Articles de Meskellil

  • Sens, Contresens et Non Sens

    Il est des mots qui ouvrent à la vie, qui donnent la vie, il est des mots qui étouffent la vie, qui tuent la vie. Il est dit que « Là où la vie est authentique, la tension existe toujours ». Les mots ne sont bien entendu pas neutres, mais situés socialement. Et dans un texte écrit donné, le sens n’est pas donné une bonne fois pour toutes, il n’est pas univoque. Un texte est construit ou plutôt reconstruit par l’interprétation, les interprétations qui peuvent en être faites en fonction de la manière dont cela résonne en chacun, selon les représentations qu’il a de lui-même, de son environnement social, culturel…,de son histoire de vie, de ses expériences, de ses connaissances…, du monde dans lequel il vit et de la manière dont il le perçoit. Les interprétations sont inévitables, et chacun interprète selon ce qu’il est. C’est là que réside tout l’intérêt, toute la richesse d’une communication. Dans un écrit, le sens n’est pas incorporé dans le mot. Chaque expression dépend de l’usage qui en est fait et de son interprétation. Comment pourrait-on sinon expliquer autrement les changements dans le sens d’un mot, ou les controverses entre les personnes qui lisent ces mots, les interprètes ?

    La pensée trouve à s’exprimer par le langage qui n’est pas seulement outil de communication, mais aussi outil de réflexion. Dans l’expression de cette pensée intervient aussi un langage inscrit profondément en chacun, et qui est celui des représentations mentales, des constructions mentales, des images mentales. Lorsqu’on lit un roman, on se représente les personnages, leurs actions, les décors. De la même manière, les images matérielles que sont les dessins, peintures, photographies sont des traductions externes de l’imagerie interne. Des constructions subjectives propres à chaque personne.

    À cet égard, le but de la communication n’est-il pas de réussir à mieux se comprendre ? Lorsque nous communiquons, nous sommes persuadés que ce que nous disons est compris tel que nous l’avons exprimé par les autres, de même que les autres sont persuadés que ce qu’ils ont compris est exactement ce que nous leur avons dit ! Pourtant, la réalité est bien différente pour chacun !

    Peut-on éviter les interprétations d’un mot, d’un texte, d’une expression ? Oui, bien sûr ! Lorsque l’on recherche le consensus pour éviter tout achoppement, le langage devient un outil de communication neutre et indifférent aux rapports sociaux. Nous communiquons sans vraiment le faire puisque nous sommes tous d’accord ! Il ne subsiste plus aucune brèche, plus aucun espace d’interprétation ! Cela devient un langage neutre et informatif. Dans la communication consensuelle, Il n’y a plus lieu d’avoir la moindre réflexion, d’exercer la moindre critique puisque tout le monde est dans le consensus, et veille à le maintenir. Il ne subsiste plus aucune place pour une quelconque créativité !

    La relation à l’autre dans tout cela ! Quelle est-elle ? Je reviens à nouveau à Carl Rogers et à ce qu’il dit concernant les trois attitudes fondamentales qui conditionnent l’entrée en relation avec l’autre :

    Une compréhension empathique et exacte du cadre de références interne de l’autre avec les composantes émotionnelles et les significations qui s’y rattachent ;

    Une considération positive inconditionnelle consistant à accorder une valeur positive à toutes manifestations de la personnalité de l’autre et ce, à travers une écoute attentive, dépourvue de jugement ou d’évaluation ;

    Enfin, une congruence, reflet du degré d’authenticité dans la concordance entre ses propos et ses actes, l’accord entre ce que l’on ressent et son comportement manifeste.

    L’empathie confirme à l’autre qu’il existe en tant que personne autonome, dotée d’une valeur propre et d’une identité.

