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Miliana, la cerise sur le Zaccar…/ Par Maâmar FARAH

Mâamar FARAHQuand vient l’été, mes pensées s’évadent et bourlinguent, malgré moi, à travers l’océan infini du temps, portées par les vagues de la mémoire et le vent des souvenirs. Toutes voiles dehors, elles s’en vont, par mers démontées, à la recherche de la terre ferme, vers ces lieux qui ont marqué ma carrière de reporter. Mais quand elles se posent enfin sur les hauteurs du Zaccar, dans la quiétude de ces étendues ombragées et câlinées par un doux zéphyr, tout près d’Aïn N’sour, elles ravivent la flamme d’un autre amour, perdu dans les sentiers abrupts qui traversent le royaume du cerisier.

Ah, il faut les voir ces cerisiers au Printemps, habillés de fleurs aux couleurs tendres sous le ciel outrageusement bleu du Zaccar ! Au détour d’une piste rasant un charmant ruisseau où coule l’eau la plus limpide du monde, on tombe net devant un spectacle enivrant : une demeure entièrement cachée sous la végétation en folie qui coule comme une cascade herbeuse mouchetée de fleurs mauves ou roses, un moulin abandonné qui résiste vaillamment au temps, une clairière enfouie au plus profond de la forêt où l’herbe grasse et abondante accueille quelques vaches dodues… Qui ne connaît pas ces pentes verdoyantes donnant sur le vertigineux spectacle de la vallée s’étalant à l’infini, qui n’est pas monté plus haut que Miliana, pour aller, jusqu’au sommet du Zaccar, entendre le vent de la mer souffler sur l’autre versant, juste en face de Cherchell, ne peut pas savoir de quoi je parle. Là, loin de la modernité et de ses rites, on oublie la trépidante et routinière vie des centres urbains et leur stress pour se laisser aller à l’évasion sous les chênes, les pins et les merisiers, dans cette folle végétation faite de bruyères, de genêts, et d'arbousiers C’est un monde à part, emmailloté de lierre, riche de tant d’espèces végétales bien vivantes, bien prospères, nourries par la sève nourricière de la terre généreuse du Zaccar. On est happé par les chèvrefeuilles, les houx, les clématites et les salsepareilles.

Pour ne pas faillir à la tradition, et parce que l’appel du devoir était le plus fort, Miliana livra des colonnes de martyrs à la longue lutte de libération du peuple algérien, lutte qui ne s’arrêtera qu’à l’aube du 5 Juillet 1962, annonçant la fin de la longue nuit coloniale. Nourri aux sources de l’héroïsme ancestral qui a fait lever les fiers et farouches Berbères des monts du Zaccar contre les envahisseurs de toutes sortes, ce combat est raconté par chaque pierre, chaque arbre, chaque ruisseau, chaque prairie et chaque rempart de la fière et altière Miliana. Voici la sentence d’un officier supérieur de l’armée coloniale, De Castellane : «De tous les points que nous avons occupés en Algérie, Miliana est peut-être la ville où nos soldats ont eu à supporter les plus rudes épreuves.»

La rue Saint PaulCe que j’aime dans Miliana, la ville où il fait bon vivre, c’est ce long boulevard bordé de platanes, immortalisé par le cinéaste Bouamari dans son film l’Héritage, qui descend vers la placette dominant Khemis Miliana et la vaste plaine qui l’entoure, avec une vue splendide que l’on ne se lasse pas d’admirer. Là, à l’ombre des arbres centenaires qui protègent du soleil agressif de la montagne, les retraités passent leur temps à papoter et à tuer le temps, en attendant d’aller savourer l’un de ces plats locaux savamment préparés par les belles Milianaises dont on dit qu’elles sont aussi de très bonnes cuisinières. Ensuite, ils feront honneur à un rite que l’on ne saurait en aucun cas transgresser : la sieste, dans la pénombre des vieilles demeures traditionnelles, havres de fraîcheur incomparables derrière les volets clos. Ensuite, ils reprendront leurs promenades jusqu’à la tombée de la nuit, préférant les terrasses des nombreux cafés pour continuer à bavarder et à refaire le monde, à parler peut-être de la panthère qui peuplait les monts du Zaccar à la fin du siècle dernier ou de la zorna, genre musical qui a conquis ses lettres de noblesse ici, grâce à Boualem Titiche et Mohamed Brazi, originaires de Miliana, qui furent les élèves du cheikh Medjeber. Et lorsqu’ils évoquent la lutte de libération, ils ne peuvent s’empêcher d’avoir une pensée émue pour le fondateur des scouts musulmans, Mohamed Bouras, fils de cette ville qui a tant donné au combat séculaire du peuple algérien pour la liberté et la dignité.

