IL ETAIT UN PETIT NAVIRE

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Ohé du navire, ohé du navire, l’écho se perdait au loin parmi les cris des oiseaux qui accueillaient en douce les premières méditations d’une poignante aurore aux couleurs fascinantes.

La pluie, depuis un moment s’en prenait aux fenêtres de la classe tout en s’amusant à marteler les carreaux couvrant par intermittence la vision enfantine partagée entre le son des syllabes et les hululements d’un vent qui s’amène tout frais pour annoncer les prémices des contes de tous les soirs.
Le vieux poêle à bois renouant avec ses bonnes humeurs et ses ronflements alimente par la grâce des buches que les arbres du village avaient offertes, prenait à cœur joie les chuchotements qui avaient sombré dans le silence par un après-midi d’un été radieux.

Dans une ambiance ainsi vêtue, les enfants de la classe se préparaient pour faire entendre la voix du chant que les voiles, le gouvernail et les vents favorables vont porter à travers monts et récifs, s’adonnant pleinement au jeu infini avec les vagues mugissantes et le bleu interminable de la mer méditerranée.
Le petit navire aux habits dores, berce par les clapotis et la lueur des étoiles, contemplait les mouettes décrivant des cercles encore visibles, s’amusant à rattraper au vol les signes du phare.

Ohé du navire, l’écho se perdait dans les décors d’une nuit calme et profonde.
Les fiers matelots acquis aux provisions aménagées dans la passion des voyages, emportes par l’élan d’une extraordinaire Ila hop ont toujours bravé les éléments et leur voyage n’a jamais été interrompu.

Défiant les principes de la force et l’intensité des vents, les matelots plongeaient leurs mains au beau milieu des vagues propulsant espoir et courage aux voiles et aux rames magistralement colorées par la main pédagogue, superbement encadrées par la lunette, le compas et le crayon du maitre.
Fait de papier, le petit navire n’a jamais eu ni le temps ni les moyens adéquats pour faire un pas, alors que les matelots dans la peau des grands explorateurs poussaient l’audace d’aller un peu plus loin. Ils avaient regagné la terre ferme et ensemble ils ont chanté :

  • Il était un petit navire
  • Il était un petit navire
  • Qui n’avait ja ja jamais navigué
  • Ohé ohé ohé.

Petit navire des temps nantis, nous y voilà sur une infime portion de terre parmi les vestiges d’un vaste monde aux couleurs et aux richesses impénétrables.
Un monde à la fois puissant et vulnérable.
Nous y voilà au beau milieu des cultures enrichies par les flux du savoir et des libertés mais tellement frustrées, rigides et incapables de se libérer de leurs propres étreintes.

Un monde doté du pouvoir de juger et de faire respecter les lois, les dogmes et les coutumes mais fort peu convaincant quand une fois les intérêts s’arcboutent et se contredisent.
Un monde aux richesses pharaoniques mais bien incapable de se libérer du spectre des crises à haute résonance. Refusant sans cesse de regarder en face les risques réels qui le menacent jusque dans son existence.

  • On multiplie les congrès
  • On diversifie les relations
  • On ratifie les traités et les accords

On garde l’œil bien ouvert sur une arme qui pulvérise une personne et on se vante pour avoir entre les mains une si belle arme capable de décimer une nation entière. Étrange, bien étrange est ce monde qui avait accueilli les matelots d’un matin ensoleille et un chant qui accompagne les éléments d’un âge rêveur qui aimait tant se confondre avec l’infinité des horizons colores. Autant de jours ont vu la nuit, autant de nuits ont vu le jour et bien des années se sont éteintes, et voilà des critiques littéraires qui s’amènent toutes fraiches, martelant notre esprit vagabond pour nous dire que la comptine, il était un petit navire, a une face cachée car couvant une cruelle histoire de cannibalisme. Les critiques s’accordent à dire ce qui suit : Il est rare de chanter la comptine en entier. Pourtant le jeu en vaut la chandelle. Avec un air enjoue, il était un petit navire, retrace l’histoire d’un petit marin qui, après un tirage au sort, est indiqué pour être mange par l’équipage qui manque de vivres. Le matelot est sauve par miracle de ce cannibalisme. Une prière entraina une profusion inattendue de poissons. Amies et amis de l’agréable site Alger Miliana que pensez-vous de cette critique à un moment où cette comptine est toujours chantée au point d’être un chant populaire ? Alors que le petit navire de l’école indigène n’a jamais franchi les frontières de notre imagination.

La pluie depuis un moment s’en prenait aux fenêtres de la classe.
Être à l’école indigène ou ailleurs l’élan est le même et le souvenir est là.

Par BELFEDHAL Abderrahmane

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