    Pour conclure ce chapitre, je dirais que les mots sont polysémiques, qu’un texte autorise une multitude de sens en fonction des représentations, des constructions, des images mentales de chacun façonnées par son contexte social, culturel, son histoire de vie, ses expériences, ses connaissances….Les mots allument la lumière dans les palais de nos cerveaux comme le dit cet auteur. Les mots peuvent nous blesser ou aussi nous aider. Les mots ne transmettent pas que des informations, mais aussi des émotions. Il est question non de « vidange émotionnelle », mais de « partage social des émotions » dont les bénéfices ne sont plus à démontrer. Nous sommes tous divers, différents, pluriels. Cette diversité, cette différence, cette pluralité devraient constituer notre force et notre richesse,
    et s’il y a un maître mot, une valeur maîtresse à ne jamais occulter, cela devrait être le RESPECT de l’autre à défaut de compréhension, de bienveillance, de tolérance.

    Sous forme de boutade ou de caricature si on préfère, cette vidéo et son titre "Le Plaisir des Sens" (politiquement très incorrect). Surtout ne pas se laisser « piéger » par ce qui peut paraître tomber sous le sens (expression qui s’écrivait d’abord "tomber sous les sens" pour signifier "être directement perçu par les sens").

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  • Si chère à nos coeurs, si proche...

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    Bonjour à tous,

    Un billet en deux volets autour de la Palestine: le premier concerne l'appel lancé par des comités et associations européennes pour la Palestine pour dénoncer la situation désastreuse que vivent les Gazaouis en ces temps de pandémie, mais pas seulement, un appel urgent pour que cesse le blocus criminel, inhumain qu'Israël leur fait subir dans l'indifférence presque générale.

    Un second volet autour du cinéma palestinien où tout un chacun pourra regarder des films palestiniens si le coeur lui en dit. J'espère que les liens resteront actifs. Et comme je ne peux y résister, c'est Mahmoud Derwich bien sûr qui clôturera ce billet par une de ses sublimes poésies.

    Bonne écoute à tous et soyez en paix

    Appel urgent pour une aide d’urgence à Gaza – levée immédiate du siège !

    Par Coordination Européenne des comités et associations pour la Palestine, 6 avril 2020
    À l’attention de :

    Mr Josep Borrell, Haut Commissaire Européen aux Affaires Étrangères
    Ministres des Affaires Étrangères des pays européens,

    Paris, le 6 avril 2020,

    Cher Mr Borrell,

    Chers Ministres des Affaires Étrangères des pays membres de l’UE
    Face à la pandémie de coronavirus, les gouvernements du monde entier prennent des mesures d’urgence de façon à protéger la santé de leurs citoyens et de stabiliser leurs économies.
    Pour près de 2 millions de personnes de la bande de Gaza occupée et assiégée, avec les 129 cas de COVID-19 confirmés au 1er avril et deux mille personnes en quarantaine pour soupçon de contamination, la situation est au bord de la catastrophe. Les instruments, les lits de soins intensifs et les moyens de prévention pour faire face à l’éventualité d’une propagation de la contagion, sont manquants ou tout à fait inadéquats. Dans cette situation, aucune réponse efficace face à la crise actuelle n’est possible à Gaza.

    Plus d’une décennie de blocus illégal et de fréquentes attaques brutales de l’armée israélienne font que 2 millions de gens vivent dans une situation de surpeuplement désespérant, dans un environnement marqué par l’exiguïté et des conditions de logement désastreuses, avec notamment un manque de 60% d’équipements médicaux, une fourniture d’énergie électrique gravement limitée, une malnutrition massive et l’eau courante dans seulement 10% des logements.

    La prévision de l’ONU selon laquelle Gaza serait inhabitable en 2020 est pleinement devenue réelle, comme l’a plusieurs fois rappelé le rapporteur spécial de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés, Michaël Lynk. Le panel d’experts de l’ONU sur la crise sanitaire a demandé qu’il n’y ait pas d’exception concernant le COVID-19, puisque “tout un chacun a droit à ce qu’on intervienne pour sa survie”.

