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Articles de Meskellil

  • Décalages

    D

    Réveil matinal. Nuit relativement calme. Sensation diffuse mais persistante de décalage qui tourne en boucle, me colle à la peau. Depuis quand déjà ?

    J’ai un truc urgent à faire dès ce matin… Je déjeunerai après…

    Les clés de la voiture, les papiers, le GPS, précieux compagnon quoi que pas toujours utile. Je prends l’ascenseur qui se meut lourdement, blasé par ces va-et-vient permanents. J’aurais pu prendre les escaliers tout de même! …

    Tout est vert dehors. Les arbres n’ont pas encore atteint leur pleine maturité, ils prennent leur temps pour s’épanouir... Pâquerettes, boutons d’or…, plus de violettes, dommage, c’est fini. Boutons d’or ? Tiens ! C’est nouveau ! Une toile immense verte parsemée de tâches blanches et jaunes. Un vrai ravissement ! Une brise intérieure tiède, légère, douce, traverse mon être. Il pleut… Le soleil chaud, bienfaisant me manque…, il aurait donné un éclat exceptionnel à ce magnifique tableau…

    Quelques marches et me voilà devant l’entrée du parking souterrain collectif. L’esprit vaporeux, inconsistant, immatériel, flottant… j’ouvre la première porte qui donne sur une sorte de sas. Je change de clé, ouvre la seconde porte… Parfaitement grotesque, injustifiée cette frénésie à vouloir se barricader, barricader ses biens, s’y accrocher désespérément, comme à un fétu de paille dans une mer houleuse… se barricader contre qui, contre quoi ? Complètement absurde ! Déphasage total !

    J’arrive au garage, une odeur familière de gasoil me prend à la gorge. Désagréable. Il aurait besoin d’être nettoyé à coups de Karcher ce parking ! Tiens ! Ça me rappelle quelqu’un ! « Descends là que je te casse la gueule » avait-il vociféré!

    C’est le weekend, le parking est plein à craquer de voitures. Il faudra plusieurs manœuvres pour en sortir…

    Je monte dans la voiture, me demande si le moteur est en phase, je tourne la clé. Il me répond joyeusement ! Bingo ! La radio réglée sur Nostalgie la dernière fois se met en marche aussi. Pierre Bachelet crie avec une impuissance poignante, infinie « et moi je suis tombé en esclavage… ».

    L’esprit toujours dispersé, insaisissable, je prends la route familière. Tout est là, bien en place, bien en ordre, propre, rectiligne. L’ordre aseptisé aujourd’hui, le désordre grouillant et indiscipliné hier! Excessifs l’un comme l’autre! Décalage encore spatial, temporel…

    Je finis de faire ce que j’avais à faire, et me dirige vers une grande surface, un véritable monstre. Ça vient d’ouvrir. Quelques victimes sont déjà là profitant de l’aubaine si rare d’un lieu de haute consommation presque désert, habituellement débordant, repu de gens et de victuailles, jusqu’à la nausée, jusqu’à l’épuisement. Je réalise que j’en fais partie puisque je suis là… Je m’arrête…

    J’ai envie de jus d’orange frais ! Je m’enfonce dans une débauche de lumières artificielles, froides, agressives… Mon soleil n’est plus. Il m’a lâchée à moins que ce soit moi qui l’ai lâché… Pulsion, phasage hier, déphasage aujourd’hui… Fin de cycle…Un nouveau commence plus complexe, incertain, inédit...

    Je passe par le rayon des fleurs. Promotion – 40% sur les brins de muguet porte-bonheur. Je cède à la tentation comme à la tradition d’offrir des brins de muguet. Je me fais plaisir et m’en offre deux. Ils sentent divinement bons. A nouveau je me sens en phase, et ressens cette tiédeur agréable palpitante se répandre en moi. Mon esprit me rejoint. Je suis bien. L’instant de cette fragrance printanière pleine, tonique, pétillante. L’éphémère se prolonge, mais sans l’enchantement de la première fois. Je passe en caisse puis quitte rapidement ce lieu.