Une fois, j’étais monté jusqu’au motel de Aïn N’sour. C’était une journée de neige persistante qui avait rendu la montagne aussi lactescente qu’un immense iceberg ! La voiture avait du mal à avancer à travers cette route à la limite de la praticabilité. Après un parcours éprouvant où les arrêts furent nombreux, l’automobile stoppa net, refusant d’avancer car ses roues étaient dévorées par la neige. Heureusement qu’on n’était plus très loin de l’hôtel, une belle bâtisse de pierres surmontées d’une toiture en tuiles, fouettée par les vents des cimes. 

À l’intérieur, une grande cheminée nous attendait pour nous faire oublier les durs moments du voyage. La nuit, après un repas bien chaud parachevé par une tisane apaisante, nous nous retirâmes dans nos chambres pour méditer les péripéties de cette journée bien remplie. Dehors, la neige tombait sans arrêt et ses flocons venaient nous saluer derrière les vitres, comme pour nous signifier qu’il ne serait pas possible de partir le lendemain. Ni le surlendemain d’ailleurs. Nous étions prisonniers. Mais qu’elle était belle cette prison plantée tout à fait en haut du Zaccar, là où les hommes ont le cœur si chaleureux qu’il donne aux hivers des airs de Printemps…

Commentaires

  • ikhlef_hadja
    • 1. ikhlef_hadja Le 18/12/2012
    bonjour a tous je viens de voir la belle vidéo sur youtube Miliana la cerise bravo noria tu devrais la mettre sur ce site comme présentation avec la belle voix d'azzaizia a bientôt
  • heures_et_cas
    • 2. heures_et_cas Le 05/10/2012
    Dieu ce qu'elle est jolie Miliana ! Trés envie de la visiter...
    Merci pour le magnifique commentaire, et merci pour les belles photos Monsieur ou madame Maâmar Farah
  • CHENGAB KHALED
    • 3. CHENGAB KHALED Le 28/07/2012
    BONJOUR TOUT LE MONDE,ET BONJOUR A TOI LARBI ET A TOUS CEUX DE NOS ANCIENS COPAINS DE PROMO AUJOURD'HUI QUINQUAS QUI EN CE 01 SEPTEMBRE 1968 ONT FRANCHI POUR LA PREMIERE FOIS LE SEUIL DU L M F.TU AS TOUT A FAIT RAISON LARBI SI TU SITUES LE DEBAT SUR LE PLAN MÉMORIEL,SUR LE VÉCU AVEC SA PANOPLIE DE SOUVENIRS,LES ECHANGES NE PEUVENT SE FAIRE QU'EN REMONTANT LE TEMPS A LA RENCONTRE DE CES MERVEILLEUX (OU PAS) MOMENTS QUI ONT JALLONNÉ NOTRE ADOLESCENCE.PAR CONTRE DANS MA DERNIERE CONTRIBUTION,JE PARLAIS D'UN MODE DE CONJUGAISON UN PEU PARTICULIER PUISQU'IL N'IMPLIQUE PAS COMME LE VEULENT LES REGLES BASIQUES DE LA GRAMMAIRE UNE PROJECTION DANS LE TEMPS SELON LA DIRECTION TEMPORELLE QUE DEFINISSENT LES TROIS CATEGORIES PRINCIPALES DE CE DERNIER.MAIS D'UNE CONJUGAISON DES EFFORTS ET DES VOLONTÉS.UNE COMMUNION DES IDÉES ET UN ELAN DE BONNE VOLONTÉ POUR PARVENIR A LIMITER L'ETAT DE DELABREMENT DE LA VILLE,ET LES PRETENDUES INNOVATIONS D'UN ESTHETISME DOUTEUX ET D'AUCUNES UTILITÉS SINON CELLES DE DONNER L'ILLUSION QUE LES CHOSES BOUGENT.CETTE TÂCHE NE PEUT ÊTRE LEGUÉE AUX SEULES GÉNÉRATIONS FUTURES CAR L'EFFORT A FAIRE PAR ELLES SE TROUVERA DÉCUPLÉ EN RAISON DE NOTRE LAISSER ALLER QUI S'APPARENTE A UNE PAISIBLE INSTALLATION DANS LE CONFORT DU CONFORMISME.BESSAHA FTOUREK,ET FTOURKOUM DANS UNE HEURE,NOUS C'EST DANS QUELQUES MINUTES.
  • Benchaib Larbi ( Abdelkader )
    • 4. Benchaib Larbi ( Abdelkader ) Le 28/07/2012