    En dépit de la préoccupation exprimée par le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres face au manque de ressources dans les camps de réfugiés, dans les villages déplacés et malgré l’appel à ne pas faire de la crise sanitaire une guerre, Israël ne fournit pas le soutien nécessaire et adapté aux structures de soins de Gaza auquel il est tenu en tant que puissance occupante, en contrevenant et en faisant constamment exception à ses obligations.

    La communauté internationale ignore la situation critique des Palestiniens de Gaza depuis trop longtemps. Jusqu’à maintenant l’Europe s’est montrée incapable de se tenir à ses principes et déclarations et de mettre fin à sa complicité avec le système israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement.

    Les Palestiniens doivent pouvoir accéder à des traitements médicaux et nous avons la responsabilité de les soutenir en mettant fin aux restrictions imposées par Israël. En vertu de la Quatrième Convention de Genève, Israël, en tant que puissance occupante, a le devoir d’assurer la sécurité et le bien-être des populations civiles dans les zones sous son contrôle. Le blocus maintenu par Israël sur la bande de Gaza est une mesure qui prive sa population de nourriture, de carburant et d’autres biens de premières nécessité ; il constitue une forme de punition collective, en violation de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève.

    C’est dans cet esprit que nous en appelons à l’UE et aux gouvernements européens pour:

    • Mettre en œuvre immédiatement toutes mesures économiques et politiques y compris des sanctions et des mesures de rétorsion sous l’égide du droit international, pour faire pression sur Israël pour qu’il mette fin au siège de Gaza.

    • En contact direct avec les Ministres de la santé de Gaza et de Cisjordanie, assurer la livraison directe aux autorités publiques locales de cargaisons adéquates de fournitures médicales et sanitaires nécessaires à la détection du coronavirus et pour la prise en charge des personnes affectées ainsi que des éléments nécessaires à la prévention de la diffusion du virus dans la communauté et dans les hôpitaux locaux.

    • Permettre à ceux qui ne peuvent être traités à Gaza d’accéder effectivement à d’autres hôpitaux.

    Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine
    Source : ECCP Palestine
    Si loin, si proche

     

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  • Bustan Abraham/Till The End of Time

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    Bonjour à tous,

    Le capitalisme et le néolibéralisme outranciers à l’épreuve du Covid 19 et du constat une fois de plus sans appel de leurs limites !

    En ces temps de confinement et de course contre la montre, une courte halte dans un chemin musical d’une grande beauté : un espace apaisant, ressourçant, serein, égrenant avec beaucoup de raffinement et de talent un temps qui prend le temps de s’écouler lentement, doucement, harmonieusement, et une poésie de la même veine, aussi profonde, aussi belle ; le tout agissant, je le souhaite, comme un baume au cœur, une source de bien-être, de détente, de lien avec notre humanité, l’humanité. Restez en paix.

    Saisir

    Recueillir le grain des heures
    Etreindre l’étincelle
    Ravir un paysage
    Absorber l’hiver avec le rire
    Dissoudre les nœuds du chagrin
    S’imprégner d’un visage
    Moissonner à voix basse
    Flamber pour un mot tendre
    Embrasser la ville et ses reflux
    Ecouter l’océan en toutes choses
    Entendre les sierras du silence
    Transcrire la mémoire des miséricordieux
    Relire un poème qui avive
    Saisir chaque maillon d’amitié


    André Chedid

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  • Une année qui s'en va...

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    Emportée sur les ailes des temps immuables, voilà une année qui s’en va emboitant le pas des faits et des événements cumulés tout au long des chroniques du jour et de la nuit.

    Imprégnée de la marque et du sceau d’un instant solennel voilà une autre année qui s’en va, qui se faufile et se perd insouciante dans les méandres; loin devant nous.

    Cependant, ni les longues promenades parmi les Boileaux et les cris des oiseaux, ni les instants passés à regarder le somptueux déclin vers le zénith ou cette aurore et son légendaire chant du coq n’ont pu freiner le formidable élan aux couleurs panachées avec les meilleurs vœux d’une existence qui se recherche depuis des lunes.