    J’ai envie de croissants chauds. Je vais à la boulangerie du coin. Là aussi promotion. Pour trois croissants achetés, le quatrième est offert. C’est la toute première fournée du matin. A peine tiède. Tant pis. Distraite, je le suis. La vendeuse me sourit poliment et me fait répéter ma commande. J’ai l’impression de hurler « Six croissants s’il vous plait ». La vendeuse qui est là depuis longtemps a perdu son entrain et sa joie de vivre légendaire avec le changement de propriétaire. Elle avait des échanges personnalisés avec tous les clients, et avait pour chacune et chacun une attention particulière, un mot gentil. Les échanges se sont réduits au strictement utile, vendre. Je lui tends l’argent. Elle me rappelle que c’est la machine qui encaisse et rend la monnaie. Je l’oublie toujours. Décadence et déshumanisation. Décalage perpétuel éprouvant. La vendeuse grimace un sourire. Une ombre assombrit son regard, et me contamine.

    Je repars vers le parking. Tant d’espace ! Non, les gens n’étaient pas allés à la manif du 1er mai, les revendications, ce sont les autres qui les font. De toute façon, ça ne sert à rien ! Résignés, fatalistes. Tiens, j’ai déjà vécu ça, seulement hier ! Les jours et les propos se ressemblent dans un monde où tout s’achète et tout se vend, y compris son âme ! Les gens se nourrissent, se gavent à leur télé ou à leur ordi, du Fast Food en continu. Question d’optique…

    L’esprit imprégné d’un certain désordre -qu’est-ce qu’on prend vite le pli, el welf kif sahel!- je grille allègrement stops et sens interdits. Ce n’est qu’un immense parking clairsemé de voitures après tout ! Je reprends la route du retour, l’esprit toujours en vogue, « Opération déstockage de matelas Haut de Gamme le 1er, le 2, et le 3 mai » lis-je sur une pancarte opportuniste. Le message s’insinue sournoisement dans mon esprit. Et si je changeais de matelas ? Mais de quoi, le matelas ? Il est très bien mon matelas ! « Souviens-toi, c’était un jeudi… », Joe Dassin chantant sur Radio Nostalgie. En phase, je fredonne le refrain à l’unisson avec lui, entre dans son histoire, l’esprit à nouveau vagabond…

    J’arrive presque lorsque je vois, bonheur absolu, des lilas en fleurs. Ils sont là, libres, accessibles, offerts aux sens. Aucune clôture ne les enferme. Ils sont à tous. Pour l’instant! Harmonie parfaite. Je m’arrête, m’en approche, le cœur et l’esprit aériens. Je fourre mon nez dans les grappes et commence à les humer longuement, profondément. Un parfum si subtil, si sensuel, si addictif... Grisant! Ephémère le lilas. Un mois tout au plus. Jaloux de l’authenticité de son parfum, au même titre que le muguet encore plus fugace. Tous deux refusent catégoriquement de se livrer aux parfumeurs, les contraignant aux compositions de synthèse. Belle résistance…

    Enfin, j’arrive, les bras chargés de fleurs, de croissants et de jus d’orange frais. Je mets en route la cafetière, mets les lilas dans un grand vase, le muguet dans un autre plus petit, les croissants au four pour les chauffer. Le café fume et exhale son arôme irrésistible ! Je me mets à table et déguste le jus, le café, les croissants, les fleurs aussi. Un moment de plaisir, de bien-être simple mais intense. Je me sens bien, si bien, phasage total…Tout comme hier sur le banc d'un jardin sous ces grands et beaux arbres.

    Phasage, déphasage ? Et si c’était simplement une question de regard, d’écoute, de réceptivité, de compréhension, d’ouverture, de confiance, de disponibilité, d’attention, de sincérité, de spontanéité....

  • Sens, Contresens et Non Sens

    Il est des mots qui ouvrent à la vie, qui donnent la vie, il est des mots qui étouffent la vie, qui tuent la vie. Il est dit que « Là où la vie est authentique, la tension existe toujours ». Les mots ne sont bien entendu pas neutres, mais situés socialement. Et dans un texte écrit donné, le sens n’est pas donné une bonne fois pour toutes, il n’est pas univoque. Un texte est construit ou plutôt reconstruit par l’interprétation, les interprétations qui peuvent en être faites en fonction de la manière dont cela résonne en chacun, selon les représentations qu’il a de lui-même, de son environnement social, culturel…,de son histoire de vie, de ses expériences, de ses connaissances…, du monde dans lequel il vit et de la manière dont il le perçoit. Les interprétations sont inévitables, et chacun interprète selon ce qu’il est. C’est là que réside tout l’intérêt, toute la richesse d’une communication. Dans un écrit, le sens n’est pas incorporé dans le mot. Chaque expression dépend de l’usage qui en est fait et de son interprétation. Comment pourrait-on sinon expliquer autrement les changements dans le sens d’un mot, ou les controverses entre les personnes qui lisent ces mots, les interprètes ?

