Images                    Youtube

Articles de Meskellil

  • Kajeem / Bafaman

    ____________________________________

    Kajeem est un artiste ivoirien militant (pour changer !!) s’exprimant en français, en anglais, en espagnol et en baoulé, sa langue maternelle pour dire ses textes à la portée universelle. Promis à une carrière diplomatique, il s'engage plutôt sur la musique pendant ses études, et une fois sa Maitrise de Lettres en poche, il s'y consacrera complètement. Ses textes portent le déchirement de son pays, mais aussi les maux de notre société.

    Outre son implication forte dans le tissu associatif abidjanais dans divers projets d'éducation et de développement, il anime aussi des ateliers d’écriture musicale axés sur le Rap en direction des jeunes en difficulté. En 2007, il apparaitra sur la compilation « Décolonisons ! », soutiendra le projet de l’association "Survie" qui se positionne contre la Françafrique (on remarquera le « F » majuscule pour un pays et le « a » minuscule pour tout un continent !), et donnera à cette occasion un concert mémorable à Paris. Kajeem est de toutes les luttes, de tous les combats, les titres de ses albums en sont l'illustration. « Qui a intérêt ? » sera présenté comme l’album le plus abouti par les spécialistes, et sacré "meilleur album reggae 2008" en Côte d’Ivoire.

    La très belle vidéo Bafaman que je vous propose d’écouter et de regarder est extraite de son album "Gardien du feu" sorti en novembre 2016, et a été tournée sur le site de l'ex village rasta de Vridi en Côte d’Ivoire. Kajeem nous offre un reggae digne de Marley! Il met tout de suite du soleil au cœur en dépit de la misère...

    Lire la suite

  • Yal El Moutchou...!

    _____________________________________

    Un texte succulent qui nous plonge sans égards dans bit skhoune et toute l’effervescence qui y règne. C’est plutôt le hammam côté hommes, que l’on ne connait pas très bien nous autres femmes, et donc grand merci à son auteur Abderrahmane Belfedhal d’avoir ouvert la lourde porte en bois, qu’une grosse boule en fer referme vite pour garder la chaleur de bit skhoune et éviter les courants d’air! Un système simple et très ingénieux du reste !

    Un texte vivant, énergique, qui restitue superbement et avec beaucoup d'humour, de tendresse, et de nostalgie aussi cette atmosphère feutrée, estompée de bit skhoune dont nous avons tous de fidèles répliques. Yal moutchou, djibenna gouizza barda, yerham echikh !

    Bonne lecture!


    A tous ceux qui, un jour, avaient franchi le seuil de Bit Skhoune, usant de Karkabou et de Dkhoul

    A tous les moutchous et les kayesses pour avoir au fil des temps soutenu, tambour battant, la saga des bains mauresques.

    Je dédie ce passage.

    Trézel, Sougeur c’est revivre avec le baroud d’honneur la longue traversée des bains mauresques dans leur architecture typique et les lampes étanches qui dévoilaient à peine les fronts et les visages ruisselants, noyés dans un brouhaha confus et indéfini.
    Les voix se succèdent, se confondent et s’entremêlent dans une atmosphère rappelant somme toute l’ambiance des galères des matelots en furia. Il vous arrive, en pareille situation, d’intercepter un SOS se profilant sur le sol brûlant, maquillé d’une vapeur compacte à couper le souffle. Prenez mes chers amis votre patience en gaieté de cœur et traduisez ces sms tirant leur trait d’union de la tragédie cornélienne :

    -"yal moutchou , yerham waldik chwiya ma bared"

    -“yal moutchou , belaa el bab , jib dop , jib dkhoul

    - yal moutchou ayat lel kayess”

    Une voix au timbre presque suppliant:

    -" yal moutchou , sadaka ala el walidin , jib elkarkabou, karaya tabou "

    Une autre voix à peine audible, une autre encore de quelqu’un bien que frappant le sol à l’aide d’un Kotti, donnait l’allure d’un égaré dans une île déserte. En pareille situation, la force n’est désormais qu’une toute petite flamme.

    La porte donnant accès sur Bit Skhoune, à chaque ouverture laissait pivoter une boule de fer massif fixée à une poulie qui, mise en mouvement, remettait la porte dans sa position initiale et empêchait de la sorte l’infiltration de courant froid. Enfant, je ne cessais pas de porter mon regard sur cette boule étrange qui renvoyait mon imagination de façon franche et directe sur les époques Grecques et Romaines, là ou les cachots assommés par les ténèbres et les bruits de chaînes ne manquaient pas de loques humaines.

    El moutchou , les bras chargés de longues serviettes , d’un geste mécanique et décidé, s’empoigne de son client, rouge-vif, l’engouffre dans le Dkhoul et dans une galanterie parfois peu singulière, le prie illico-presto de regagner le lit royal.

    Le lit royal est une sorte de plan dur réalisé à partir de planches de bois assez serrées, couvert d’un tissu permettait au sortant de Bit Skhoune de sécher et de goûter le plein repos dans une attitude de grande relaxe , de détente et de sérénité. La grande salle, disposant de plusieurs lits alignés tout autour du périmètre intérieur du bain, tenait lieu de cafeteria. Café au chih et thé Bounejma, engorgés d’arome, s’ajoutaient gaiement au repos du Corps et de l’esprit.

    Les bouteilles de limonade plongées dans un grand couffin, baignant en douce au milieu des pans de glaces, se rafraichissaient au mieux dans l’attente d’être servies. Judor, à la pulpe d’or, était incontestablement la plus convoitée.

