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UN ILOT DE RÊVES

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UN ILOT DE RÊVES

C’était un petit village niché haut, très haut dans les nuages. Aérien, inaccessible. Il fallait pour en trouver le chemin connaître l’un des villageois, même si parfois un voyageur égaré, fatigué de parcourir le monde échouait dans ce village par le plus heureux des hasards. Comme il était accueillant, chaleureux, hospitalier ce village ! La douceur de vivre qui y régnait gagnait aussi progressivement tous ceux qui ne s’y arrêtaient que pour une brève halte.

Il faut dire que ce village isolé était assez particulier ! Il y faisait beau à longueur d’année ! Le soleil brillait de son chaud éclat tous les jours, la brise y était fraîche, les sources pour se désaltérer très abondantes, l’eau était claire, cristalline, et étanchait la soif dès la première gorgée. On y trouvait des fleurs de toutes sortes partout, des arbres de toutes essences partout, des jardins luxuriants magnifiques partout ! Ce qui rehaussait son charme, son attractivité. Un havre de paix, un sanctuaire où l’on se retirait volontiers, et sans aucune résistance loin du monde tumultueux tout en bas sur terre. Les habitants ressentaient un agréable bien-être les envelopper au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient au cœur du village, soucis et tracas diminuaient en conséquence jusqu’à disparaitre complètement parfois. Il y régnait une douceur de vivre à nulle autre pareille. Les habitants permanents tout comme les visiteurs occasionnels goûtaient à ce bonheur nouveau avec beaucoup d’étonnement, et avaient toutes les peines du monde à imaginer leur vie ailleurs que dans ce village, et même s’ils étaient contraints par quelque obligation extérieure de le quitter, ils y revenaient dès qu’ils le pouvaient pour retrouver cet enchantement, cette impression d’échapper au temps. La renommée de ce village devenait de plus en plus grande, et la population du village augmentait au fur et à mesure en conséquence.

Les habitants, tout en étant très différents les uns des autres, et venant d’horizons très divers avaient réussi à trouver une sorte de consensus, d’entente harmonieuse qui les satisfaisaient tous. En apparence tout du moins. Respect, ouverture, tolérance, liberté d’être et d’agir dans la limite du consensus. Les villageois permanents ou de passage y trouvaient leur compte, et se complétaient assez bien dans la répartition des tâches et responsabilités. Le comité des sages qui veillait à préserver la quiétude du village intervenait non seulement pour alimenter, nourrir les membres de ce village chacun selon son appétit, mais également pour améliorer leur confort en aménageant de nouveaux et beaux espaces, en construisant de nouvelles maisons, en embellissant et fleurissant les moindres coins et recoins. Le village était tout le temps en mouvement, en vie. Le comité des sages organisait aussi rencontres et fêtes, informait de ce qu’il se passait dans le monde ce qui, et selon les nouvelles enflammait, enchantait ou attristait les cœurs et les esprits. Par moments, il pouvait bien sûr y avoir des petits accrocs, des malentendus très vite dissipés cependant grâce à la générosité des uns ou des autres, et le souci constant d’un bien-être collectif. La vie reprenait toujours son cours. Grouillante, créative, imaginative, bienheureuse. Un bonheur simple dont chacun avait fait son affaire. On l’alimentait et on s’y alimentait à son tour dans une saine et chaleureuse convivialité. C’était une sorte d’entreprise artisanale où chacun selon ce qu’il était et ce qu’il connaissait le mieux fabriquait des parcelles de bonheur, du sur mesure ou presque.

