ALGER-MILIANA

AYNA / Souad MASSI

Re

« Cherchons comme cherchent ceux qui doivent trouver et trouvons comme trouvent ceux qui doivent chercher encore. Car il est écrit : celui qui est arrivé au terme ne fait que commencer. » Saint Augustin.

Et c’est ce qu’a fait Souad Massi, artiste algérienne de Bab El Oued qui, telle le sourcier, a décelé la présence de l’eau pour que jaillisse la vie. « El Mutakallimûn » ou « Les Orateurs » son dernier album trouve sa genèse dans Al Andalous, terre d’accueil et de ressourcement, chaleureuse, hospitalière et ouverte, où l’épanouissement culturel et religieux rayonnait de mille éclats, pour cheminer vers la poésie arabe classique très ancienne mais aussi contemporaine, et la calligraphie. « El Moutakallimûn » est composé du répertoire de poètes contestataires ou anticonformistes ayant inscrit en lettres d’or la poésie arabe subtile, raffinée, lumineuse au patrimoine arabe, mais aussi universel. Restituer sans l’altérer la poésie ancienne, datant parfois de mille ans, a amené Souad Massi à faire appel à des spécialistes arabes pour la guider, l’aider à comprendre et chanter ces textes qui sont ardus parfois.

Souad Massi s’éloigne un peu de son répertoire habituel pour l'ouvrir à cette inspiration puisée dans les purs et inestimables joyaux de cette poésie arabe ancienne et contemporaine: Abou El Qacim Chebbi, Elia Abû Madhi, Zouhaïr Ibn Abi Soulma, Ahmed Matar… (Je me souviens d’avoir appris de magnifiques poèmes de certains de ces auteurs quand j’étais au lycée parce qu’ils étaient au programme en littérature arabe). Certaines des chansons de Souad Massi dont celle que je présente sont interprétées avec brio, et ont conservé cette voix originelle, naturelle, douce, mélodieuse, chaleureuse à laquelle elle m'a habituée. Les styles de musique riches et divers sont superbement articulés et savamment arrangés pour un ensemble où chaque style trouve à s’exprimer dans un tout très harmonieux. On y trouve le nostalgique cha3bi, avec de savoureuses envolées de oud (luth) ou de banjo, des arabesques mélodiques, du folk, du pop, des sonorités jazzy, des parfums africains, des brises caribéennes….

L’élaboration de cet album sorti en 2015 a nécessité deux ans de travail. Il constitue une réponse par le verbe beau, puissant à la vague forte de rejet et de stigmatisation que subit la communauté musulmane dans son ensemble en France. « Quand on connaît une culture, on appréhende plus justement les gens qui lui sont liés, nous confie la douce diva algérienne. Avec cet album, j’ai souhaité fournir des clés de compréhension et partager la sérénité que me procure la poésie. Quand je ne vais pas très bien, je lis des poèmes. Les savants et les poètes nous lèguent un héritage auquel nous avons tous droit, même si nous sommes pauvres. Mais il faut pouvoir y accéder… ».

Ayna est une chanson dont le texte a été écrit par le poète irakien Ahmed Matar (né en 1954) que sa critique sociale a contraint à un long exil. Ce texte évoque un ami soudainement disparu parce qu’il avait demandé à un dirigeant : « Votre Excellence votre Excellence / Où est le pain où est le lait / Et la garantie du logement / Où est l’emploi pour tous / Et la gratuité des soins ? »

Bonne écoute

El Mutakallimûn / Ayna
 

Par Meskellil

Commentaires

  • Meskellil
    • 1. Meskellil Le 13/02/2016
    Et cette belle musique enracinée dans l’âme est une magnifique constellation de sourires,

    Des sourires aux sonorités douces, simples, naturelles, chaleureuses.