    Big-ben encore une fois avait retenti et depuis les pagodilles de la vieille et lointaine Chine, des millions d’étoiles se sont alliées pour exprimer un seul vœu et une pensée unique, tissant ensemble une irréelle farandole de bonheur et de gaieté.

    Une année, une nuit et une ultime seconde ont suffi pour faire trembler le jet immense d’une lumière qui, frisant le surnaturel, avait ramené la main dans la main, l’illusion et l’espoir.

    La plume du navigateur à l’image d’un albatros aux ailes blessées usant d’une encre trempée dans le jeu des approches et des incertitudes retracera d’ici peu une page fulgurante dans les annales d’un monde qui s’entredéchire pour le pire et pour le meilleur.

    L’illustre poète, emporté dans une tempête fouettant à la fois l’âme et le corps avait imploré le temps de suspendre son vol.

    La terre tant chantée et tant clamée dans la fureur des rimes et des vers arrachés des bougies larmoyantes, ressemblait dès lors à un paradis artificiel.

    Parmi les cris et les holà, l’existence entière s’était vouée à l’implacable raison du temps.

    Dans le corridor de tous ces âges qui se suivent et se bousculent, la roue de l’histoire, dans une marche victorieuse n’a jamais cessé de hurler, jetant le désarroi et l’inquiétude dans un monde pourtant solide et dominant.

    Il l’est pour ces âmes baignant dans l’angoisse et livrées à des lendemains incertains.

    Il l’est pour ces créatures écœurées qui partent en silence. Il l’est aussi pour ces femmes que l’on étouffe à coups de doctrines alléchantes, tonitruantes, aux voies impénétrables.

    Il l’est également pour toutes ces carcasses qui voyagent dans l’indifférence et dans l’anonymat.

    Une nuit qui s’en va emportant avec elle un profond émoi en regardant ces enfants qui triment pour la gloire et l’honneur des aînés.

    Dans une épreuve inégale, la sueur et la morsure humaine se partagent le gain amplement mérité, largement motivé et fort bien justifié.

    Pourtant notre monde est épatant, et si les yeux du monde entier ébahis par l’éclat éblouissant des millions d’étoiles ont pu voir en direct le super élan des temps modernes, beaucoup d’autres larmes furent arrachées par les feux du métal et la senteur des poudres.

    Aux États-Unis, terre de science et des libertés, la nation se confronte avec ses propres idéaux.

    Dans les classes, les élèves sont ciblés à mort. Dans les taudis et dans les gratte-ciel on est persuadé que le tableau et la craie ne peuvent à eux seuls fermer une prison.

    Loin de consoler, le building monétaire s’enlise davantage dans des comptes et des calculs amadoués à coups de statistiques et de surenchères.

    Pourtant notre monde est une grande œuvre architecturale.
    Véritable don du ciel, on y trouve énormément de belles choses.
    Il y a également du bonheur, il y a des vœux et des souhaits.

    Dans l’attente d’une nouvelle aurore.

    Dans l’attente d’un jour meilleur.

    Notre monde vivra son temps. Tout son temps.

    Alors autant lire du même livre en nous touchant du front.
    Ainsi disait le père de la légende des siècles.

    Et c’est peut-être là, le plus beau souhait pour une année qui s’en va et une nuit qui nous ouvrira ses bras et son cœur pour exécuter la valse de tous ces temps qui s’enfuient loin devant nous.

    Abderrahmane Belfedhal, janvier 2013

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  • Istanbul

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    Sezen Aksou dans Istanbul l'ancien, celui de nos rêves qui rejoignent Istanbul actuel qui garde son cachet, toute son âme, toute sa magie malgré les changements et donc en écho avec vous Mohamed Midjou pour votre bel article.Merci !