Le comité des sages laissait les villageois vivre comme ils l’entendaient à condition de se respecter les uns les autres et de respecter cette œuvre commune. Chaque jour, les villageois prenaient connaissance de la parole du jour du comité des sages. Il suggérait aux villageois d’une voix douce et tranquille des thèmes de réflexion qui participaient de la régulation de la vie dans ce village. Les villageois étaient sollicités pour une unique chose : donner un peu de soi, un peu de sa force et de son énergie pour entretenir la belle harmonie qui semblait exister dans ce village. Ce don de soi n’était pas borné par des critères ou des normes. Toute manifestation aussi modeste soit-elle, était accueillie avec joie, bienveillance, grand ouverture d’esprit. Mais alors, me direz-vous, c’était un véritable paradis, l’homme est finalement très vertueux, la preuve ! Oui ! On voudrait le croire ! On voulait le croire ! Hélas, l’être humain est aussi l’artisan de son propre malheur. L’harmonie qui régnait dans ce village pouvait voler en éclat et précipiter le village et ses habitants dans le chaos. Telle était la menace qui pesait sur ce village et ses habitants, le chaos et le néant. Tout le monde en était conscient, et tentait de faire de son mieux. Ce n’était pas facile tous les jours ! C’était un travail difficile, un effort de tous les instants, une vigilance douloureuse parfois ! Ainsi en est-il, et en a -t-il toujours été, à la grande infortune des villageois animés des meilleures intentions, du comité des sages si accueillant, si bienveillant si attentif au maintien de cette douceur de vivre.

Cette partie de l’histoire est hélas triste, bien triste, et il me coûte de l’évoquer. De plus en plus, les villageois, distraits qu’ils étaient par des considérations et des vues toutes étroites, toutes personnelles ne voyaient pas que cela pouvait faire voler en éclats l’harmonie du village. Chacun y allait de sa petite pierre qui pour certaines d’entre elles étaient de gros pavés qui occasionnaient fissures et lézardes dans les maisons individuelles, et dans tout le village, mais surtout, surtout dans le cœur du comité des sages abattu, désorienté, incrédule, hébété, profondément blessé par autant de légèreté, d’indifférence, d’égoïsme et d’ingratitude. Il est un fait que l’on ne peut en permanence prêter le flanc aux frondes, ni même fermer les yeux, serrer les dents, et continuer à sourire ! Et pourtant, et pourtant ! Le comité des sages a, en dépit de tout, décidé de passer outre, de s’effacer, de faire taire sa douleur pour tenter une fois de plus au profit du bien-être des villageois de préserver leur îlot. Le comité des sages aurait eu mille raisons de se détourner de ces villageois, de les abandonner à leur sort, il n’en a rien fait ! Et, l’on ne sait toujours pas, à ce jour, si les habitants permanents ou occasionnels du village ont réalisé que cette parcelle de poésie a failli s’évanouir, ont  senti passer ce grand froid glaçant, le néant !

 

