L’émir Abdelkader, philosophe de l’empathie

Article du Monde 10 Mars (daté du 11 Mars)

L’émir Abdelkader, philosophe de l’empathie
LIVRE DU JOUR
philippe-jean catinchi
Ceci n’est pas une biographie. Mais plutôt une initiation à la pensée d’un maître Spirituel que l’épopée coloniale française a réduit à la stature d’un guerrier fameux, adversaire héroïque d’une nation conquérante. Pour la postérité vue d’Europe, Abd ElKader Ibn Mohieddine (18081883) est seulement l’émir Abdelkader, champion de la résistance algérienne lorsque la monarchie de Juillet envahit son pays.
Même s’il est absent lors de la prise par le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, de sa capitale itinérante, sa smala, devenue dans la langue du vainqueur une tribu familiale perdant au passage sa puissance politique, l’émir Abdelkader est associé à cette lourde perte. Perte d’autant plus terrible que dans le pillage du campement disparaît la bibliothèque de l’émir philosophe.
Quelque 5 000 livres et manuscrits rares, ouvrages inestimables, détruits dans ce que Mustapha Cherif ne craint pas d’appeler « un génocide culturel ».

On ne s’étonnera pas que le célèbre islamologue, spécialiste militant du dialogue des cultures, des religions et des civilisations, stigmatise ainsi sans appel la négation du « patrimoine arabo-berbéro-musulman » dans la guerre totale menée par Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie. Pourtant le bourreau lui-même, dans ses Mémoires, concède une grandeur spirituelle exceptionnelle au vaincu – qui lui tint tête encore quatre ans (1843-1847) : « C’est une espèce de prophète, il est pâle et ressemble assez au portrait qu’on a donné du Christ… »
« REMPART CONTRE LES IGNORANTS »

Penseur, croyant et visionnaire, c’est cet Abdelkader- là que Cherif choisit de partager en célébrant cet « apôtre de la fraternité » qui appelle à une discipline de la droiture. Maître soufi, savant et moraliste, avant de se résoudre à être un guerrier, patriote inflexible et éducateur attentif, l’homme est à envisager comme un « rempart contre les ignorants, les extrémistes (…), les idolâtres, les envahisseurs, les despotes et les fanatiques. » 

Mustapha Cherif s’intéresse d’abord aux éléments biographiques pour étayer sa lecture d’une pensée humaniste salutaire. II rappelle ainsi l’épisode fameux de juillet 1860 où seule l’intervention de l’émir empêcha que le soulèvement de la ville de Damas contre le quartier chrétien ne dégénère en massacre. 

Le message d’Abdelkader est plus que jamais actuel, puisqu’il aide à sortir de la peur pour aller vers l’espérance, à passer de l’obscurité à la lumière, de la méfiance à l’empathie. Et si l’on s’étonne que certaines facilités soient restées – l’homme que « Homère, Tolstoï et Victor Hugo (…) auraient voulu connaître » ! – le plaidoyer de Cherif pour le legs de l’émir fait mouche : « Assumer ses responsabilités, sortir de la position victimaire et donner priorité au lien social citoyen républicain, qui dans la cité dépasse celui de la foi. » 

Par Mustapha CHERIF

Commentaires

  • invitée
    • 1. invitée Le 16/11/2017
    A Dechache Djalila (et ceux et celles intéressés(ées),
    Pour feuilleter le livre, voici le lien ci dessous:

    https://www.odilejacob.fr/catalogue/documents/biographies-memoires/emir-abdelkader-apotre-de-la-fraternite_9782738133625.php

    https://www.odilejacob.fr/catalogue/documents/biographies-memoires/emir-abdelkader-apotre-de-la-fraternite_9782738133625.php#dflip-btn_flipbook/1/

    Bonne lecture.
  • Chantal
    Bonjour Djalila Dechache,

    Pour votre information et, si je peux me le permettre, étant donné que je vis en France et que j'ai acheté, en France, le livre de Mustapha Cherif : "L'Emir Abdelkader - Apôtre de la fraternité", celui-ci est paru en janvier 2016 aux Editions "Odile Jacob" (165 pages). Bonne lecture à vous. Ce livre est absolument passionnant !

    Bonne journée à tous.
  • Dechache Djalila
    • 3. Dechache Djalila Le 16/11/2017
    bonjour Monsieur

