâles de perdrix qui tentaient de rappeler leur harem éparpillé…

Le sanglier du ZaccarNous allions y parvenir quand on l'a entendu arriver : pierrailles qui roulent, et la terre s’est mise à vibrer sous nos pieds quant à la sortie d’un virage un sanglier énorme, est apparu. Dérangé par la procession de ces dames dans le sentier, il avait lui aussi emprunté le talweg mais en descente. Le reste relève de l'instinct de conservation plus que de la réflexion : J'ai jeté le fusil sur le côté, et chance, il y avait une grosse branche horizontale quasiment au-dessus de ma tête. J'ai sauté, m'y suis accroché, levé les pieds, senti le vent du bolide grognant, qui a disparu l'instant d'après !

C'est là seulement que j'ai réalisé que Youki marchait derrière moi au moment où j'avais bondi. Eh ! bien lui, avec ses quatre pattes, il avait réussi la ‘carapate’ en se hissant assez haut sur le talus. Nous nous sommes retrouvés tous les deux sur le sol du fond, mais je ne sais lequel tremblait le plus !

A partir de ce jour, ce petit chien que jusque-là j'appelais : 'Té-pa-fou' car toujours à foncer sans réfléchir, dès qu'il entendait les perdrix, est devenu : 'Sire-conspect'… désormais ! Il avait ajouté à ses écoutes et ses reniflements inquisiteurs dans ces parages, les grognements et la course lourde qui indiquaient qu’un sanglier était dans le secteur. Il savait que c’était un danger potentiel pour nous...

De toutes façons, même arrêté à quelques mètres et en terrain découvert, je n'aurais pas tiré sur la bête avec du petit plomb pour gibier à plumes. Cela n’aurait pas pénétré sa carapace broussailleuse mais l'aurait énervé certainement !

 

[N. B : Alphonse Daudet a séjourné longtemps à Miliana. Il y a écrit une bonne partie des « Lettres de mon moulin ». Il consacre deux bonnes pages à cette ville.]

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