Par Meskellil

Commentaires

  • BELFEDHAL Abderrahmane
    • 1. BELFEDHAL Abderrahmane Le 24/11/2023
    A toutes et à tous Essalem Wa Tahiet el Islam Essalem.
    Une deuxième lecture suite à la rediffusion de l’éclat de l’ilot de rêves me renvoie aux expressions « néant et chaos » majestueusement soutenus par l’une des plus belles plumes qui ont fleuri le parcours de l’excellent Alger- Miliana. Une deuxième réflexion dans l’espace radieux d’un village ou l’on échoue par le plus heureux des hasards… un village ou l’on respire la paix et la sérénité. Cependant au fil des temps un étrange habit est venu s’accommoder au rythme des comportements inconnus jusqu’ alors dans les habitudes qui jadis avaient soudé les rapports humains entre habitants et passagers. Dure épreuve pour un comité de sages pleinement acquis pour maintenir la sagesse au rang suprême. Un village de rêves, un sillon fleuri de bonté et de couleurs vivaces sentant la joie d’être décrits par une plume rebelle( à prendre dans un sens purement admiratif) qui refuse de se joindre à leur chorale, vient subitement de baisser la tête, laissant place à la légèreté, a l’indifférence a l’ingratitude et a l’égoïsme. Une énième réflexion et nous voilà en face de ces deux expressions…Quelle est donc leur essence, leurs similitudes et leurs différences ? De source littéraire, le chaos se définit généralement comme étant le désordre, la confusion ou l’absence d’organisation ou de structure. Le chaos par contre se définit comme étant l’absence complète ou l’inexistence de quelque chose. Le chaos est associé à la notion du vide. Nous déduisons donc que le néant est traduit par l’idée du vide absolu, d inexistences totale alors que le chaos est lié à une absence d’ordre ou à une condition de désordre. De cette comparaison sommaire, on retient ce qui suit : Si le nant implique une absence de tout, y compris le désordre, le chaos suggère une forme de désordre ou d’agitation. En reprenant la lecture de l’ilot de rêves depuis le début on remarque sans difficulté que notre amie et de façon subtile nous préparait au changement qui allait bouleverser le village et ses habitants. Relevons alors les expressions qui caractérisent ce changement dans l’ordre suivant : les habitants, tout en étant différents les uns des autre, d’entente harmonieuse qui les satisfaisaient tous. En apparence du moins…on remarque que l’apparence s’est déjà installée … Du sur mesure ou presque…on voudrait le croire… Est-ce un calme en apparence qui précède la tempête ? Est-ce une courbe inattendue voire inévitable qui se dessine à l’horizon des crépuscules jadis dorés par les âmes en quête d’inspiration ? Comment expliquer alors ce passage d’un état de rêve a un état de désarroi ? Notre amie nous livre quelques explications convaincantes : le mal s’en est pris à partie en s’introduisant de force dans les relations entre les villageois, et tout doucement les considérations et les vues étroites et toutes personnelles sont adoptées en toute logique et chacun allait de sa petite pierre, occasionnant fissures et lézardes dans les maisons individuelles et en face un comité des sages désorienté, incrédule et profondément blessé. Faisant preuve d’un courage stoïque, le comité des sages avalait les morsures pour préserver leur ilot autrefois considéré comme le temple de la paix. Notre amie Meskellil bien qu’ayant élaboré un réquisitoire farouche à prendre en ligne sur le comportement des gens du village nous a laissé à notre faim car si cette parcelle de poésie a failli s’évanouir et si les gens du village ont réalisé passer ce grand froid glacial appelé néant et si le comité des sages avait sauvé l’ilot de rêves, ont-ils par conséquent libéré l’homme de sa propre emprise ? Une emprise innée qui traduit en tout temps une dualité entre le bien et le mal…dans l’ilot de rêves le comité des sages symbolise le travail collectif alors que dans le merveilleux message de l’homme qui plantait des arbres c’est toute la plénitude de l’effort individuel qui magistralement a montré que l’homme est à la fois l’avenir de l’homme… mais capable aussi de créer le malaise et l’incertitude dans une entité toute entière. La rediffusion d’anciennes contributions ne fait que confirmer les temps glorieux d’un très noble site la ou les plumes se bousculaient pour faire valoir un cachet propre, un cachet unique faisant du site, par ricochet, un véritable coin de rêves et apourquoi pas une véritable ile de culture et de loisirs ? A bientôt.
  • Belfedhal Abderrahmane
    • 2. Belfedhal Abderrahmane Le 21/11/2020
    "C est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n ecoute pas" victor hugo
    Du haut des montagnes et par une vue aérienne nous y voila au coeur de la bonte divine.
    un petit village respirant la vie, le bien etre et la parfaite entente au sein des villageois Cependant au fil des annees qui s'evanouissent, le petit village grandissant de forme et de fond et bien que tirant sa substance et sa révérance du néant qui couvre l'existence toute entiere ,rappellera a chaque pas franchi, a chaque poeme composé, a chaque discours flambant de lueurs éphémeres ou constantes, que le bonheur est souvent à quelques pas si pres de nous, et que tres souvent on le perd de vue. Meskellil ravi de vous lire, et compte tenu que chacun à son propre village qui sommeille au plus profond de ses souvenirs, a toutes et a tous je dedie cette chanson intitulée Mon village Tres bonne ecoute
    https://www.chanson-libre.net/chansons-ballades/mon-village.htm#overlay4
  • Miliani2Keur
    • 3. Miliani2Keur Le 04/10/2014
    Au Comite de sages, visiteurs et habitants : les paradis ne sont jamais acquis et se méritent a chaque instant ...

    en echo avec " l'homme qui plantait des arbres"

    merci MeskEllil

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