    A cette époque, Trezel comptait dans son patrimoine foncier deux bains maures. Le plus vieux, vivant a ce jour, est exploité par les Ouled Belkheir. Le deuxième ayant passé l’arme a gauche était exploité par les Ouled Khelif. De nos jours et bien que les coups de la concurrence soient tenaces, le vieux bain continue à braver les temps en s’accrochant énergiquement à la Baraka des anciens. Les deux bains, en cette frange de temps que nous citons, servaient aussi à dégraisser les Lhoufs et les Jridis que ramenaient les Trézeliennes à l’occasion de leur mise en beauté.

    L’après -midi, rayonnantes, elles rentraient chez elles, avec le linge propre, sec et admirablement repassé à la main, sans alliance aucune avec quelque appareil que ce soit. Ce fut un temps. Un temps merveilleux.

    Si Laid, Si Ahmed, Si Taher, Si Driss (un clin d’œil à mon ancien collègue de travail) et toutes les plumes Ain-dzaritoises, allons de ce pas saluer l’honorable MOUTCHOU pour les tâches accomplies tant il était exposé aux chocs thermiques.

    De Bit Skhoune au lit royal, c’est là, l’une des plus belles romances baignant entre le chaud et la fraicheur . Bared w skhoune ya hawa, c’est plus que le titre d’une chanson aux sentiments controversés, c’est un label. C’est une philosophie. C’est un acte et une référence.

    El Kayasse bonjour

    C’est en fait le personnage le plus influant dans l’équipe du bain. Il l’est beaucoup plus par le gant qu’il utilise dans son œuvre de lavage. Le gant est rude, le gant est sec, le gant est foudroyant. A juste cause et à juste titre on l’appelait "El Harcha". EL kayasse, calme et serein, dans une attitude de grand fakir, abordait son travail sans trop de peine. Les gestes et les mouvements dans un rythme cadencé relevaient d’une véritable symphonie mesurée aux trois temps:

    -Vlan la tête
    -Vlan le corps
    -Hop hop et voilà les pieds au flan.

    Éreinté, rescapé à moitié, le baigneur baignant baigné est aussitôt recommandé à la grâce du moutchou qui, pour les commodités du séchoir le remet à son tour aux bons soins du masseur Ce dernier en véritable maitre du Yoga marquera la fin du parcours.

    Par ces motifs et pour ces raisons justifiables et justifiées, il m’arrivait de dévier le sens des aiguilles. Sitôt prémédité, sitôt exécuté, j’entamais alors une plaidoirie fracassante en l’honneur du bain. J’insistais particulièrement sur ces moments entachés de grande extase une fois entouré par les gai-lurons El moutchou, El kayasse et El masseur, sans toutefois oublier cette sensation inouïe propulsée par la kyassa. Ces avantages en réalité ne sont plus à démontrer tant cette plaidoirie était de forme, relevant totalement de la fiction. Le fond des choses, le réel des choses, le naturel des choses étant finalement une autre chose. Il s’agissait de récupérer coûte que coûte les quelques centimes réservés en principe à la caisse du bain et s’envoler sans tarder vers l’obscurité la plus attrayante dans la salle la plus romanesque: Silimet Lahcen, haut lieu d’évasion et d’exploration des temps nantis. Cependant, cela ne réussissait pas à tous les coups.

    Par une belle nuit étoilée, de retour à la maison, simulant une fatigue bien appliquée en apparence, je me retrouvais nez a nez avec mon frère AEK, les mains bien fixées sur les hanches, exhibant des yeux en parfaite ébullition, relevant un front porteur des trois plis de la colère et me dit en substance :

    -YA SIDI BSAHTEK TAHMIMA !

    Lire sans détour: diable mais où est donc ce maudit bain ?

    Jouant l’étonné, face a un subterfuge démasqué à l’avance je répondis :

    -Mais bien sur que j ai été au bain.

    Au fond de moi-même, je me rendis à l’évidence qu’acquérir une place de soleil au cinéma, ou pulvériser sa crasse, il ya quand même une nette distance ! L’absence de propreté apparente et l’inexistence de la moindre odeur susceptible de rappeler un passage via bit skhoune furent un alibi solide, pour que je sois franc candidat a une correction en règle. Enfant, je n’ai jamais regretté ces audaces de jeunesse car jugeant en dernier ressort que l’enjeu en valait les prunes et la chandelle.

    Il y a de cela une bien bonne trotte de vie… et viva le ciné-Nador.

    Abderrahmane Belfedhal

    Lire la suite

  • Khadja Nin / Wale Watu

    __________________________

    A l’aune de la fusion Monsanto et Bayer ou la création de la plus grande entreprise intégrée au monde dans le domaine des pesticides et des semences. Les noces les plus funestes du siècle ou l’échec patent du système agro-alimentaire actuel « qui avait abandonné une agriculture durable, rurale, axée sur la production d’aliments sains, locaux, diversifiés et saisonniers. » et qui est la cause principale de la violation du droit des hommes à l’alimentation.

    L’annonce de cette fusion sonne comme l’aval à une surexploitation encore plus féroce des ressources naturelles pour le bénéfice de quelques-uns. Monsanto est en effet une multinationale qui « défend un modèle insoutenable d’abus, de redevances, de dépendance aux produits agrochimiques, socialement pervers, et nuisibles à la santé et à l’environnement » rappellent les opposants à cette fusion. « Du berceau au tombeau, ceux qui nous empoisonnent nous vendront aussi leurs médicaments pour nous guérir » comme le souligne avec ironie José Bové du mouvement Écologie. et combien il a raison !!

