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Milianais, Milianaises ! Je vous aime/ Par Rachid EZZIANE / El-Attaf

La rue Saint Paul

Je vous aime parce que j’ai aimé Miliana. Je vous aime parce qu’à Miliana vivait ma tante Aïcha. Femme généreuse, belle, comme la fraicheur des rues de Miliana. Comme l’ombre de ses platanes, le long de la rue Saint-Paul. Son accueil dilatait mon cœur d’enfant, durant les vacances d’hiver, de printemps et d’été.  A quinze ans, elle me recevait comme un vrai adulte, comme un prince…

Et le cœur de l’enfant n’a pas oublié. Et il n’oubliera jamais.

Les poches pleines des petites pièces jaunes, de cinq, dix, vingt centimes,  je montais par la pointe ─ d’Ali la pointe, car elle habitait juste en face de l’hôpital, j’empruntais la rue qui longe le grand-hôtel,  non loin du lycée Abdou et la sous-préfecture, en face  du magasin de meuble des Salem-Kour, puis je bifurquais à droite pour arriver à la place de l’horloge.  Moment sublime, quand je me retrouvais devant la vitrine de la librairie Azizi. Ebahi par la multitude des livres et autres bandes dessinée, je collais mon visage sur la vitrine, et le rêve m’emportait loin, «  là-bas, au jour où tu seras écrivain, me disait ma petite tête d’enfant… »

Une fois rassasié, je traversais la rue et je continuais jusqu’au jardin public, bien-sûr, après avoir pris un moment de plaisir à lécher les affiches des films aux cinémas « variétés » et « Splendid », puis je reprenais mon chemin  par les magasins de Zazak, Bentabak, le bureau de tabac, la mairie...

Quand j’arrivais au niveau de la poste, je m’arrêtais un moment pour contempler, de l’autre côté de la rue, les étalages, minutieusement rangés, de fruits et légumes de saison à l’intérieur du marché couvert. 

Devant la porte du jardin centenaire, les fragrances des belles plantes envahissaient mon petit être d’une émotion indescriptible. Elles sont toujours quelques parts dans mon subconscient. Aussi, dans ma mémoire olfactive.

Je restais de longs moments à chercher le lieu magique pour m’asseoir sous l’ombre d’un arbre aux feuillages touffus. Une fois le lieu déniché, je m’asseyais sur le banc et je m’évadais dans mes rêves éveillés.

Je retournais chez ma tante par la rue du lycée Ferroukhi, les poumons pleins d’air pur, le cœur joyeux et les yeux rassasiés de la beauté de Miliana de ces années-là…

Ma tante Aïcha dort aujourd’hui au cimetière de « bab el-gharbi », dominant la plaine et la vallée. Je lui dois une pensée, une prière, un souvenir, une larme. Car c’est d’elle que j’ai appris à aimer Miliana. Car plus j’aimais ma tante Aïcha, plus j’aimais Miliana ; et plus j’aimais Miliana, j’aimais ma tante Aïcha…   

Milianais, Milianaises ! Je vous aime pour ces moments que m’avait procurés votre ville…

Milianais, Milianaises ! Acceptez de moi cette sympathie, noble et sincère…  

Commentaires

  • Sarah
    • 1. Sarah Le 04/04/2020
    Je suis tombée par hasard sur ce site et ces hommages qui me touchent et réveillent en moi des souvenirs de mon enfance . Vous parlez de votre tante Aïcha une grande dame certes et ce qui m’émeut le plus c que son fils Malik impressionné par votre message vous a répondu cependant il y’a à peine une semaine que Malik nous a quitté à son tour afin de rejoindre sa maman ! Moralité : la vie est éphémère et ce sont les bonnes actions qui demeurent vivantes et si nous gardons ces personnes qui nous ont marqués au fond de nos cœurs c’est grâce à leur générosité donc faites que du bien autour de vous !!
  • Rachid
    • 2. Rachid Le 17/08/2016
    Salam Malik, combien étaient belles ces années-là, et combien était généreuse Khalti Aïcha Ellah Yerhamha. Et c'est vrai qu'elle nous manque à tous. Et c'est vrai qu'elle m'a fait aimer Miliana... Le bonjour à toute la famille.
  • Benmbarek Malik
    • 3. Benmbarek Malik Le 15/08/2016
    Merci cousin et frere pour ce que tu as ecrit sur ma mére (Allah YARHAHAMHA) cette mère si généreuse nous manque , 11ans apres sa mort le vide qu'elle a laissé n'a pu etre comblé et ne pourra jamais l'etre
  • Radhia Barca
    • 4. Radhia Barca Le 06/04/2016
    Wow
    Merci pour ce moment de recueillement et de profondes pensées . Je suis toujours contente de revenir à Miliana. Je suis fière d'être une fille de cette généreuse ville. Je suis fière d'être la nièce d'une moudjahida morte à la fleur de l'âge . Je rends un grand hommage à tous les martyrs de la révolution. Je rends hommage à la famille Barca et à Allah yerhamha Barca Hafidha. Inshallah nous serons à la hauteur de leur tatoua.
  • Chantal
    Rachid, pour le cas où d’autres « souvenirs-émotions » de ce genre vous reviendraient en mémoire, surtout, n’hésitez pas à nous les faire partager ! Nous vivons dans un 21ème siècle où la violence sévit dans plusieurs pays et où la guerre fait beaucoup plus parler que la paix. Alors, quand on a la possibilité de lire des textes qui nous font rêver, il n’y a aucune raison de bouder son plaisir !
  • Ezziane Rachid
    • 6. Ezziane Rachid Le 23/06/2014
    Bonjour Meskelil et Chantal, tout le plaisir a été pour moi de participer, par ma modeste contribution-souvenir, à ce site que j'ai trouvé sympathique et instructif. C'est en "feuilletant" longuement vos divers écrits, poèmes et autres souvenirs que j'ai eu "l'eau à la bouche"... Alors, j'ai plongé mon seau parmi les vôtres, et j'en ai puisé ce souvenir-émotion. Merci, pour vos "merci"...
  • Meskellil
    • 7. Meskellil Le 23/06/2014
    Bonjour M. Rachid,
    Bonjour à tous,
    Allah yarham Tante Aïcha, qui vous a si généreusement aimé. L' amour et la tendresse de votre tante nous enveloppent pour nous replonger dans de doux souvenirs. Merci pour tant de générosité. “Je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui. À la limite être c’est aimer.” E. Mounier
  • Chantal
    Bonsoir Rachid,

    J’ai lu avec beaucoup de plaisir le bel hommage que vous rendez à votre tante mais aussi à Miliana, aux Milianaises et Milianais.

    On sent votre sincérité, votre émotion et votre authenticité dans ce texte que j’ai trouvé vraiment très touchant.

    Au fur et à mesure de la lecture j’étais, moi aussi, dans cette rue St. Paul dans laquelle j’ai habité pendant huit ans. Lorsque je suis retournée à Miliana en 2013, j’ai été d'ailleurs surprise de m’apercevoir que la plupart des Milianais, à de rares exceptions près, appelaient toujours cette rue, la rue « St. Paul » alors que, depuis l’indépendance, elle s’appelle « rue de l’Emir Abdelkader » (si je ne me trompe pas !).

    J’ai refait, mentalement, ce petit tour dans Miliana : la place de l’horloge … le cinéma … le jardin public sans oublier .. la mémoire olfactive qui a tant d’importance quand on a eu la chance de naître et de grandir dans ce pays jusqu’à l’adolescence.

    Merci infiniment pour ce petit retour en arrière de quelques … 52 ans en ce qui me concerne !

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