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  • Cremilda Medina / Raio de Sol

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    La musique a toujours bercé les rêves de Cremilda Medina la chanteuse cap verdienne qui a été plusieurs fois récompensée pour ses performances. Elle n’a cependant commencé à vraiment percer qu’en 2016 avec son premier single que je vous propose d’écouter. Dans cette chanson, Cremilda rend hommage à sa grand-mère (dont certaines prises de vue ressemblent à s’y méprendre à Cesaria evora) avec beaucoup de grâce, de charme et une très belle voix profonde, modulée, douce aux tendres intonations. C’est une voix jeune mais au potentiel très prometteur. Imaginer Cremilda suivre les pas de la grande diva cap verdienne Cesaria Evora n’a rien d’improbable, même si la concurrence est rude. Du style, du talent et de la fraîcheur Cremilda en a, et elle pourrait bien y arriver un jour pas trop lointain, elle chante déjà pieds nus comme la diva, alors souhaitons lui bonne chance !!

    Bonne écoute !

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  • Le patio / Sahra mahdoufa

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    Bonjour à toutes et à tous avec une pensée spéciale à l’ami et grand frère Ferhaoui,

    Aujourd’hui, j’ai décidé de vous emmener voir le patio d’une maison mauresque quelque part à Miliana. Nous y déjeunerons chez Lala Zoulikha et je ne vous dis que ça ! Nous irons ensuite aux « Variétés » à Miliana toujours, voir une comédie musicale tendre, drôle, spontanée, simple avec à l'affiche une brochette prestigieuse d'artistes bourrés de talent, de naturel, d'aisance et d'humour aussi. Si ça vous tente, alors allons-y! Ne faisons pas attendre cette adorable Lala Zoulikha!

    Dans le patio…

    Peu après le départ des hommes au travail, les femmes de la maison mauresque reprennent possession de leur territoire, wast eddar. Les murs blancs ornés de frises en zellige et de plinthes aux jolis motifs fleuris bleus, verts et jaunes sont baignés de la lumière matinale. Les portes s’ouvrent, les rideaux se lèvent, le linge de maison se secoue, les va-et-vient à la fontaine deviennent incessants, les seaux, bassines, et divers récipients se remplissent, se vident, se remplissent à nouveau… On lave à grande eau, on récure, on brique, on traque la moindre poussière, on prépare la pâte à pain, le repas…. C’est l’effervescence matinale habituelle faite des sons des ustensiles qui s’entrechoquent, des voix qui se saluent, demandent des nouvelles du mari, de la famille, des enfants qu’on envoie aussitôt faire des courses au marché arabe. Les femmes s’interpellent, rient, pleurent, chantent, échangent les derniers potins, se critiquent à voix basse, s’invectivent parfois, demandent à l’une ou l’autre un peu d’huile, de café, de sel… en attendant des jours meilleurs, les temps sont durs…
    les marmites en terre cuite mijotent doucement sur des braseros ardents. Elles exhaleront bientôt leurs arômes irrésistibles qui viendront sournoisement titiller les odorats, faire saliver les papilles : fritures diverses de sardines, de poissons, de foie, chorba mqatfa délicieusement agrémentée de qosbor fraîchement cueilli, couscous parfumé à la cannelle, poivrons et tomates grillés, patates au flyou, berkoukess bel bergheniss, de toutes petites pâtes rondes préparées avec cette plante odorante cueillies dans les Monts du Zaccar ! Oh ! C’en est trop pour les plus gourmandes qui finissent par craquer ! « Je peux en goûter, juste goûter ? » ! Lla Zoulikha, la voisine qui habite un appartement de deux pièces à l’étage, est celle qui cuisine le mieux. Sucré comme salé. De la sfirya à la rechta, en passant par les délicieux salamoun spécialité de confiture de coings typiquement milianaise, ou des baqlawa fines et croustillantes. Wehd el benna ! Tout n’est que délicatesse et raffinement. Hlima, la jeune mariée, a bien de la chance, elle goûtera à tous les plats pour peu qu’elle en ait envie. Elle est enceinte et une femme qui attend un bébé ne doit jamais connaître de frustration, l’enfant en porterait les stigmates. Au milieu de cette effervescence, on entend soudain un toussotement dans la sqifa. Qui cela peut-il bien être ? C’est assez inhabituel à cette heure matinale, les hommes sont tous partis au travail. Le silence se fait, on tend l’oreille… un bruit de pas qui s’arrête, puis une voix masculine grave se fait entendre « Triiiig ». Yamna, Aïcha, Zohra, Khedidja, Houria, Tamani, Zoulikha se précipitent chez elles, ferment portes et fenêtres. Le patio est à nouveau silencieux, désert… Le voisin peut l’emprunter pour rentrer chez lui. C’est Amar, le mari de Khedidja qui est revenu pour repartir aussitôt sans oublier de toussoter à nouveau.