    Lire la suite

  • Henri Dikongué / C’est la vie

    ________________________________

    A son apparition sur la scène musicale, Henri Dikongué est célébré par tous comme un auteur compositeur d’une rare finesse. Aussi bien sa voix, ses textes que ses mélodies l’inscrivent dans une tradition folk africaine qui revisite avec talent les cultures ancestrales des chants de pêcheurs ou des musiciens-voyageurs. Henri Dikongué est camerounais, issu d’une famille de musiciens dont il apprend les rudiments auprès de son oncle pour la guitare son instrument de prédilection et auprès de sa grand-mère dans une chorale protestante. Il s’est inscrit à l’école normale de musique à Paris alors que ses parents l’avaient envoyé faire du droit. N’arrivant pas à percer en musique, il créé une troupe théâtrale Masques et Tam-Tam, ce qui lui permet de faire du théâtre et de la musique. D’un musicien à l’autre et d’une troupe à l’autre, Henri Dikongué finit par choisir de s’installer à Paris carrefour de la musique africaine et la World Music. Il travaille aux côtés de grands noms tels Manu Dibango ou Papa Wemba. Henri Dikongué continue à écrire des textes. Tenace, Henri Dikongué qui continue à écrire des textes, ne désespère pas d'arriver à sortir son disque.

    L’album "C’est la vie" fut classé premier au World Music Chart Europe en janvier 1998. C’est Jean-Michel Blanc, artiste peintre qui a écrit le texte de la chanson « C’est la vie », qui fut classée vingtième meilleure rotation dans le monde francophone en 1997/1998.

    Lire la suite

  • ONB/Jarahtini-Marhba-Jibouhali

     

    "Rendez-vous Barbès" Orchestre National de Barbès

    Jarahtini / Marhba/Jibouhali

    Dans cet album « Rendez-vous Barbès », l’ONB revient à ses origines et à ce qui a fait sa notoriété : un savant mélange de musique Gnawa, Chaâbi, Allaoui, Raï. Festifs, enthousiastes et débordants d’énergie, les musiciens nous entraînent dans leur tourbillon à notre grande joie !

    Ce morceau juste pour le plaisir de reprendre les foulards (pas vraiment appropriés) et de se laisser entrainer par la musique. Certains passages faisaient partie du répertoire que les femmes chantaient dans les mariages à Miliana avec derbouka, tar et clappement des mains. Ah, la, la, la, la, nostalgie, nostalgie… Nous lâcheras-tu jamais !!!

    Lire la suite

  • Sona Jobarteh / Fatafina

    __________________________________________

    Sona Jobarteh gambienne, est cette première femme griot résolument moderne et tournée vers la jeunesse, vers l’avenir, vers le devenir de l’Afrique. Portée par ses racines africaines profondes et par l’héritage, le legs des ancêtres, Sona Jobarteh est une passeuse. Entre sa Kora et elle, c’est une histoire de cœur, d’âme et de mémoire à transmettre, à perpétuer. Sona Jobarteh s’adresse à la société, aux gens, à la communauté africaine dans son ensemble. C’est son rôle de griot, et elle le remplit pleinement et admirablement.

    Ecouter chanter et regarder jouer Sona Jobarteh n’est que plaisir, joie, espoir. Ses doigts agiles habiles et légers, effleurent avec grâce les cordes de sa Kora pour nous offrir de belles mélodies aux sonorités profondes, harmonieuses qui, mêlées à sa voix douce et apaisante, nous enveloppent agréablement pour nous transporter au cœur de cette Terre d’Afrique accueillante, chaleureuse, généreuse, si diverse et riche de son histoire, de ses traditions, de ses cultures, de ses valeurs mais aussi et surtout de ses enfants, la plus extraordinaire, la plus précieuse de ses richesses : énergie, force, imagination, fougue pour peu qu’on lui montre le chemin, pour peu qu’on lui donne les moyens, les opportunités d’inventer, d’entreprendre, de se réaliser.

    Sona Jobateh a ouvert une école en Gambie unique en son genre en Afrique de l’Ouest et aussi ailleurs. Car, en plus des enseignements généraux classiques qui y sont présents, les traditions, cultures et histoires en plus de la musique y occupent une place de choix. Pour Sona Jobarteh, aller de l’avant et entrer de plein pied et en toute confiance dans la modernité ne peut se faire qu’unis, qu’en étant « armés » culturellement, qu’en s’appuyant sur le legs, la mémoire, les valeurs des ancêtres. Un lien (en anglais) pour ceux que cela intéresse où Sona Jobarteh nous parle de sa musique, de son héritage culturel, de sa vision et des actions entreprises en faveur du développement, de l’épanouissement des générations futures. (https://www.youtube.com/watch?v=APhEpzJzMbs) Avec le vœu que ce modèle d’écoles essaime à travers toute l’Afrique.

    Bonne écoute

    Lire la suite

  • La Touiza de retour?