    J’aime beaucoup. Merci !
  • bradai
    • 2. bradai Le 13/02/2016
    Bonsoir Meskellil
    Comme vous l’aviez vous-même si bien dit :
    "Cherchons comme ceux qui doivent trouver et trouvons comme ceux qui doivent chercher encore cat il est ecrit ;;; "que ceux qui cherchent sont toujours attirés par ce qu’ils veulent trouver.
    Et, J’ai tant souhaité vous dedier une chanson que j’ai tant cherché aussi Mais helas pour moi je n’ai pu trouver que celle-ci https://youtu.be/kB4ZSDUsi_k j’espere qu’elle vous plaira

    Amicalement.
    Mohamed
  • Meskellil
    • 3. Meskellil Le 12/02/2016
    Bonsoir Mohamed,

    Et rien ne vaut le dialogue et l’échange pour dissiper des malentendus potentiels. Je te remercie sincèrement de cette clarification. Les mots, on le sait sont porteurs de sens multiples, et quand on est passé aussi par des temps bien difficiles dus à ces mêmes mots, on est aussi un peu échaudé et on ne sait pas toujours comment se positionner. Et comme tu ne t’es pas non plus adressé directement à moi, les malentendus et tensions passés ont fait le reste. Je dois quand même te dire qu’en première lecture, ton initiative m’a favorablement surprise. Et puis…

    Mohamed, je ne souhaite mener personne à l’échafaud, et n’ai jamais souhaité le faire. Ce n’est certainement pas non plus un couperet qui t’est tombé dessus. Je fais toujours la démarche de comprendre d’abord avant de tirer des conclusions ou des enseignements, et même ainsi je laisse toujours une ouverture au dialogue. Ma croyance dans la vertu du dialogue, je l’ai répété à l’envi et à satiété depuis près de trois ans maintenant que je viens sur ce site. Des malentendus, il y en a sûrement eu, il peut toujours y en avoir, le tout c’est d’avoir la volonté, l’envie, le désir de les dissiper par le dialogue et l’échange pour favoriser une meilleure compréhension, une meilleure connaissance de l'autre. Je te prie très sincèrement d’excuser la manière dont j’ai pu interpréter ta traduction en seconde lecture.

    Je te remercie à nouveau d’avoir fait écho à mes interrogations, et mis en lumière ta démarche, tes motivations. Crois bien que j’apprécie ta franchise et que j’y suis très sensible.

    Sincèrement
  • bradai
    • 4. bradai Le 12/02/2016
    Bonsoir Meskellil

    Je ne sais si tu m'as compris autrement , mais ma pensée n’allait nullement à déformer le message de ce beau poème ni à son temps ni à ses personnages Comme mot que j’ai dû trouver je l’ai cherché pour faire valoir tout ce que nous ressentons de misère en ce pays.
    Il se trouve que mon vocabulaire ait dérivé vers une élucubration .Mais cette fois mon idée m’a emmené vers un choix à faire En devrais-je élucubrer un passé un présent ou me taire sur un futur que j ne peux deviner.
    Mais ce qui m’a encouragé le plus c’est ce que m’a vraiment dit un ami un jour
    Que pour lui dans tout embarras de choix Pas question de penser 'oublie les bonnes manières m’a-t-il dit
    fait ce que bon vent semble quand tu clames L’INJUSTICE., et pense comme moi de jour comme de nuit à nulle chose dans la vie.

    Et là comme dans mes habitudes, par crainte d’être sur l’échafaud je me suis mis sous La guillotine tout en pensant que même Gribouille n’aurait pas fait mieux aussi ‘dans son temps pour ne pas sortir sous la pluie par crainte d’être sous l’eau .
    Alors aux yeux de l’auteur qui n’ont cessé de me regarder j’ai caché ma tète en ne lui laissant que les yeux et la face du visage pour parler librement au monde injuste qui m’entoure sans l’offenser ;
    Mais bon ou mauvais choix Fut-il ,j’ai voulu parler de ce temps où nous vivons à un Monsieur au lieu de dire Monseigneur comme au temps du potentat et du syndic
    Est-ce que j’ai bien fait ?
    Est-ce que j’ai bien choisi ?
    Le couperet vient déjà de tomber que j’aurais bien dû me taire.