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  • Kajeem / Bafaman

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    Kajeem est un artiste ivoirien militant (pour changer !!) s’exprimant en français, en anglais, en espagnol et en baoulé, sa langue maternelle pour dire ses textes à la portée universelle. Promis à une carrière diplomatique, il s'engage plutôt sur la musique pendant ses études, et une fois sa Maitrise de Lettres en poche, il s'y consacrera complètement. Ses textes portent le déchirement de son pays, mais aussi les maux de notre société.

    Outre son implication forte dans le tissu associatif abidjanais dans divers projets d'éducation et de développement, il anime aussi des ateliers d’écriture musicale axés sur le Rap en direction des jeunes en difficulté. En 2007, il apparaitra sur la compilation « Décolonisons ! », soutiendra le projet de l’association "Survie" qui se positionne contre la Françafrique (on remarquera le « F » majuscule pour un pays et le « a » minuscule pour tout un continent !), et donnera à cette occasion un concert mémorable à Paris. Kajeem est de toutes les luttes, de tous les combats, les titres de ses albums en sont l'illustration. « Qui a intérêt ? » sera présenté comme l’album le plus abouti par les spécialistes, et sacré "meilleur album reggae 2008" en Côte d’Ivoire.

    La très belle vidéo Bafaman que je vous propose d’écouter et de regarder est extraite de son album "Gardien du feu" sorti en novembre 2016, et a été tournée sur le site de l'ex village rasta de Vridi en Côte d’Ivoire. Kajeem nous offre un reggae digne de Marley! Il met tout de suite du soleil au cœur en dépit de la misère...

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  • Yal El Moutchou...!

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    Un texte succulent qui nous plonge sans égards dans bit skhoune et toute l’effervescence qui y règne. C’est plutôt le hammam côté hommes, que l’on ne connait pas très bien nous autres femmes, et donc grand merci à son auteur Abderrahmane Belfedhal d’avoir ouvert la lourde porte en bois, qu’une grosse boule en fer referme vite pour garder la chaleur de bit skhoune et éviter les courants d’air! Un système simple et très ingénieux du reste !

    Un texte vivant, énergique, qui restitue superbement et avec beaucoup d'humour, de tendresse, et de nostalgie aussi cette atmosphère feutrée, estompée de bit skhoune dont nous avons tous de fidèles répliques. Yal moutchou, djibenna gouizza barda, yerham echikh !

    Bonne lecture!


    A tous ceux qui, un jour, avaient franchi le seuil de Bit Skhoune, usant de Karkabou et de Dkhoul

    A tous les moutchous et les kayesses pour avoir au fil des temps soutenu, tambour battant, la saga des bains mauresques.

    Je dédie ce passage.