    __________________________

    Des initiatives heureuses qui ne sont pas sans rappeler la fameuse tawsa pratiquée dans le temps pour les nouveaux mariés par exemple. Il est bon de voir le retour de ce système traditionnel d’entraide et de solidarité presque disparu, sous forme d’associations structurées, et soutenues humainement et financièrement. Les retombées nombreuses des projets réalisés ne peuvent qu’être bénéfiques à mon sens, pour les jeunes (hommes ou femmes), pour les moins jeunes, pour la société en général, pour l’environnement. Une vitalité, une dynamique, une envie de créer, d’entreprendre salutaires pour une partie de la jeunesse désœuvrée, qui pourrait trouver à se réaliser tout en servant la communauté, des initiatives à initier, à développer, à généraliser à tous les coins d’Algérie. Peut-être est-ce une utopie, peut-être que les partenariats ont-ils un effet pervers, peut-être…, peut-être…, toujours est-il que ça me semble être un appel d’air pour la jeunesse algérienne, et ce n’est pas rien.

    Lire la suite

  • Oriental Feeling

    _____________________________________

    Bonjour amis, amis du site. Je tenais à vous dire mon plaisir de lire vos cris du cœur, vos élan de joie, ou sentiment de tristesse, d’indignation, de colère, de bien-être aussi, ou d’écouter les musiques proposées avec spontanéité ou encore d’admirer à nouveau le trait fin, minutieux, juste de vos créations originales, c’est toujours un plaisir Benyoucef, et j’aurais beaucoup aimé que l’histoire de Si Amar se prolonge encore longtemps.

    Quelques noms me viennent et si j’en oublie veuillez m’en excuser. Je citerai tout d’abord Noria notre hôtesse qui, sans elle, rien de tout cela ne serait possible, M. Benabdellah, l’ami et grand frère Ferhaoui, Miliani2Keur, M. Midjou, A. Arbouche, A. Bouaïch, A. Belfedhal, Chantal… . Merci à vous tous ainsi qu’à ceux absents, mais présents, j’en suis certaine, et que je salue. Et bien que je ne fasse pas de commentaires, croyez-bien que j’ai grand plaisir à vos diverses et attendues expressions.

    Merci à toi Noria, merci à vous.

     

    Rima commence sa carrière à 8 ans, et devient deux ans plus tard membre important de la Beirut Oriental Troup for Arabic Music. Soliste à 11 ans, elle se lance dans un répertoire réputé être le plus difficile de la musique vocale arabe. Plus tard, et diplômée de l’Université américaine de Beyrouth (une pensée solidaire pour le Liban qui n’en finit pas de s’enfoncer dans une crise multiforme sans précédent), et du Conservatoire national supérieur de musique, elle enseignera le chant plusieurs années durant.

    En qualité d’invitée exceptionnelle des Massachusetts, elle enseigne le chant classique et le chant arabe à l’Université de Mount Holyoke dans le cadre de l’Arabic Retreat. Elle se spécialise aussi dans les répertoires arabes vocaux traditionnels de Sayyed Darwish et Wadieh El Safi,et se produit dans tout le Moyen Orient, en Europe et aux Etats-Unis... Elle collabore avec divers musiciens de renom Irakiens, Hollandais, Américains, Libanais à l’instar de Ziad Rahbani fils de Feïrouz entre autres. D’un enregistrement à l’autre, elle propose tout à la fois de nouvelles compositions et d’anciennes chansons, des mouwachahates ou encore des chansons de films autrefois interprétés par Sabah dont on se rappelle avec nostalgie le Allo Beyrout mine fadhlek….

    Dans les morceaux que j'ai choisis de vous faire écouter et qui m'inspirent calme, paix et sérénité, et on en a grandement besoin dans ce monde bouleversé, on retrouve sensibilité, sobriété, simplicité, grâce, douceur et émotion, des ingrédients précieux qui se fondent en une belle alchimie agréable à écouter, à regarder...

    Prenez soin de vous et bonne écoute

    _=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=_=

    Lire la suite

  • Elan, Paix et Pardon

    Bonsoir Noria, à tous, et à toutes,

    Je ne pensais pas revenir à nouveau sur le site, il me semble cependant devoir le faire à ce stade, si tu le permets Noria. A toi de voir...

    Noria, je te renouvelle l’hommage qui, je l’ai dit et c’est sincère, n’a d’égal que mon attachement à Miliana, et tu sais combien il est grand. Je réalise que tu es en souffrance autant que je le suis. Une conjoncture, des circonstances qui nous ont tous, toutes dépassés, débordés. Je viens par ce présent mot renouveler mon attachement à ce que représente ce site, qui bien au-delà de mon ressenti personnel, demeure ce moyen d’expressions diverses, variées, riches et enrichissantes, ouvertes sur nos différences et toutes aussi précieuses les unes que les autres, une superbe toile à multiples artistes dans la conception du site lui-même, comme du pinceau, de la plume, ou de toutes autres richesses que recèle chacun et chacune d’entre nous, et qu’il, qu’elle offre souvent avec beaucoup de générosité de cœur, sentiments, émotions, joie, plaisir, tristesse... C’est vivant, c’est dynamique, et Quoi de plus précieux que ce mouvement spontané de partage, de fraternité, d’altérité

    Le site, je le crois, reste cet élément fédérateur, mobilisateur, ce lien précieux parce que rare, et rassembleur de personnes aux horizons divers, aux sensibilités diverses, aux regards et perceptions multiples. Le « vivre ensemble »dont il a tant été question n’est pas une vaine expression pour moi. En ce qui me concerne, les intérêts de la communauté algermilianaute élargie se doivent d’être au centre et en dehors de toute autre considération. J’ai beaucoup parlé de nos déterminismes et autres représentations, de nos grilles de lecture propres pour lire les autres, le monde, l’univers. Nous pouvons être guidés ou conduits par ces mêmes déterminismes. Nul n’en est exempt.

