Virée au Zaccar/ Par BENABDELLAH Mohammed

Zaccar

Celle-ci se déroule généralement au printemps, durant les vacances scolaires. Tout un rituel est préparé. L'invitation est adressée tout d'abord à la famille y compris à ses membres résidants hors de Miliana puis aux voisines. On note le désintérêt des hommes. Une date consensuelle est fixée. Les préparatifs débutent aussitôt qu' elle est connue. Un jour avant, les familles reçoivent les leurs, venant de loin. Ils ramènent avec eux des provisions (légumes, fruits,viande,poulet...). C'est la cotisation familiale. Le lendemain matin, tout le monde est debout très tôt. Les marmites sifflent, joyeusement, sur les réchauds plats. Les garçons sont chargés de remplir les jerricans d'eau et les filles d'emballer la literie. Des galettes, faites maison, embaument l'atmosphère. Le départ est donné à 5h. Il fait encore nuit. Les petits pleurent depuis un bon moment car ils n'ont pas suffisamment dormi. Un "au revoir" au paternel, debout prés de la porte et tout le monde s'élance. Les garçons ouvrent la marche. Tout le monde porte quelque chose. Qui des paniers remplis de victuailles, qui des jerricans, qui la literie, qui trainant les petits (les bébés sont portés sur le dos des mamans). La ville est silencieuse et est éclairée par les lampadaires qui la rendent encore plus jolie. L'asphalte cède sa place à une multitude de pistes rocailleuses. Le sol est rouge du fait du minerai de fer. Les premiers arbustes font leur apparition. Les pins inondent l'air de leur senteur enivrante. Les oiseaux commencent à se réveiller et de temps à autre ils s'élancent dans le ciel, insouciants, à la recherche de leur déjeuner. La progression est lente. Il va falloir ménager les mères et grands-mères et les petits. Une courte halte est effectuée de temps en temps pour permettre à tout le monde de reprendre son souffle. On en profite pour prendre une gorgée d'eau.

La piste est sinueuse et on aperçoit, au loin, des files de femmes reconnaissables à leur haïk. Elles cheminent lentement. Les jeunes gens s'exercent, certains, à des lancers de pierres à qui plus loin. D'autres à exciter l'écho de la montagne. Par endroits, le chemin rase, dangereusement, les précipices. Les adultes s'empressent de protéger et d'aider les personnes âgées et les petits à passer l'écueil. Des petites chutes sont occasionnées, par la piste accidentée, mais sans gravité. Des garçons, visiblement seuls, nous dépassent en imitant les klaxons de voitures pour se frayer le passage. Nous les épions du coin de l'œil, prêts à en découdre en cas d'écart de conduite. Le dernier virage apparait à quelques mètres et nous aboutissons sur un mausolée qui sera le premier site à être visité .Une cérémonie religieuse est, vite, organisée par chaque famille arrivant sur les lieux. Puis vient le moment crucial, tant attendu, celui de dénicher un endroit calme et à l'abri des regards malveillants. Les mâles adultes sont chargés de la besogne. L'endroit est vite repéré et aménagé. Le reste de la troupe arrive exténué, mais content. On installe des draps à même le sol et on range les provisions. Nos mères et grands-mères s'affaissent sur le sol et appellent leur progéniture pour un casse-croute bien mérité et une rasade d'eau. Elles se laissent emporter par le sommeil pour un petit moment. Nous en profitons pour nous adonner à nos jeux favoris. Tout passe. Les jeux des 7 familles, la belote, colin-Maillard, loup-y-es-tu, une petite partie de foot et enfin la recherche de nids sur les branches d'arbres.