    Trézel, Sougeur c’est revivre avec le baroud d’honneur la longue traversée des bains mauresques dans leur architecture typique et les lampes étanches qui dévoilaient à peine les fronts et les visages ruisselants, noyés dans un brouhaha confus et indéfini.
    Les voix se succèdent, se confondent et s’entremêlent dans une atmosphère rappelant somme toute l’ambiance des galères des matelots en furia. Il vous arrive, en pareille situation, d’intercepter un SOS se profilant sur le sol brûlant, maquillé d’une vapeur compacte à couper le souffle. Prenez mes chers amis votre patience en gaieté de cœur et traduisez ces sms tirant leur trait d’union de la tragédie cornélienne :

    -"yal moutchou , yerham waldik chwiya ma bared"

    -“yal moutchou , belaa el bab , jib dop , jib dkhoul

    - yal moutchou ayat lel kayess”

    Une voix au timbre presque suppliant:

    -" yal moutchou , sadaka ala el walidin , jib elkarkabou, karaya tabou "

    Une autre voix à peine audible, une autre encore de quelqu’un bien que frappant le sol à l’aide d’un Kotti, donnait l’allure d’un égaré dans une île déserte. En pareille situation, la force n’est désormais qu’une toute petite flamme.

    La porte donnant accès sur Bit Skhoune, à chaque ouverture laissait pivoter une boule de fer massif fixée à une poulie qui, mise en mouvement, remettait la porte dans sa position initiale et empêchait de la sorte l’infiltration de courant froid. Enfant, je ne cessais pas de porter mon regard sur cette boule étrange qui renvoyait mon imagination de façon franche et directe sur les époques Grecques et Romaines, là ou les cachots assommés par les ténèbres et les bruits de chaînes ne manquaient pas de loques humaines.

    El moutchou , les bras chargés de longues serviettes , d’un geste mécanique et décidé, s’empoigne de son client, rouge-vif, l’engouffre dans le Dkhoul et dans une galanterie parfois peu singulière, le prie illico-presto de regagner le lit royal.

    Le lit royal est une sorte de plan dur réalisé à partir de planches de bois assez serrées, couvert d’un tissu permettait au sortant de Bit Skhoune de sécher et de goûter le plein repos dans une attitude de grande relaxe , de détente et de sérénité. La grande salle, disposant de plusieurs lits alignés tout autour du périmètre intérieur du bain, tenait lieu de cafeteria. Café au chih et thé Bounejma, engorgés d’arome, s’ajoutaient gaiement au repos du Corps et de l’esprit.

    Les bouteilles de limonade plongées dans un grand couffin, baignant en douce au milieu des pans de glaces, se rafraichissaient au mieux dans l’attente d’être servies. Judor, à la pulpe d’or, était incontestablement la plus convoitée.

    A cette époque, Trezel comptait dans son patrimoine foncier deux bains maures. Le plus vieux, vivant a ce jour, est exploité par les Ouled Belkheir. Le deuxième ayant passé l’arme a gauche était exploité par les Ouled Khelif. De nos jours et bien que les coups de la concurrence soient tenaces, le vieux bain continue à braver les temps en s’accrochant énergiquement à la Baraka des anciens. Les deux bains, en cette frange de temps que nous citons, servaient aussi à dégraisser les Lhoufs et les Jridis que ramenaient les Trézeliennes à l’occasion de leur mise en beauté.

    L’après -midi, rayonnantes, elles rentraient chez elles, avec le linge propre, sec et admirablement repassé à la main, sans alliance aucune avec quelque appareil que ce soit. Ce fut un temps. Un temps merveilleux.

    Si Laid, Si Ahmed, Si Taher, Si Driss (un clin d’œil à mon ancien collègue de travail) et toutes les plumes Ain-dzaritoises, allons de ce pas saluer l’honorable MOUTCHOU pour les tâches accomplies tant il était exposé aux chocs thermiques.

    De Bit Skhoune au lit royal, c’est là, l’une des plus belles romances baignant entre le chaud et la fraicheur . Bared w skhoune ya hawa, c’est plus que le titre d’une chanson aux sentiments controversés, c’est un label. C’est une philosophie. C’est un acte et une référence.