    Je viens par ce mot prendre ma part de responsabilité dans la direction qu’a pris le site depuis mon hommage, il y a de cela plus d’un mois maintenant. Je vous prie de croire qu’il n’a jamais été question pour moi de diviser la communauté algermilianaute, ni de faire du mal à qui que ce soit. Tu es en souffrance Noria, je le suis aussi, d’autres aussi, peut-être aussi les personnes que je considère comme proches par leurs sensibilités, idées, croyances, humour..., les amis. Et cela me touche beaucoup. Je ne peux y rester insensible, indifférente, peut-être est-ce juste ma propre projection ? Je n’en sais rien. Je suis ainsi faite, on ne se refait pas. J’essaie de prendre ce recul nécessaire, salutaire pour sortir de cette impasse qui nous fait du mal à tous finalement pour diverses raisons. Nous sommes tout simplement... humains. C’est peut-être une petite crise qu’il incombe à chacun, chacune de surmonter, et de dépasser.

    Dans cet esprit, je présente mes sincères et profondes excuses à toi Noria, ainsi qu’à tous ceux et celles qui se sont sentis offensés par moi. Je le répète, mon expression ne visait pas les personnes, n’a jamais visé les personnes ni dans leur intégrité physique, ni dans leur intégrité morale. Je n’ai jamais considéré les usagers du site comme virtuels. Pour moi, il y a derrière chaque écran une personne au même titre que moi, avec son histoire de vie, sa sensibilité, ses croyances, ses sentiments, ses codes de conduite, ses espoirs, ses tristesses, ses coups de blues, ses joies…, des personnes vivantes et bien réelles même si je ne les connais pas. Je vous respecte toutes et tous, et je pense l’avoir toujours fait même lorsque nos points de vue étaient divergents.

    Alors à nouveau, vous avez chacune, chacun tout mon profond respect, et je présente à chacune, chacun mes excuses si tant est que vous les acceptiez. Que le site reste la priorité de toutes et tous. A quelques jours de l’Aid, le pardon réciproque est sollicité, et je fais le pas. Pardonnez comme je pardonne. Et cela est sincère et vient du fonds du cœur. Je vous prie de le croire.

    Bonne continuation à toutes et tous, et merci Noria d’avoir publié ce mot si c’est le cas. Mon cœur est ouvert, tolérant, accueillant en cet instant, dans cette démarche que je fais, et qui n’est pas facile. Je n'attends pas de retour.

    Avec mes sincères pensées et sentiments à toi Noria, à tous et toutes, et longue vie et plein épanouissement au site algermiliana, il y a encore beaucoup de choses utiles et constructives à y faire. Essayons de retrouver toutes et tous cette voie du pardon de soi et des autres, cette pacification, cette paix, cette sérénité avec soi et avec les autres, même si nos chemins de vie ou parce que nos chemins de vie sont divers, multiples, nous sommes pourtant tellement proches…

    Saha 3idkoum à toutes et à tous.

    Bien à vous avec mes sincères et profondes pensées

    Lire la suite

  • Hommage, suite et fin.

    ____________________________________________________

     

    Ma postface à « Taleb Abderrahmane guillotiné le 24 avril 1958″ Ma postface à « Taleb Abderrahmane guillotiné le 24 avril 1958″ 13 Mai 2016 M. Bouhamidi

    Un silence éloquent enterre les sens, les symboles et les contenus du 60ème anniversaire, millésime signifiant s'il en est, du 19 mai 1956 et l'appel à la grève des étudiants. En face se multiplient les réussites néocoloniales dans la reconquête par la culture, dans la fabrication d'"idoles" et de créatures-relais, dans l'influence française multipliée au sein des élites, et dans l'encadrement révisionniste de l'écriture de notre propre histoire.

    En hommage à nos étudiants martyrs, en résistance à cette reconquête coloniale, en dénonciation de la complicité massive et explicite des pouvoirs publics algériens dans la réalisation d'un divorce aggravé entre la jeunesse studieuse et les attentes de notre peuple, je vous propose la lecture de ma postface au livre « Taleb Abderrahmane guillotiné le 24 avril 1958″, figure symbole et synthèse de cet engagement des intellectuels algériens révolutionnaires avec leur peuple, pour l'indépendance et pour l'Algérie promise par la proclamation du 1er novembre 1954.

    Le nom, la personnalité et le parcours de Taleb Abderrahmane portaient une charge si puissante que les étudiants algériens les prirent spontanément, en 1962, pour symbole de l’engagement et du sacrifice. Les étudiants post indépendance lui reconnaissaient ainsi qu’il a joué un rôle d’idéal social et politique pendant la guerre d’indépendance, un rôle de modèle de combattant. Les étudiants des premières années de l’Algérie indépendante trouveront en lui la figure historique la plus indiquée pour perpétuer l’image que le peuple algérien se faisait de ses enfants intellectuels, étudiants et collégiens pendant la nuit coloniale : des champions qui devaient mettre leur science « arrachée » aux colons au service de leur peuple et de ses luttes.