    salam à tout le monde , saha ramdankom ,saha ftourkom ; juste un clin d'oeil amical à khoya Chengab , pour lui dire que , hélas , le passé devient le seul mode de conjugaison pour nos congénères, mais c'est pas la fatalité , nous avons la chance nous de vivre deux temps à la fois , le présent et le passé , le future on le laisse aux générations montantes . En fait, ce qui manque à nous ,c'est la communication ,notre génération est éparpillée dans les quatre coins du monde , personne ne sait où se trouve l'autre et les aléas de la vie obligent ,on devient alors partisan du moindre effort :les rencontres ne se réalisent que par coincidence .Sais -tu à titre d'exemple qu'en septembre 1968 plus de 100 potaches - toi parmi eux - ont rejoint pour la 1ére fois le lycée Ferroukhi ? combien parmi eux tu es plus ou moins toujours en contact ? Quant à Miliana , elle vieillit au fil des siècles ,elle se compose et se décompose mais elle restera toujours une ville historique , un joyau comme tu aimes l'entendre dire .rani sayam , j'ai peut être dis n'importe quoi .
  • fazin16
    Milana !Son nom ,evocateur ,signifie tellement de choses.Pleine d'amour, de piete ,de sagesse,de savoir et la liste est longue.Que devrions nous faire; nous ses enfants adoptifs?Nous y avons fait nos etudes et la ville nous a tant marque(e)sque nous nous sentons presque responsables pour son declin.La ville periclite là sous nos yeux mais que faire? Est il de notre ressort de ne pas la laisser mourir à petit feu? De grace, sauvez la avant qu'il ne soit trop tard.
  • CHENGAB KHALED
    • 6. CHENGAB KHALED Le 27/07/2012
    OUI COMMENT ON EST EN ARRIVÉ A PARLER DE MILIANA QU'AU PASSÉ ALORS QUE L'AMOUR ET L'INTERET QUE L'ON PORTE POUR SA VILLE DOIVENT AUSSI SE CONJUGUER AU PRESENT ET AU FUTUR.EST CE LA LE SIGNE D'UNE DEMISSION D'UN DESAMOUR OU D'UN DIVORCE DONT ON NE CESSE DE RESSASSER LES MOMENTS QUI NOUS ONT LES PLUS MARQUÉS. J'ESPERE QUE NON.MILIANA POUR REPRENDRE LA FORMULE D'UN PIED NOIR EST UN TRÉS BEAU BIJOU POSÉ SUR LA PENTE DU ZACAR.NOUS NE DEVONS PAS PAR NOTRE MORNE SILENCE QUI LAISSE CROIRE A DE LA RESIGNATION ASSISTER LES BRAS BALLANTS ET L'ESPRIT EMPRISONNÉ DANS CE JE M'EN FOUTISME AMBIANT A LA DETERIORATION PROGRESSIVE DE CE JOYAU DONT ON A EU LE PRIVILEGE DE LA JOUISSANCE.LE VILLE MERITE MIEUX QUE CELA DE NOTRE PART POUR RESTER FIDELE A CELLES ET CEUX QUI LONGTEMPS AVANT NOUS ONT OEUVRÉ POUR ASSEOIR SA BEAUTÉ ET VEILLÉ A SA RENOMMÉE.LES SYNERGIES EXISTENT,ELLES NE DEMANDENT QU'A ÊTRE CANALISÉES.AU TISSU ASSOCIATIF MILIANAIS D'ACTIVER EN CE SENS.DEVELOPPER L'ACTIVITÉ CULTURELLE ET SPORTIVE C'EST BIEN,MAIS ON N'AIME PAS MILIANA QUE SUR LES PLANCHES OU BALLON AU PIED,IL FAUT AUSSI LUI MANIFESTER L'INTERET DANS D'AUTRES DOMAINES LAISSÉS HÉLAS A L'ABONDON DEPUIS QUELQUES DECENNIES.BESSAHA FTOURKOUM.
  • benabbad tayeb
    bonjour et merci pour l'exellent article sur miliana mais je trouve que ce sont là des souvenirs que nous revivons tous pour nous entretenir le moral la vérité est toute autre et miliana est en train de mourir en silence sous nos yeux sans qu'on prenne la moindre mesure pour la sauver je lis souvent vos articles trés pertinents sur le soir d'algérie et je pense que vous pouvez faire beaucoup pour créer un courant novateur qui permettra de regrouper tous les amis de cette cité pour étudier sérieusement son sauvetage M farah faites qqchose j'ai lancé un sos dans ce sens via le forum mais aucune réaction est ce que le sujet dérange ??? Voilà pour un début j'attends votre réaction

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