    El Kayasse bonjour

    C’est en fait le personnage le plus influant dans l’équipe du bain. Il l’est beaucoup plus par le gant qu’il utilise dans son œuvre de lavage. Le gant est rude, le gant est sec, le gant est foudroyant. A juste cause et à juste titre on l’appelait "El Harcha". EL kayasse, calme et serein, dans une attitude de grand fakir, abordait son travail sans trop de peine. Les gestes et les mouvements dans un rythme cadencé relevaient d’une véritable symphonie mesurée aux trois temps:

    -Vlan la tête
    -Vlan le corps
    -Hop hop et voilà les pieds au flan.

    Éreinté, rescapé à moitié, le baigneur baignant baigné est aussitôt recommandé à la grâce du moutchou qui, pour les commodités du séchoir le remet à son tour aux bons soins du masseur Ce dernier en véritable maitre du Yoga marquera la fin du parcours.

    Par ces motifs et pour ces raisons justifiables et justifiées, il m’arrivait de dévier le sens des aiguilles. Sitôt prémédité, sitôt exécuté, j’entamais alors une plaidoirie fracassante en l’honneur du bain. J’insistais particulièrement sur ces moments entachés de grande extase une fois entouré par les gai-lurons El moutchou, El kayasse et El masseur, sans toutefois oublier cette sensation inouïe propulsée par la kyassa. Ces avantages en réalité ne sont plus à démontrer tant cette plaidoirie était de forme, relevant totalement de la fiction. Le fond des choses, le réel des choses, le naturel des choses étant finalement une autre chose. Il s’agissait de récupérer coûte que coûte les quelques centimes réservés en principe à la caisse du bain et s’envoler sans tarder vers l’obscurité la plus attrayante dans la salle la plus romanesque: Silimet Lahcen, haut lieu d’évasion et d’exploration des temps nantis. Cependant, cela ne réussissait pas à tous les coups.

    Par une belle nuit étoilée, de retour à la maison, simulant une fatigue bien appliquée en apparence, je me retrouvais nez a nez avec mon frère AEK, les mains bien fixées sur les hanches, exhibant des yeux en parfaite ébullition, relevant un front porteur des trois plis de la colère et me dit en substance :

    -YA SIDI BSAHTEK TAHMIMA !

    Lire sans détour: diable mais où est donc ce maudit bain ?

    Jouant l’étonné, face a un subterfuge démasqué à l’avance je répondis :

    -Mais bien sur que j ai été au bain.

    Au fond de moi-même, je me rendis à l’évidence qu’acquérir une place de soleil au cinéma, ou pulvériser sa crasse, il ya quand même une nette distance ! L’absence de propreté apparente et l’inexistence de la moindre odeur susceptible de rappeler un passage via bit skhoune furent un alibi solide, pour que je sois franc candidat a une correction en règle. Enfant, je n’ai jamais regretté ces audaces de jeunesse car jugeant en dernier ressort que l’enjeu en valait les prunes et la chandelle.

    Il y a de cela une bien bonne trotte de vie… et viva le ciné-Nador.

    Abderrahmane Belfedhal

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  • Khadja Nin / Wale Watu

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    A l’aune de la fusion Monsanto et Bayer ou la création de la plus grande entreprise intégrée au monde dans le domaine des pesticides et des semences. Les noces les plus funestes du siècle ou l’échec patent du système agro-alimentaire actuel « qui avait abandonné une agriculture durable, rurale, axée sur la production d’aliments sains, locaux, diversifiés et saisonniers. » et qui est la cause principale de la violation du droit des hommes à l’alimentation.

    L’annonce de cette fusion sonne comme l’aval à une surexploitation encore plus féroce des ressources naturelles pour le bénéfice de quelques-uns. Monsanto est en effet une multinationale qui « défend un modèle insoutenable d’abus, de redevances, de dépendance aux produits agrochimiques, socialement pervers, et nuisibles à la santé et à l’environnement » rappellent les opposants à cette fusion. « Du berceau au tombeau, ceux qui nous empoisonnent nous vendront aussi leurs médicaments pour nous guérir » comme le souligne avec ironie José Bové du mouvement Écologie. et combien il a raison !!

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