    Pourtant Taleb Abderrahmane ne domine pas la scène morale et politique comme figure isolée. Il fait partie de tous ces champions, ces élites, que la société algérienne a produites dans ses luttes pour sa survie entre cadres politiques, syndicaux, culturels, artistiques, sportifs, religieux etc. Mohamed Rebah a parlé de ces différentes élites en d’autres occasions et a montré leur apport à la maturation des idées nationales puis à la guerre elle-même. Il a montré comment en différents ruisseaux leurs activités ont préparé physiquement, moralement et politiquement les futurs combattants à assumer les écrasantes nécessités du combat. Ces élites se sont forgées à différents degrés dans la lutte contre les différentes formes de l’exploitation coloniales. Il est frappant qu’à la naissance de Taleb Abderrahmane, en 1930, ces élites nouvelles qui se sont forgées dans la lutte contre les diverses formes de l'exploitation coloniale, se sont distinguées essentiellement de celles qui ont mené les grandes luttes du dix-neuvième siècle et qui se structuraient autour des tribus, des zawias et des tolbas. Nous pouvons en trouver une belle illustration dans « La tête dans un sac de cuir », le livre que Sid Ahmed Mebarek a dédié à son ancêtre Ben Allal Mebarek acteur essentiel puis chef de la résistance dans la Mitidja-Ouest et dans les régions autour de Miliana, Khalifa de l’Emir Abdelkader dans la même ville.

    Taleb Abderrahmane naît dans un monde en mutation dans lequel la figure du militant politique, du syndicaliste, du réformateur religieux, de l’animateur associatif dans le sport et dans les arts vont apparaître, accompagner les anciennes élites et exercer une influence sociale parallèle puis dominante. Mieux, Taleb Abderrahmane naît au cœur même du territoire, la Casbah d’Alger, dans laquelle se déroulent ces mutations entre le décor immuable d’un héritage prestigieux et les nouvelles catégories sociales et leurs propositions hiérarchiques.
    Les mots n’ont pas que des résonances. Travailleur occasionnel, ouvrier professionnel, ouvrier spécialisé, travailleur permanent, ces termes commencent à structurer un rapport des indigènes au monde de l’économie coloniale et à les situer face au dispositif colonial, en première ligne. Il n’est pas question bien sûr d’ouvrier indigène hautement qualifié, encore moins de technicien ou d’ingénieur même si existent déjà, en quelques exemplaires, des instituteurs, des médecins, des pharmaciens et des avocats d’autant plus remarquables par leur rareté.

    Sur le plan social, dans ces années trente, les jeunes commencent à abandonner les habits traditionnels qui sont autant des signes de la positon sociale du passant et qui servaient à faire reconnaître le statut des personnes qui les portaient. Mais dans cette mutation gigantesque une tendance générale dominait : les politiques coloniales précipitaient les Algériens dans une misère noire. De séquestre en dépossession, ces politiques jetaient des dizaines de milliers d’Algériens dans l’exode et dans d’innommables bidonvilles autour des grandes villes. Cet exode affecta aussi la vieille Casbah et modifia sa composante humaine le plus souvent à partir des anciens courants d’échange de la vieille cité avec des régions qui lui fournissaient certains services et certains corps de métiers. Pour ces raisons la Casbah gardera intactes des traditions citadines et urbaines et continuera d’offrir un cadre social et moral préservé malgré les dégradations subies du fait colonial. Cet équilibre partout présent en Algérie entre la préservation d’un « ordre social » et donc moral vital à la résistance et à l’adaptation combative à l’ordre/désordre colonial atteint dans cette Casbah un point culminant.
    Ce livre de Mohamed Rebah montre bien que les algériens n’ont pas fait que subir ces mutations. Ils créent leurs organisations sociales, culturelles et politiques. Ils font plus que s’adapter, ils luttent. Dans l’aveuglement de leur centenaire, dont parle si bien ce livre, les colons ne voient pas que les algériens ont récupéré de leurs insuccès et de leurs insurrections inabouties. Ils repartent au combat, ont repris confiance. Ils créent une atmosphère nouvelle à partir de l’idée d’indépendance que répand le mouvement national et qui agit comme une retrouvaille avec l’identité algérienne. En de nombreuses occasions Mohamed Rebah a qualifié ces organisations sociales et politiques d’écoles. Ecoles du nationalisme, écoles politiques, écoles sociales, écoles du courage etc. etc. Je retiendrais à jamais cet exemple de l’équipe de football du Mouloudia de Cherchell dont tous les membres prirent le maquis et qui m’a permis de comprendre en profondeur la notion d’école dans les luttes politiques.

    Mais si ces écoles avaient pour but d’éveiller la conscience nationale et de préparer avec les moyens du bord les élites qui devaient mener et diriger les luttes pour l’émancipation nationale, ce n’était pas l’objectif de l’école française pour indigène. Bien au contraire elle avait pour but officiel d’intégrer les rares enfants indigènes admis à l’école aux fonctions nécessaires à la bonne marche des affaires coloniales. En 1929, un an avant la naissance de Taleb Abderrahmane, un chiffre insignifiant de 60.644 (dont 6712 filles) algériens ont accès à l’école dans 564 écoles dont 23 pour filles. (in Eliaou Gaston GUEDJ « L'ENSEIGNEMENT INDIGENE EN ALGERIE AU COURS DE LA COLONISATION -1832-1962). Auparavant, le peu d’Algériens en situation de le faire refusaient plutôt d’envoyer leurs enfants à l’école française. Ils se méfiaient de cet enseignement qui risquait de dépersonnaliser leurs enfants et leur crispation était une forme de résistance.

    Pourquoi changent-ils d’avis et deviennent justement demandeurs dans ces années 1930 ? La réponse se trouve dans la description que fait Mohamed Rebah des dispositions d’esprit du peuple algérien qui veut désormais tout à la fois pousser les enfants à « s’en sortir » par la « langue du pain » mais aussi « dérober sa science à l’adversaire ».
    La naissance des partis politiques algériens a joué un grand rôle dans cette confiance en soi nouvelle qui a permis d’aborder l’idée scolaire différemment. Nous en retrouvons une expression esthétique dans l’histoire d’un petit kabyle que son grand-père décide d’envoyer à l’école des français concomitamment avec l’apparition du PPA. Nous trouvons trace de ce renversement dans plusieurs autres textes dont une de très grande beauté bien que tardive dans « La baie aux jeunes filles » de Fatiha Nesrine.