    je découvre la sortie de votre livre sur l 'Emir Abdelkader
    étant chercheur et auteur édité , j 'aimerais en savoir plus s'il vous plait
    je suis sur le point d'éditer un livre sur le sujet
    j 'aurais souhaité référencer votre ouvrage
    comment puis je l 'acquérir sachant que je suis en France
    votre éditeur est il distribué en France ?
    merci de me répondre
    salutations respectueuses
    Djalila Dechache
  • Ahmed LABDI
    Ahmed LABDI. 26/03/2016. S.G. ALMF: J'apprends aujourd'hui, l'affreux malheur qui vient de s'abattre sur une fratrie de deux anciens lycéens de Ferroukhi et leur soeur, une abdounate, en la perte de leur chère et respectueuse mère, alitée depuis un bon moment. Il s'agit de la famille DJIROUNE de Djendel. On prit part, à leur douleur, d'anciens camarades de lycée, venus des quatre coins du pays et adoucir, un peu, de leur présence, la séparation cruelle d'une tendre mère, une séparation qui doit peser lourdement sur nos trois amis. Dans ces heures de deuil, seul la prière avec ferveur peut apporter la résignation et la paix à leurs âmes souffrantes. Nous l'avions accompagnée à sa dernière demeure. Perdre une mère est une chose cruelle et tout ce qu'on peut dire est que nous sommes tous à Allah et à Allah nous revenons. Nous sommes tous affligés de cette perte et, aux noms de tous les ALMF attristés, nous présentons nos sincères condoléances à la famille DJIROUNE ainsi que l'expression de nos sentiments les plus respectueux. S.G. ALMF.
  • Ahmed LABDI
    Ahmed Labdi. 13/03/2016: "Aucun homme n'a assez d'expérience personnelle pour bien se comprendre lui-même. Nous nous sentons tous solitaires dans ce monde immense et ferme. Nous en soufrons ; nous sommes choqués par l'injustices des choses et des difficultés de la vie. Les livres nous apprennent que d'autres plus grands que nous, ont souffert et cherché comme nous. En effet, ils sont des portes ouvertes sur d'autres hommes et d'autres peuples." Il avait raison monsieur André Maurois concernant la mauvaise compréhension de l'homme par l'homme mais il lui avait fallu évoquer l'importance aussi celle des livres sacrés.
    Mais comme on ne peut jamais se comprendre entre les peuples puisqu'il y a tant de guerres, tant de misères de l'homme envers son frère l'homme, à cet effet, il y eut des livres sacrés de par les siècles, depuis que l'homme fut sur Terre, qui essaient de saisir l'homme sur ce point de discorde. Ces livres sacrés viennent d'une Conscience Immensément Supérieur à celle de l'Homme, (CISH) comme Albert Einstein aime si bien définir notre Dieu. La CISH envoie aux hommes, lors d'un conflit, chaque fois un livre. C'était le rôle des religions. Celles-ci ne peuvent être à l'abri de manipulations qui la changent de sa première orientation. Notre ère se trouve réconfortée, il y a un livre merveilleux : Le Noble Coran. C'est la CISH qui nous l'envoie, Celle qui met le feu aux diverses lois naturelles, équations, formules que les sciences avait accumulées.
    Votre démarche sympathisante avec l'Emir est la bienvenue. Mais elle est un peu vague concernant la foi à laquelle vous en donnez un mauvais aperçu en fin de votre texte. Et je m'en excuse vivement de cette remarque. La république qui n'est qu'une façon de gouverner, ne peut en aucun être gênée par la foi. La notre est née grâce à cette foi, mais la notre. Au contraire, elle la fortifie. Mettre une ligne rouge, au nom de l'Emir, entre la république et notre foi, sans fondement rationnel, me paraît un peu aventureux de votre part, monsieur Phillippe-Jean Catinchi. Il y a d'abord à considérer deux fois, la notre et la votre. Elles sont incomparables. Vous jugez la notre en considérant la vôtre. Un beau quiproquo en perspective. Et pourtant c'est à la nôtre que revient le mérite de lancer vôtre Renaissance. Une ignorance qui nous fait tant de mal. L'Emir qui est pétri par la foi ne peut jamais faire ce qui en serait contraire. Il s'est tu pour, tout simplement, avoir en son peuple un autre élan, plus fort, pour régler la situation de son pays envahi. Il avait visé juste. Il y eut, 67 ans après sa mort, l'élan auquel il avait tant rêvé : Un Premier Novembre pétri, lui aussi, d'une foi. Pourquoi se délaisser de cette foi qui nous a suivis tant de siècles. Il sera mécontent, notre Emir. Le lien social citoyen républicain, chez nous, ne sera que plus harmonieux avec notre foi, pas la votre que je respecte. Il l'avait, pourtant, dit notre Emir. Chez nous, le mal ne vient pas de la foi. Vous entendre dire, il sera mécontent. Il a, quand-même, terminé sa vie exilé car il a choisi la foi. On ne peut pas bousculer aussi négligement notre foi. Vous ignorez tant de choses sur son statut, sa définition pour pouvoir en parler comme vous le faîte. Et pour terminer, voilà une citation de notre Emir qui devra vous interpeller. "Tu ignores et combien de maux il y a dans l'ignorance" Je vous prie, monsieur, de bien vouloir m'excuser si je vous contrarie. Ahmed le bourlingueur.
  • AladinZin
    • 6. AladinZin Le 12/03/2016
    Bonjour tout le monde . Je viens de lire "L'Emir Abdel-Kader , philosophe de l'Emphasie ", et le commentaire de Chantal VINCENT a ce sujet .J'en suis pénétré , et pour l'être encore davantage , je vais tenter d'ajouter a ma bibliothèque personnelle le Livre de Mustapha Chérif .
    Merci , Chantal pour le conseil .
  • Chantal
    Cet article du Monde est une parfaite synthèse du livre de Mustapha Cherif !

    Pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu ... précipitez-vous chez votre libraire ! Une fois commencé, on ne le lâche plus tant il est passionnant et didactique !

    Bonne soirée à tous.

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