Certains, le poste-cassette collé à l'oreille, entament des danses frénétiques jusqu'à l'épuisement. L'ambiance est à la bonne humeur. On nous appelle pour le déjeuner. On ne se fait pas prier. Sur le sol, sont rangées nos assiettes, déjà remplies. Chacun a sa part, suivant sa corpulence et son dynamisme. Après s'être repus, place à la promenade. Les femmes emboitent le pas aux garçons. Le sentier est plat ce qui facilite la progression. On s'engouffre dans la forêt qui nous accueille à bras ouverts. Les enfants piaillent comme des oisillons. L'air frais dope les organismes et les jeunes s'essayent dans des courses effrénées. A quelques de mètres de nous, surgit un chacal, lui-même surpris par notre présence. Il fuit à toutes pattes, effrayé, sans doute, par le tintamarre causé par les enfants. Les femmes décidèrent de retourner au campement.

La clarté du jour commençait à s'estomper. On arrive au point de ralliement et on trouve les grands-mères, assises à discuter et à savourer un café préparé sur des braises. Elles sont un peu inquiètes de notre retard. On empaquette nos affaires et on prend le chemin du retour. La descente est aisée. On met moins de temps que la montée. Plus tard, on arrive à la maison et on se sépare des voisins avec la promesse de remettre çà, bientôt. On se précipite vers la salle de bain pour faire notre toilette. Je sors pour retrouver les copains et leur narrer les péripéties de notre journée. La virée au Zaccar, dure jusqu'à la fin des vacances et même au-delà. Aujourd'hui, il n'est plus possible de le faire du moins, en famille.

PS: Mr DAOUDI. Je suppose qu'il faudra relancer les expéditions de ce genre et se souvenir de ces personnes âgées qui ont bravé l'altitude, malgré leur santé déficiente. Moi je suis preneur et avis aux amateurs.

Commentaires

  • khouatmi  lotfi
    • 1. khouatmi lotfi Le 08/07/2013
    je vous remercie pour votre écrit,moi j'ai eu l'occasion de faire cet aventure en plusieurs fois avec le scout de miliana,c’était magnifique,en plus il y'a la ballade du mardi après midi vers sidi bouziane ,une virée plus légère que la montée du zaccar.
  • Benabdellah Mohammed
    ESSALEM à tous. Pour compléter ou pour ajouter à ce qu'a mentionné notre ami Benrabah ,à-propos de la randonnée au Zaccar, il y a lieu de noter que la cérémonie religieuse en question s'articulait sur les louanges à notre créateur Allah et le salut à notre prophète Mohammed(qssl).D'autres personnes et surtout les jeunes gens formaient le vœu ,qui de trouver l'âme sœur, qui de réussir aux examens... Avant de quitter l'endroit, pour laisser la place aux nouveaux arrivants, des bougies sont allumées et quelques sous sont déposés dans une sorte de caisse. Plus loin ,des familles se réunissent et forment des cercles en entonnant des chants religieux ,vantant Allah et son prophète Mohammed(qssl). Les jeunes veillent au grain, en cas d'écart de conduite des badauds. Il faut dire que la fête est réussie à merveille et ce genre de rencontres constituent un forum idéal, pour conclure des "affaires" "(mariages, vente et achat de biens...).De retour à la maison les relations, créées, vont en se consolidant davantage.ESSALEM. Ramadhan moubarek à tous.
  • Benrabah Mohamed
    • 3. Benrabah Mohamed Le 06/07/2013
    Merci Mohammed de nous avoir fait remonter le temps,