    Meskellil tu m’en excuses pour ce mot provende utilisé qui veut dire aussi ( Reserve de nourritures pour les humains ou le betail )
  • Meskellil
    • 5. Meskellil Le 12/02/2016
    Bonjour M. Mohamed,

    Comment pourrais-je autoriser ou interdire que l’on s’exprime librement sans me dédire, alors que le thème de cette page est la prise de parole libre dans le respect de l’intégrité morale et physique de l’autre ?!

    La traduction que vous nous proposez et que je salue très sincèrement, me laisse malgré tout un peu pensive quant au choix d’un certain vocabulaire. Les termes « potentat » pour dirigeant, « provende » (mélange alimentaire pour animaux d’élevage) pour pain, ou « syndic » alors que le peuple s’adresse au dirigeant sans instance intermédiaire, sont assez surprenants. Sans minimiser aucunement l’énergie ni le temps déployés pour traduire ce poème avec autant d’application et de rigueur, il ne me semble pourtant pas refléter fidèlement le propos d’Ahmed Matar poète contemporain qui a un profond respect pour son peuple.

    Il me semble que ce vocabulaire, brouille le message originel pour se focaliser non plus sur Hassan mais sur le dirigeant. Or Ahmed Matar a écrit ce poème pour dénoncer les abus de pouvoir du dirigeant bien évidemment, mais surtout pour faire hommage à cet ami que le dirigeant a fait disparaître parce qu’il a osé prendre la parole. Dans le poème, il y a une troisième partie qui n’est pas chanté et qui dit en teneur que le dirigeant est revenu l’année suivante dans le même quartier, et qu’il a encouragé à nouveau les gens à parler librement et sans peur. L’ami de Hassan a pris la parole pour porter les mêmes revendications que Hassan, mais cette fois-là la question posée était « Ayna sahibi Hassan, ayna akhi Hassan ? » (Où est passé mon ami Hassan, où est passé mon frère Hassan ?) La poésie a pour vocation d’être interprétée librement et selon la lecture que chacun en en a, la traduction comporte, elle, cette contrainte de devoir rester fidèle aux propos de l’auteur d’un texte. En tout cas, merci pour l’effort déployé et le temps passé!
  • bradai
    • 6. bradai Le 11/02/2016
    Que Meskellil m'excuse si j'ai gribouillé sans sa permission cette belle melodie que l'on ressent aussi son air dans notre pays.
    (
    Le Potentat a visité le syndic
    Dans Certains états du pays
    Le Potentat a visité le syndic
    Dans Certains états du pays

    Quand il a eu à visite notre quartier
    Il nous a dit:
    Apportez vos requêtes
    Honnêtement en public

    Quand il a eu à visiter notre quartier
    Il nous a dit:
    N’ayez peur de personne..
    Ce temps est révolu

    Mon ami Hassan déclama
    Il dira
    Ce frère Hassan déclama contre l’injustice

    Monsieur…
    Où est la provende et le lait?
    Où est la sureté du logement ?
    Où est la garantie de l’emploi ?
    Où est la provende et le lait?
    Où est la sureté du logement?

    Et où est la prestation de médicaments aux pauvres sans frais?

    Avec douleur: le Souverain dira
    Que le Seigneur en brûle mon corps
    Est-ce Que tout cela se passe dans mon pays?
    Je te remercie de ton honnêteté et de nous avoir alerté, mon enfant .

    Quand il a eu à visiter notre quartier
    Il nous a dit:
    Apportez vos requêtes
    Honnêtement en public
    Quand il a eu à visiter notre quartier
    Il nous a dit:
    N’ayez peur de personne..
    Ce temps est révolu

    Mon ami Hassan déclama
    Il dira
    Ce frère Hassan déclama contre l’injustice

    Monsieur ...
    Où est la provende et le lait?
    Où est la sureté du logement ?
    Où est la garantie de l’emploi ?
    Où est la provende et le lait?
    Où est la sureté du logement?

    Et où est la prestation de médicaments aux pauvres sans frais?

    Et où ... et où ... et où….

    (le Syndice est un notable chargé de représenter, d’administrer et de défendre les intérêts d’une communauté rurale

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