    La pensée trouve à s’exprimer par le langage qui n’est pas seulement outil de communication, mais aussi outil de réflexion. Dans l’expression de cette pensée intervient aussi un langage inscrit profondément en chacun, et qui est celui des représentations mentales, des constructions mentales, des images mentales. Lorsqu’on lit un roman, on se représente les personnages, leurs actions, les décors. De la même manière, les images matérielles que sont les dessins, peintures, photographies sont des traductions externes de l’imagerie interne. Des constructions subjectives propres à chaque personne.

    À cet égard, le but de la communication n’est-il pas de réussir à mieux se comprendre ? Lorsque nous communiquons, nous sommes persuadés que ce que nous disons est compris tel que nous l’avons exprimé par les autres, de même que les autres sont persuadés que ce qu’ils ont compris est exactement ce que nous leur avons dit ! Pourtant, la réalité est bien différente pour chacun !

    Peut-on éviter les interprétations d’un mot, d’un texte, d’une expression ? Oui, bien sûr ! Lorsque l’on recherche le consensus pour éviter tout achoppement, le langage devient un outil de communication neutre et indifférent aux rapports sociaux. Nous communiquons sans vraiment le faire puisque nous sommes tous d’accord ! Il ne subsiste plus aucune brèche, plus aucun espace d’interprétation ! Cela devient un langage neutre et informatif. Dans la communication consensuelle, Il n’y a plus lieu d’avoir la moindre réflexion, d’exercer la moindre critique puisque tout le monde est dans le consensus, et veille à le maintenir. Il ne subsiste plus aucune place pour une quelconque créativité !

    La relation à l’autre dans tout cela ! Quelle est-elle ? Je reviens à nouveau à Carl Rogers et à ce qu’il dit concernant les trois attitudes fondamentales qui conditionnent l’entrée en relation avec l’autre :

    Une compréhension empathique et exacte du cadre de références interne de l’autre avec les composantes émotionnelles et les significations qui s’y rattachent ;

    Une considération positive inconditionnelle consistant à accorder une valeur positive à toutes manifestations de la personnalité de l’autre et ce, à travers une écoute attentive, dépourvue de jugement ou d’évaluation ;

    Enfin, une congruence, reflet du degré d’authenticité dans la concordance entre ses propos et ses actes, l’accord entre ce que l’on ressent et son comportement manifeste.

    L’empathie confirme à l’autre qu’il existe en tant que personne autonome, dotée d’une valeur propre et d’une identité.

    Pour conclure ce chapitre, je dirais que les mots sont polysémiques, qu’un texte autorise une multitude de sens en fonction des représentations, des constructions, des images mentales de chacun façonnées par son contexte social, culturel, son histoire de vie, ses expériences, ses connaissances….Les mots allument la lumière dans les palais de nos cerveaux comme le dit cet auteur. Les mots peuvent nous blesser ou aussi nous aider. Les mots ne transmettent pas que des informations, mais aussi des émotions. Il est question non de « vidange émotionnelle », mais de « partage social des émotions » dont les bénéfices ne sont plus à démontrer. Nous sommes tous divers, différents, pluriels. Cette diversité, cette différence, cette pluralité devraient constituer notre force et notre richesse,
    et s’il y a un maître mot, une valeur maîtresse à ne jamais occulter, cela devrait être le RESPECT de l’autre à défaut de compréhension, de bienveillance, de tolérance.

    Sous forme de boutade ou de caricature si on préfère, cette vidéo et son titre "Le Plaisir des Sens" (politiquement très incorrect). Surtout ne pas se laisser « piéger » par ce qui peut paraître tomber sous le sens (expression qui s’écrivait d’abord "tomber sous les sens" pour signifier "être directement perçu par les sens").

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  • Yahli/ Orchestre National de Barbès

     

    Une chanson que je dédie à AlgerMiliana et à tous les AlgerMilianautes, aussi à toutes les Algériennes et Algériens Intra ou Extra Muros. Chacun et chacune d’entre nous y puisera ce qu’il y aura à puiser et qui lui parlera, mais que dans le positif, et encore positif. S’il n’y a rien à y puiser, il restera la chanson qui est bien agréable à écouter. Alors bonne écoute.

    Bien amicalement à toutes et tous.

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