    C’est une situation très paradoxale qu’une société agressée, carencée sur tous les plans, repliée dans ses dernières défenses, préoccupée par sa sauvegarde et par les moyens de reconstituer ses élites pense à prendre chez l’adversaire ce qu’elle peut prendre pour le combattre. C’est bien sûr une situation unique que de chercher les instruments de son émancipation au cœur même de l’institution le plus ouvertement vouée à la domestication par la culture. Cette situation paradoxale ne concernait pas tous les enfants indigènes : les 60.644 enfants représentent à peine six pour cent des enfants en âge scolaire.
    Leur écrasante majorité n’arrivera même pas au niveau du cours de fin d’études qui permettait avec beaucoup de difficultés, à quelques uns d’accéder à un enseignement professionnel. Ils seront encore plus rares ceux qui accéderont au collège d’enseignement général et encore plus rares ceux qui comme Taleb Abderrahmane « pousseront » plus loin leurs études.

    C’est cette frange limitée d’adolescents qui vivra cette expérience unique de la dualité. Car le discours nationaliste n’occupe pas seul le terrain social. Le discours assimilationniste spontané des indigènes conseillait aux jeunes en succès scolaire de penser à leur avenir et de se sortir au plus vite de « cette misère des Arabes », et le faisait aussi bien que le discours assimilationniste élaboré qui ménageait à ces nouvelles élites indigènes la fonction de courtier entre deux mondes incompatibles. À distance nous pouvons mesurer grâce à ce travail de Mohamed Rebah le parcours de Taleb Abderrahmane tout à la fois singulier et exemplaire d’une époque. Car n’oublions pas l’engagement de ces centaines de collégiens et de lycéens qui ont rejoint les maquis et la guerre de libération.

    Taleb Abderrahmane en est devenu le symbole, car il a élevé au plus haut point le sens de l’engagement patriotique, mais l’expérience de la dualité leur a été commune.

    Quelques uns sont encore vivants. Pour les jeunes ou les moins vieux qui n’ont pas connu directement ou par contact générationnel ces années de transformations sociales, ce texte les dépeint avec une grande vigueur. Par contre, de ce récit, pour ceux qui ont connu cette période, émane une profonde émotion et une grande force d’évocation. Au-delà de la netteté et, disons-le, de la sécheresse des faits cette évocation travaille le vécu, le subjectif ; ce qui ne relève pas du travail de l’historien, mais du narrateur, du romancier, du cinéaste que malheureusement l’Algérie indépendante n’a pas su ou voulu mobiliser au service de la mémoire.

    Dans ce registre, comment à partir de cette simple, et si narrative, image de Taleb Abderrahmane révisant ses cours à la lumière d’une bougie, ne pas se souvenir de la condition misérable que nous avait fait le colonialisme et surtout ne pas se souvenir de cette course contre la montre qu’a été notre rapport à l’école ?

    Le souvenir ne sera pas exactement le même pour les enfants que nous fûmes selon que nous étions citadins ou ruraux mais la dualité était identique.

    Nous devions courir dès l’aube vers l’école coranique avant d’aller à l’école française – école française pour indigènes dans notre écrasante majorité – et souvent d’y retourner le soir. Courir sur un sentier de campagne ou sur les pavés de la Casbah ou de toute autre ville d’Algérie n’y changeait pas vraiment grand-chose sur le fond. À six ans déjà nous étions dans un monde scolaire duel, dans un entre deux de la langue et de la culture, en attendant de découvrir que nous étions tout simplement entre deux mondes. Non pas un monde double, un monde unique avec deux faces, un monde à la Janus, mais vraiment deux mondes différents.

    Nous devenions avec l’entrée en sixième des sortes de contrebandiers ; et l’école coranique aux premières lueurs – et en décembre elles sont froides - nous ne le rappelait constamment de quels territoires nous tenions. Nos parents ne nous disaient pas les choses ainsi. Le plus souvent, ils ne disaient rien.

    C’est un ensemble qui le disait. Nous étions des valseurs des frontières et c’est pour ne pas rester de l’autre côté, que, chaque matin, nous allions à l’école coranique ressourcer notre identité. Quelques uns parmi les plus vieux se souviennent-ils encore du blâme social, voire du soupçon de trahison, qu’encourait celui qui s’oubliait à parler en français en dehors de l’école ? Étrange – ou juste – retour des choses à l’endroit d’une école française qui nous interdisait l’usage de notre langue maternelle ou conscience aigue que la langue c’est aussi l’identité ?

    Aller à l’école, sur un sentier de campagne ou en zigzaguant dans les ruelles d’une Casbah ou entre les derbs d’une médina, ne jette pas sur les épaules des enfants les mêmes charges sociales et symboliques.
    Que dire de la diversité des perceptions sociales qui stimulent Taleb Abderrahmane et tous ces enfants et préadolescents dans la densité démographique de la Casbah.

    Pas seulement le nombre, autour de soixante-dix mille vers 1930, quatre-vingt mille en 1954, mais la densité qui renforce tout à la fois le maillage et le lien social. Il n’est pas indifférent, dans la formation, qu’un enfant côtoie, dans des espaces contigus, les scouts musulmans, le club sportif, l’école coranique, l’association des Ulémas, les sigles des syndicats et des partis politiques.