    Cette randonnée, je l'ai faite avec ma mère et nos voisins durant les année cinquante: la visite de Sidi Abdelkader s'imposait comme un rituel pour les Milianaises qui fétaient l'arrivée du printemps par cette randonnée pédestre.
    Arrivés au Mausolée où étaient entreposaient des Sendjak (étendards), le fete commençait par une invocation et prière autour du Wali (qui n'est d'ailleurs nullement enterré dans cet endroit) et se terminait jusqu'à la fin de journée autour d'un café et de la galette.Autres temps autres moeurs.
  • BF
    • 4. BF Le 03/07/2013
    Bonsoir Mohamed, bonsoir à toutes et à tous,
    Je te remercie de stimuler ma mémoire et de faire affleurer à la surface une multitude de détails, de scènes dont je n'avais pas conscience et que je pensais avoir oubliés, de traduire l'excitation et la fébrilité dans lesquelles on était lors des préparatifs de ces journées. J'avais le sourire aux lèvres tout au long de la progression du récit, je n'avais plus le recul que permet l'écrit, j'escaladais moi-même le zaccar. J'étais, au gré du texte tantôt avec les unes, tantôt avec les autres courant devant insouciante, faisant des haltes pour attendre les autres membres de l'expédition (les genoux ne grinçaient pas à cet âge-là!). La fidèlité des détails est telle que je n'ai eu aucun mal, et beaucoup de plaisir à revivre ces souvenirs lointains tellement agréables tellement chers! C'est une vraie évasion, une bouffée d'air frais, et beaucoup de nostalgie! J'apprécie beaucoup ton style bien agréable, et qui s'affirme de plus en plus au fil de tes écrits qui sont toujours très attendus.
  • Benabdellah Mohammed
    ESSALEM à tous. Je vois que l'idée d'une randonnée pédestre, aux monts du Zaccar, commence à faire des émules. J'en suis ravi et suis à l'écoute de toute proposition visant à concrétiser, pour certains, ce vieux rêve. Je pense ,notamment à Chantal et à Abdelkader et je suis convaincu que l'idée aura séduit plus d'un. Par ailleurs, je suis flatté que cette expédition vous aura transporté, virtuellement, comme le souligne parfaitement, Abdelkader, vers les monts mythiques du Zaccar qui ont vu défiler ,à travers les temps, des générations d'hommes qui ont marqué, de leur empreinte, toute la région.
  • B.A
    • 6. B.A Le 03/07/2013
    Mille merci cher monsieur pour ce splendide periple que j aurai tant voulu partager.Helas je crains qu il ne soit plus possible d entreprendre de telles escapades.Est ce que je me trompe?
  • Chantal
    • 7. Chantal Le 02/07/2013
    Bonsoir à tous.

    J’ai trouvé votre histoire joliment racontée Mohammed. On a l’impression de participer à cette randonnée familiale !

    Je ne vous cache pas - Abdelkader – que j’aimerais au moins autant que vous (sinon plus !) escalader le Zaccar que je n’ai jamais pu voir que … de la rue St. Paul … lorsque j’étais enfant.
  • mm
    • 8. mm Le 02/07/2013
    tres belle histoire
  • Abdelkader Daoudi
    • 9. Abdelkader Daoudi Le 02/07/2013
    Cher Mohammed bonjour,

    Merci infiniment pour cette magnifique virée virtuelle au sommet du Zaccar. Après lecture de ce bel article qui par ses détails projette toute la splendeur de cette agréable escalade. Je suis également preneur malgré le poids des années, je prendrais certainement contact avec vous et/ou toute autre personne ou groupe de personnes qui partagent cet enthousiasme et désirent participer à cette belle aventure. J’espère aussi que de jeunes entrepreneurs locaux relanceront cette activité dans un cadre touristique et économique en offrant leur service en tant que guides pour les locaux et les gens qui viennent de loin et sont intéressés par une escalade jusqu’au sommet du Zaccar. Je ne pense pas que cette idée soit utopique maintenant que le problème de sécurité ne se pose plus, sauf si je me trompe sur ce point important.

    En 2003, j’ai eu l’occasion d’escalader avec des amis une montagne en Europe d’une altitude de 2 633 m grâce à des guides expérimentés qui connaissaient chaque recoin de cette montagne, y compris les risques et dangers éventuels qu’une telle aventure pourrait engendrer. Ces guides professionnels étaient rémunérés pour leur travail par les grimpeurs.

    Encore une fois cher Mohammed pour tous ces beaux écrits auxquels tu nous as habitués et pour relancer l’idée d’escalader le Zaccar. Je te contacterai lors de ma prochaine visite au pays pour discuter davantage l’exécution d’une virée au sommet du Zaccar parce que je tiens fermement à l’accomplir au moins une fois dans ma vie.

    Amicalement,

    Abdelkader Daoudi

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