    En soi, les rapports sociaux, qui enserrent l’enfant, agissent plus fortement pour la préservation de son identité. Ils le poursuivent quasiment à l’intérieur de la classe. Tout devient un champ de confrontation au cours de l‘enseignement, dans une recherche obstinée des points de comparaison de la longueur des fleuves à la hauteur des montagnes.

    Il y a un intérieur de l’élève, une lutte qui s’est glissée du champ social au champ de l’individu. Cela fera la différence entre une école française conquérante face aux possibilités réduites d’un village isolé du monde rural et une école française pour indigènes dans une cité millénaire vaincue mais pas défaite, encore immune par sa langue, sa culture, ses arts, ses traditions etc.

    En elle-même, cette vieille Casbah contrariait les missions de l’école coloniale. Les chefs ottomans l’avait livrée sans vraiment combattre contre la vague et trompeuse promesse d’emporter leurs trésors dans leur débandade. Les Français avaient détruit ses remparts, son accès à la mer, ses portes, toute sa partie Nord. Il restait quand même cette Alger-là, cette preuve par la splendeur architecturale de notre civilisation ancestrale, qui ruinait le mythe colonial d’une Algérie barbare.

    Ce n’est pas rien de vivre à l’intérieur d’une splendeur comme mémoire. Et cette mémoire n’était pas seulement dans les pierres. Malgré un exode dévastateur des anciennes élites, un artisanat émérite, une musique savante, une cuisine et un mode vestimentaire raffinés, des mosquées et des zawiyas rebelles actives dans la survie de la langue affectaient aux pierres du sens historique.

    A plusieurs occasions –conférences, émissions radio, animations, conversations ou débats avec tous les types de public - Mohamed Rebah a souligné l’interaction contradictoire entre les changements imposés par les politiques coloniales et ceux que les organisations anticoloniales vont apporter dans le mode de vie et dans les formes de luttes, notamment dans la formation de la conscience nationale.
    Son livre « Des Chemins et des Hommes » reste une référence sur ces interactions. Aucune de ces interactions n’explique le caractère trempé de Taleb Abderrahmane, ni son courage, ni la froide détermination à combattre le colonialisme en mettant sa vie dans l’équation. Taleb Abderrahmane est un héros exceptionnel. Le livre le montre avec un grand talent. L’autre mérite de ce livre est de nous rendre intelligible l’engagement massif des autres étudiants et lycéens qui furent aussi des héros. Certains de grands héros.

    Alors cinquante ans après, ce livre refermé, je me suis rappelé mes années au collège avec une poignée de camarades algériens au milieu des nos condisciples pieds-noirs, l’intérêt de tous les voisins pour nos études, leurs encouragements incessants, leur métalangage qui nous assignait la mission d’être meilleurs que les jeunes pieds noirs.
    Je me rappelle que le collège avait modifié même le comportement de nos camarades de quartier, cireurs, porteurs, vendeurs à la sauvette, coursiers qui rêvaient d'en découdre avec l'école et battre les pieds- noirs sur le terrain de l'intelligence et du savoir dans leurs propres murs.
    Nous étions en mission de réparer notre image à tous face au racisme odieux et omniprésent.

    Eux, ils devaient être champions de foot, de boxe, de course à pied, de quelque chose et de n’importe quoi mais champions. Rater sa mission d’être champion, c'est-à-dire premier de la classe ou au moins dans une matière, n’était pas sans risque. Nous aurions perdu toute considération.

    Mais, pour moi, ces souvenirs restaient des souvenirs jusqu’à la lecture de ce livre. En le refermant, j’ai compris qu’on nous préparait à être des champions d'abord pour être utiles à nos frères de condition, car à quoi sert un intellectuel s’il ne sert pas ses frères ?

    J’ai surtout compris ce que je devais à cette atmosphère de lutte que je ne connaissais pas, qu’à mon âge je ne pouvais connaitre à part celle de la grande lutte qu’avait allumée une nuit rebelle de Novembre qui avait pris pour moi les allures du murmure quand on chuchotait les noms de ceux qui étaient montés au maquis, de ceux qui avait plongé dans la clandestinité ou les larmes pour dire les morts ou les prisonniers.

    C’était assez pour me rendre presque impossible de parler de ce texte dont la densité reflète celle de la détermination de Taleb Abderrahmane.
    L’école française a échoué à nous domestiquer par sa culture car une puissante dynamique sociale, animée par des partis ancrés dans le peuple, lui fermait le champ. C'est toute notre société tendue dans son effort de libération qui préparait ses champions pour cette lutte qu'elle savait, d'expérience, sans merci. Elle fut sans merci, et, grâce à cette longue préparation, les sportifs du Mouloudia de Cherchell comme les étudiants et collégiens de 1956 surent supporter la charge inouïe du combat.

    La leçon vaut pour aujourd’hui, alors que, de toutes parts et sur tous les supports, déferle, sans digues officielles pour la contenir, une narration de notre guerre qui en fait une erreur et de notre indépendance une inutile vacuité.

    Ce livre brise un peu l’encerclement des silences complices de ce révisionnisme triomphant et nous restitue une des plus belles parts de notre histoire que nous pouvons offrir comme mémoire à nos enfants.

    "Taleb Abderrahmane guillotiné le 24 avril 1958″
    De Mohamed Rebah. Editions APIC - Alger.

     

    Lire la suite